Je n’avais que 9 ans quand Frank Vandenbroucke a attaqué Michele Bartoli et Michael Boogerd pour remporter en solitaire Liège-Bastogne-Liège comme il l’avait annoncé, en attaquant sur la côte de la Redoute, puis la côte de Saint-Nicolas. J’avais à peine 13 ans quand « VDB » a terminé deuxième du Tour des Flandres sous le maillot de la Quick Step, seulement détrôné par Peter Van Petegem, pour qui j’ai longtemps eu une rancœur de ne pas avoir laissé gagner celui que je voyais comme repenti. J’en avais 19 quand j’ai appris, en suivant l’émission de football du lundi sur la RTBF, le décès de celui qui avait marqué mon enfance par ses fulgurances, autant cyclistes qu’extra-sportives.
Frank Vandenbroucke représentait à mes yeux tous les excès de l’époque. Cette super-star qui aurait pu garnir son palmarès de multiples courses sans une addiction mortifère, comblée par un environnement toxique dans le peloton de l’époque. Il me manquait toutefois nombre d’informations pour mieux comprendre ce qui a poussé le gamin de Ploegsteert dans ces outrances.
En 2019, j’ai été contacté par le journaliste britannique Andy McGrath, à la recherche de contacts pour contacter certaines personnes qui ont pu être proches de Frank Vandenbroucke. Trois ans plus tard, il publiait outre-Manche la première biographie en anglais du cycliste belge. Car les livres sur « VDB » ne manquent pas en Belgique, terre qui l’a vu naître, gravir les sommets, puis s’effondrer. À commencer par « Je ne suis pas Dieu » (« Ik ben God niet », titre original), une autobiographie sortie un an avant le décès de l’enfant terrible du peloton. Je n’avais cependant jamais pris le temps jusqu’ici de m’intéresser à la vie perturbée de celui qui s’est éteint dans des circonstances troubles dans un hôtel sénégalais, sans que la lumière n’ait jamais pu être faite sur cette disparition aussi abrupte que ses coups de force, pédales aux pieds.
Comment en est-on arrivé à cet extrême ? Andy McGrath n’offre pas de réponse toute faite, mais dresse une vie faite de drames, de décisions hâtives, de problèmes d’addiction, de détresse psychologique, de craintes légitimes ou non, de rencontres heureuses ou désastreuses. Tout n’est pas lié au dopage. Tout n’est pas lié à la personnalité de Frank Vandenbroucke, de Bernard Sainz, le tristement célèbre Dr Mabuse ou de ses proches. Tout n’est pas lié à des histoires amoureuses malheureuses. Tout n’est pas lié à la pression de la presse belge de l’époque. Mais le mélange de ces diverses histoires pousse aux questions sur ce qui serait advenu de Frank Vandenbroucke sans l’un de ces éléments.
Grâce à des interviews avec de nombreuses personnalités qui ont côtoyé de très près le coureur belge, depuis sa famille jusqu’à Patrick Lefevere, manager historique de la Quick Step, ainsi qu’un travail d’archive particulièrement bien documenté, Andy McGrath retranscrit une période trouble dans laquelle Vandenbroucke a été une victime collatérale, mais aussi un acteur-clé. Il n’en était évidemment pas le seul. Cette époque noire du cyclisme a eu des répercussions bien au-delà du sport, et a perverti une pelletée de personnes qui mériteraient clairement d’être bannie à vie du peloton (ou à côté).
Le livre n’a malheureusement jamais été traduit en français, mais mériterait cette adaptation, pour compléter l’importante bibliographie belge autour de « VDB », bien plus glorifiante que ce que l’auteur a réalisé dans cet ouvrage.
- « God is Dead : The rise and fall of Frank Vandenbroucke » par Andy McGrath, un livre sorti en 2022 aux éditions Bantam Press et Penguin Books, 304 pages.
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