Les Alpes annonçaient, par le profil imposé aux rescapés de cette Grande Boucle, un véritable feu d’artifices. Le scénario des étapes dans le Jura, dans les Pyrénées et dans le Massif Central prédisait une nouvelle salve d’offensives dans les cols mythiques du sud-ouest de l’Hexagone. Les spectateurs ont finalement été déçus : l’attentisme était de mise chez les rivaux du maillot jaune Chris Froome (Sky) et les quelques feux-follets en fin de cols n’ont pas suffi à faire mal au Britannique. Cela s’est plutôt joué aux bonifications, et Froome quitte la haute montagne avec le paletot de leader, avec un avantage certain en vue du dernier contre-la-montre individuel de Marseille. C’est désormais clair : le vainqueur sortant a un pied et demi sur la plus haute marche du podium à Paris.
Les Ag2r-La Mondiale ont roulé… pour une bonification
Le contraste était frappant entre les télévisions françaises et la télévision belge francophone quant à la tactique de l’équipe Ag2r-La Mondiale durant cette 18e étape du Tour de France. Tous s’attendaient à un festival de la formation français dès le pied de l’Izoard, ils étaient finalement surpris par l’attentisme de Romain Bardet, qui perdait tous ses équipiers à six kilomètres du sommet, sans la moindre attaque en vue. La RTBF s’étonnait de cette tactique qui ne rapportait finalement que deux secondes de bonification à Bardet sur la ligne d’arrivée, Eurosport et France Télévisions félicitaient le groupe de Vincent Lavenu par rapport aux efforts consentis et à la décision de l’équipe de rouler en tête. Vincent Lavenu, lui-même, se rassurait comme il pouvait au micro d’Eurosport et de la RTBF : “Nous avons montré que nous étions un vrai groupe qui grandit, et qui réagit en patron. Je suis fier de ce qu’ils ont réalisé. Désormais, attention à ce qui peut arriver, il n’y a que 23 secondes entre Romain et Froome. Tout peut encore se passer d’ici Paris”.
Certes, espérer un coup du sort pour détrôner le leader du général est une tactique idéale pour les amateurs de jeux de hasard, mais le cyclisme se veut autant psychologique que physique et ne peut se jouer que sur la chance. Encore ce vendredi, Ag2r-La Mondiale a semblé rouler avec l’espoir d’un coup de moins bien du leader du classement général. Froome n’a pourtant jamais flanché, et se montrait en outre collectivement fort, se plaçant avec Michal Kwiatkowski et Mikel Nieve à ses côtés pour faire face à l’offensive des équipiers de Bardet. Alors, voir quatre hommes de la Sky montrer sa domination face au Français, isolé, à cinq kilomètres du sommet, cela pouvait surprendre après le travail réalisé par Ag2r-La Mondiale durant près de soixante bornes auparavant. Bref, le coup de Vincent Lavenu et ses hommes n’a pas eu les effets escomptés, Romain Bardet a seulement repris deux secondes après trois attaques manquées. Et en vue d’un chrono qui ne le favorise pas, c’est bien peu.
Chris Froome a rarement été aussi suivi
“J’ai essayé d’attaquer pour lâcher Uran et Bardet mais c’était impossible. J’ai juste survécu aux Alpes”, lance Chris Froome au terme de cette 18e étape. Une réflexion qui confirme l’ensemble de cette Grande Boucle. Le Britannique a été mis face à ses responsabilités sur quasiment toutes les étapes de montagne et n’a jamais su se débarrasser de ses rivaux sur les pentes de ce Tour, son terrain d’excellence. Jusqu’à présent, il n’a finalement réussi à reprendre du temps que… sur le prologue de Düsseldorf, qu’il avait écrasé face à ses adversaires, en prenant près de 40 secondes sur Bardet et Uran, il y a déjà près de vingt jours de cela.
Contrairement à ses trois précédents succès dans la course au maillot jaune, “Froomey” est cette fois bousculé et ne peut faire la différence comme à son habitude sur quelques minutes d’un effort intense, à la cadence de pédalage monstrueuse. Cette fois, les grimpeurs sont dans sa roue, et font même la course quand ils le peuvent, pour déstabiliser une équipe pourtant annoncée comme la plus forte de ces dernières années. Cela a donné un beau suspense, plus intense que ces dernières années, mais le maillot jaune a toujours semblé contrôler, assurer le minimum syndical. Même lors de sa perte de la tunique de leader : le grimpeur britannique a retrouvé ses esprits, sa place dans les premières places du peloton et le jaune.
Des rivaux qui jouent le podium
Derrière Froome, justement, bon nombre de coureurs semblent plutôt jouer le podium plutôt que la victoire finale sur ce Tour de France. Comme si un plafond de verre existait en-dessous de Froome, que personne ne pense capable d’atteindre. Dans les Alpes, les offensives ne furent pas aussi surprenantes et appuyées que durant les deux premières semaines de course. Certes, la fatigue n’aide pas à améliorer l’explosivité, mais il y avait bon nombre d’endroits destinés à user d’une tactique agressive pour bouleverser le classement général en quelques tours de roue. Romain Bardet et les Ag2r-La Mondiale ont compté sur une éventuelle défaillance du maillot jaune sans autre timing, alors que Rigoberto Uran a tenu sa réputation de suiveur. Bardet peut tout de même remercier le Colombien d’avoir appuyé sur les pédales dans la légère descente finale vers le sommet de l’Izoard au moment de l’attaque de Froome mais sinon, le coureur de la Cannondale-Drapac est apparu aussi discret qu’à son habitude, toujours dans la roue, rarement à l’offensive.
Fabio Arù avait lui une bonne excuse : le champion d’Italie semble être arrivé en forme trop tôt et paye aujourd’hui ses efforts des deux premières semaines. Sur l’Izoard, il a encore perdu une minute, et voit ses espoirs de podium s’évaporer. Trop isolé, cela a fini par payer… Mais avant ces montées finales sur lesquels l’attentisme était de mise, aucun de ces coureurs n’a essayé d’anticiper et d’isoler, justement, le maillot jaune. Les tactiques se sont rapidement effacées, au profit d’une envie d’assurer sa position. Logique sur la course la plus médiatique du monde. Dommage pour le spectacle. Heureusement que Warren Barguil (Sunweb), vainqueur d’étape sur l’Izoard, maillot à pois et neuvième du général après de nombreuses attaques audacieuses, a donné de l’envergure à ce final.
Un contre-la-montre favorable au maillot jaune
Il reste désormais trois étapes avant de penser au podium final. Si la dernière journée est habituellement consacrée à un critérium dans les rues de Paris, les deux prochaines étapes se veulent tout de même importantes dans la lutte pour le classement général malgré l’absence de col d’ici l’arrivée dans la capitale française. La 19e étape entre Embrun et Salon-de-Provence semble promise aux sprinters ou aux baroudeurs, notamment au vu de la longueur proposée (plus de 220 kilomètres). Quelques buttes s’annoncent, mais trop légères pour effrayer les leaders du classement général. Et le lendemain, place au deuxième et ultime contre-la-montre individuel de cette Grande Boucle : seulement 25 kilomètres mais un parcours vallonné qui peut piéger les purs rouleurs.
Malgré la bosse prévue sur le tracé prévu entre le Vélodrome et… le Vélodrome, Chris Froome part avec un avantage incertain sur ses adversaires et doit avant tout penser à arriver en un seul morceau, sans le moindre pépin technique, d’ici les Champs-Élysées. Le Britannique a l’avantage au vu de sa performance sur le prologue de Düsseldorf, et ce malgré la pluie. Tout juste Rigoberto Uran pourrait-il le mettre au défi sur cet exercice si particulier, au vu de son historique dans la discipline, mais cela s’annonce compliqué pour le Colombien. Bref, les écarts sont serrés, et pourtant, Froome semble avoir un pied et demi sur la première marche du podium final.
Résultats de la 18e étape du 104e Tour de France (Briançon > Col d’Izoard) :
1. Warren Barguil (Fra, Team Sunweb) en 4h40’33”
2. John Darwin Atapuma (Col, UAE Team Emirates) à 0’20”
3. Romain Bardet (Fra, Ag2r-La Mondiale)
4. Christopher Froome (G-B, Team Sky)
5. Rigoberto Uran (Col, Cannondale-Drapac) à 0’22”
6. Mikel Landa (Esp, Team Sky) à 0’32”
7. Louis Meintjes (Afs, UAE Team Emirates) à 0’37”
8. Daniel Martin (Irl, Quick Step Floors) à 0’39”
9. Simon Yates (G-B, Orica-Scott) à 0’59”
10. Alberto Contador (Esp, Trek-Segafredo) à 1’09”
…
20. Serge Pauwels (BEL, Dimension Data) à 3’04”
22. Tiesj Benoot (BEL, Lotto-Soudal) à 3’23”
29. Jan Bakelants (BEL, Ag2r-La Mondiale) à 4’13”
41. Thomas Degand (BEL, Wanty-Groupe Gobert) à 7’41”
58. Thomas De Gendt (BEL, Lotto-Soudal) à 12’48”
69. Jürgen Roelandts (BEL, Lotto-Soudal) à 16’52”
71. Oliver Naesen (BEL, Ag2r-La Mondiale) à 17’42”
73. Jens Keukeleire (BEL, Orica-Scott)
83. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) à 18’44”
97. Guillaume Van Keirsbulck (BEL, Wanty-Groupe Gobert) à 23’50”
98. Pieter Vanspeybrouck (BEL, Wanty-Groupe Gobert)
106. Dimitri Claeys (BEL, Cofidis Solutions Crédits)
119. Julien Vermote (BEL, Quick Step Floors) à 28’33”
127. Frederik Backaert (BEL, Wanty-Groupe Gobert)
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Classement général provisoire après la 18e étape :
1. Christopher Froome (G-B, Team Sky) en 78’08’19”
2. Romain Bardet (Fra, Ag2r-La Mondiale) à 0’23”
3. Rigoberto Uran (Col, Cannondale-Drapac) à 0’29”
4. Mikel Landa (Esp, Team Sky) à 1’36”
5. Fabio Arù (Ita, Astana Pro Team) à 1’55”
6. Daniel Martin (Irl, Quick Step Floors) à 2’56”
7. Simon Yates (G-B, Orica-Scott) à 4’46”
8. Louis Meintjes (Afs, UAE Team Emirates) à 6’52”
9. Warren Barguil (Fra, Team Sunweb) à 8’22”
10. Alberto Contador (Esp, Trek-Segafredo) à 8’34”
…
18. Serge Pauwels (BEL, Dimension Data) à 37’31”
19. Tiesj Benoot (BEL, Lotto-Soudal) à 40’49”
24. Jan Bakelants (BEL, Ag2r-La Mondiale) à 1h00’19”
33. Thomas Degand (BEL, Wanty-Groupe Gobert) à 1h31’43”
55. Thomas De Gendt (BEL, Lotto-Soudal) à 2h15’15”
57. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) à 2h16’44”
63. Oliver Naesen (BEL, Ag2r-La Mondiale) à 2h24’27”
67. Jens Keukeleire (BEL, Orica-Scott) à 2h32’18”
100. Pieter Vanspeybrouck (BEL, Wanty-Groupe Gobert) à 3h07’11”
136. Frederik Backaert (BEL, Wanty-Groupe Gobert) à 3h44’12”
137. Jürgen Roelandts (BEL, Lotto-Soudal) à 3h44’15”
144. Julien Vermote (BEL, Quick Step Floors) à 3h49’41”
149. Guillaume Van Keirsbulck (BEL, Wanty-Groupe Gobert) à 3h56’50”
163. Dimitri Claeys (BEL, Cofidis Solutions Crédits) à 4h14’52”
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Grégory Ienco – Photos : A.S.O./Tour de France/Bruno Bade et Team Sunweb