S’il a souvent été considéré comme une épreuve de rattrapage (pour les grimpeurs) ou une épreuve de préparation (pour les favoris des prochains Mondiaux), le Tour d’Espagne prend son essor au fil des saisons. Taillée pour les purs spécialistes de l’altitude, cette Vuelta sera encore une fois l’occasion d’une bagarre entre attaquants à la conquête du maillot rouge. Et si les anciens protagonistes de l’épreuve ne sont pas de la partie, les favoris ne manquent pas pour cette 74e édition. On fait le point sur ceux qui devraient faire la course durant ces trois prochaines semaines sur la péninsule ibérique.
Miguel Angel Lopez (Col, Astana Pro Team)
Double vainqueur d’étape en 2017 puis troisième du général l’an dernier après une course particulièrement offensive, Miguel Angel Lopez est attendu sur les routes de cette Vuelta comme l’un des favoris colombiens. Certes, son Tour d’Italie a été compliqué en troisième semaine (avec notamment une chute à cause d’un spectateur qu’il a rapidement frappé) et le coureur de 25 ans a depuis lors joué la discrétion, avec une prestation fantomatique sur le Tour de Pologne. Cela annonce-t-il une prestation en berne ? Lopez est plutôt un habitué des Grands Tours et arrive toujours en bonne condition sur ce type d’épreuve. À 25 ans, il semble prendre de l’expérience et de l’endurance. Ses fougueuses attaques ne visent plus les étapes, elles sont désormais plus canalisées pour accrocher une bonne place au classement général.
Surtout, Lopez est un vrai spécialiste de l’escalade, qui parvient à se sublimer sur des pentes à deux chiffres. S’il n’a pas l’explosivité de certains, le Colombien d’Astana compense par sa capacité à enchaîner les longs cols, et les étapes au dénivelé important. Il aura en outre le soutien d’un revanchard Jakob Fuglsang, privé d’un bon résultat sur le Tour de France après deux chutes. Et le reste de la formation n’est pas en reste avec Ion Izagirre et Luis Léon Sanchez pour jouer les équipiers de luxe et les animateurs en montagne. Clairement, la formation kazakhe a les moyens de jouer les premiers rôles.
Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma)
En quatre saisons à peine, l’équipe néerlandaise Jumbo-Visma s’est construit une solide réputation sur les Grands Tours. Notamment grâce à l’ancien sauteur à skis Primoz Roglic, quatrième du Tour de France 2018 et troisième du dernier Tour d’Italie. Giro qu’il a d’ailleurs dominé en début de course avant de perdre pied au fil des étapes. La faute à une fatigue accrue suite à un début de saison tonitruant ? Le Slovène a en tout cas décidé de ne pas faire le Tour de France pour éviter une désillusion. Roglic a pris la décision de couper durant l’été, pour s’autoriser un stage en altitude pendant que d’autres reliaient Paris. Cette Vuelta est l’occasion pour le coureur de 29 ans de confirmer qu’il a appris du Giro. Il aura en prime l’un des meilleurs collectifs de cette Vuelta avec George Bennett, Steven Kruijswijk (3e du dernier Tour), Sepp Kuss, Neilson Powless ou encore Robert Gesink pour le soutenir. Un groupe qui peut concurrencer le Team INEOS comme meilleure équipe du monde sur les Grands Tours.
Nairo Quintana (Col, Movistar Team)
Certes, l’équipe Movistar a connu une sacrée déception avant même le départ de cette Vuelta suite au forfait de Richard Carapaz. Le vainqueur du dernier Giro s’est blessé à l’épaule droite lors d’un critérium aux Pays-Bas, dimanche dernier, et doit donc renoncer à cette Vuelta sur laquelle il aurait endossé un rôle de favori clair. Movistar devra donc rabattre ses ambitions sur ses deux autres leaders : Alejandro Valverde (lire plus bas) et Nairo Quintana. Ce dernier a rappelé qu’il avait encore un talent certain pour la grimpette, même si ses ambitions au classement général ont été rapidement oubliées. Quintana a toutefois été de mieux en mieux au fil des étapes de montagne, et pourrait donc s’intéresser au maillot rouge qu’il a déjà décroché en 2015. Le groupe d’Eusebio Unzue est d’autant plus attendu sur la Vuelta, en raison des origines espagnoles de l’équipe. Marc Soler et Antonio Pedrero seront en outre des équipiers parfaits en vue des cols à escalader durant ces trois prochaines semaines.
Rigoberto Uran (Col, EF Éducation First)
Lui, c’est l’aîné des grimpeurs colombiens de cette génération. À 32 ans, Rigoberto Uran a déjà enchaîné les podiums depuis longtemps, avec notamment une deuxième place sur le Tour de France 2017 et deux autres sur les Giro 2013 et 2014. Mais depuis deux saisons, le coureur d’Urrao se fait plus discret. Il enchaîne les Top 10 mais ne semble plus capable de faire la différence en montagne, et donc de jouer les podiums comme par le passé. Uran a toutefois peu roulé cette saison et peut profiter de cette fraîcheur pour trouver le bon tempo sur cette Vuelta montagneuse comme il aime. Il sera donc à surveiller dès les premières arrivées en altitude. S’il tient le rythme des meilleurs lors de cette première semaine de course, le leader d’EF Éducation First, accompagné de ses jeunes compatriotes Daniel Martinez (23 ans) et Sergio Higuita (21 ans), pourra alors envisager plus qu’un Top 10.
Tadej Pogacar (Slo, UAE Team Emirates)
Si l’équipe venue des Émirats compte sur l’expérience de Fabio Aru, qui a semblé en forme grandissante au fil du Tour de France après une lourde opération au genou au printemps, UAE Team Emirates sera également aux petits soins avec Tadej Pogacar, récent vainqueur du Tour de Californie à seulement 20 ans. Le Slovène est un pur talent qui va découvrir son premier Grand Tour, la première course de trois semaines de sa carrière. Bien entendu, il s’agira d’une découverte importante pour Pogacar, et il n’est pas certain qu’il tienne la distance dès sa première Vuelta. Mais il sera intéressant de voir ses aptitudes en montagne sur une telle épreuve, ainsi que son endurance. Pogacar est capable d’aller chercher une victoire d’étape en haute montagne, voire d’accrocher un Top 10 s’il parvient à gérer ses efforts sans attaque à tout-va. Il sera en tout cas une des attractions de ce Tour d’Espagne.
Alejandro Valverde (Esp, Movistar Team)
Prévu pour le Tour d’Italie avant de renoncer, blessé, le champion du monde Alejandro Valverde s’est rabattu sur le Tour de France et le Tour d’Espagne pour se préparer à la fin de saison. Sur le Tour, il a longtemps été à l’attaque et tenté de jouer la carte collective, même si les choix tactiques de la Movistar ont parfois surpris. Qu’importe : Valverde était présent et a encore conclu le Tour à la neuvième place à 39 ans. Le Murcien arrive toutefois avec une autre approche sur cette Vuelta : Valverde songe surtout à préparer au mieux sa condition en vue des championnats du monde dans le Yorkshire, où il défendra son maillot arc-en-ciel. Comme l’an dernier, il devrait donc jouer les victoires d’étapes et épauler Nairo Quintana dans sa lutte pour le maillot rouge. Valverde sait qu’il n’a plus les qualités pour se hisser en tête du classement général, mais il reste un coureur complet capable de s’imposer sur tous les terrains, et donc dangereux pour l’ensemble du peloton.
Sam Bennett (Irl, Bora-Hansgrohe)
Auteur d’un hat-trick exceptionnel sur les trois premières étapes du BinckBank Tour, le champion d’Irlande Sam Bennett (Bora-Hansgrohe) sera le grand favori de cette Vuelta sur les arrivées massives. Le coureur avait été éjecté des sélections pour le Tour d’Italie et le Tour de France malgré une bonne condition affichée depuis le début de la saison, il apparaît désormais en parfaite forme pour entamer le Tour d’Espagne. Bennett s’est déjà imposé à trois reprises sur le Giro 2018, et connaît donc la pression des épreuves de ce type. En outre, les sprinters au départ de cette Vuelta ne sont pas aussi nombreux que sur les deux premiers Grands Tours de la saison. Bennett peut donc croire en un nouveau triplé s’il affiche le même jump que deux semaines plus tôt, sur le BinckBank Tour. Surtout que le champion irlandais se prépare avant tout pour les prochains championnats du monde, où il sera l’un des favoris à surveiller.
Fabio Jakobsen (P-B, Deceuninck-Quick Step)
Bennett ne sera évidemment pas le seul sprinter à s’élancer au départ de cette Vuelta. Il devra notamment faire face à Fernando Gaviria (UAE Team Emirates), John Degenkolb (Trek-Segafredo), Max Walscheid (Sunweb), ou encore le champion des Pays-Bas Fabio Jakobsen (Deceuninck-Quick Step). Ce dernier participera à son tout premier Grand Tour, à seulement 22 ans, et sera donc attendu au tournant. Cette Vuelta apparaît comme un démarrage idéal pour le jeune sprinter batave, qui progresse de mois en mois, jusqu’à devenir en juin dernier champion des Pays-Bas. Vainqueur d’étape sur le BinckBank Tour 2018, le Tour de Californie 2019 ou encore le Tour de Turquie 2019, Jakobsen devra cette fois faire face à la pression d’une course de trois semaines. Il comptera sur le soutien de l’inoxydable Maximiliano Richeze, poisson-pilote universel dans les sprints massifs.
Philippe Gilbert (Bel, Deceuninck-Quick Step)
Une semaine après l’annonce de son départ pour Lotto-Soudal durant l’hiver, Philippe Gilbert dispute son premier Grand Tour de la saison. Déçu de ne pas avoir pu prendre le départ du Tour de France, le Remoucastrien a dû changer ses plans pour la deuxième partie de saison. Pour préparer le championnat du monde sur route dans le Yorkshire, Gilbert retrouve une Vuelta qui lui a déjà porté chance par le passé : il s’y est imposé sur cinq étapes en 2010, 2012 et 2013. Le coureur de Deceuninck-Quick Step peut donc voir ce Tour d’Espagne avec ambition, lui qui apparaissait en meilleure forme à la fin du récent BinckBank Tour qu’en début de semaine. Surtout que les étapes pour attaquants ne manquent pas sur cette Vuelta.
Thomas De Gendt (Bel, Lotto-Soudal)
Et quand on parle d’attaquants, on pense logiquement à Thomas De Gendt (Lotto-Soudal). Le Gantois poursuit son défi d’enchaîner les trois Grands Tours et espère à nouveau engranger une victoire d’étape sur ce Tour d’Espagne qui l’avait vu lever les bras l’an dernier. Déjà vainqueur d’étape sur le dernier Tour de France, De Gendt va certainement enchaîner les échappées durant ces trois semaines de course. Surtout, l’équipe Lotto-Soudal a choisi un effectif bien offensif pour cette épreuve, confirmant que De Gendt aura quartier libre dès qu’une étape de moyenne montagne lui conviendra. L’épreuve espagnole pourrait aussi lui permettre de décrocher une première sélection pour un championnat du monde, lui qui sait également se révéler comme un parfait équipier s’il doit assurer les arrières d’un leader.
Photos : Unipublic/ASO/Gomez Sport – RCS Sport/La Presse/Fabio Ferrari
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