Mettre son réveil aux aurores, sortir la machine à café, prévoir une sieste entre deux courses… : on espère que vous êtes prêt pour ces championnats du monde organisés à Wollongong, en Australie. Un décalage de huit heures, voilà qui est rare dans un monde cycliste plus habitué aux courses du Vieux Continent. Les supporters australiens, pour leur part, en rigolent, rappelant que, eux, doivent se farcir toute l’année ces heures de décalage. Regarder une étape du Tour de France à minuit, c’est le quotidien des juilletistes de l’autre côté du globe…
Mais le public n’est évidemment pas le plus touché par ce décalage. Les engagés de ces championnats du monde sont évidemment les principaux concernés par ce voyage de longue haleine en Australie. Suite au Covid-19, cela fait en effet plus de deux ans que l’Australie n’a plus accueilli une course de stature internationale, un tel voyage s’annonce donc exceptionnel. Mais aussi coûteux… Car rejoindre Wollongong demande obligatoirement de prendre l’avion (ou le bateau, pour les plus patients), matériel compris. Avec des prix de billets d’avion qui transpercent le plafond suite aux multiples crises économiques qui s’enchaînent, de nombreuses fédérations se sont interrogées : est-il vraiment intéressant de rejoindre l’Australie à grands frais pour jouer les figurants ? Doit-on dépenser des milliers d’euros pour une simple participation ?
Un sacré budget
Belgian Cycling, la fédération belge de cyclisme, a en effet calculé que pour l’ensemble des équipes présentes en Australie, cela représente un coût de plus de 330 000 euros, et ce malgré des partenariats trouvés notamment avec la compagnie aérienne Emirates pour les billets d’avion. Sur un budget annuel de 6,5 millions d’euros, cela pèse dans la balance, sachant que les Mondiaux sur route sont certes les plus médiatisés, mais ils ne représentent qu’une partie des compétitions cyclistes à gérer des juniors aux professionnels, du VTT à la route en passant par la piste ou le cyclo-cross.
Face à ces coûts élevés, certaines fédérations ont donc décidé d’une mesure radicale : ne pas aller à Wollongong… La fédération irlandaise n’a ainsi envoyé aucune sélection en Australie, alors que la fédération néo-zélandaise, privée de son principal partenaire depuis le début de l’année, a demandé aux cyclistes qui souhaitent participer à ces Mondiaux de payer pour leur voyage, ce qui mène à une sélection de seulement 4 femmes et 1 homme au départ. Sans compter les nombreuses fédérations qui ont décidé de ne pas envoyer de juniors ou d’espoirs à Wollongong, concentrant les efforts sur les élites, les catégories qui rapportent le plus de couverture médiatique. Ou même celles, comme la fédé espagnole, qui ont dû composer avec les équipes qui ne souhaitaient pas libérer leurs coureurs afin d’assurer leur place dans le WorldTour, en cette fin de saison.
Et si l’UCI intervenait ?
Vu ces nombreuses absences, certains éditoriaux en viennent à se demander si ces championnats du monde seront vraiment révélateurs de l’actuel niveau mondial. Vu que toute la concurrence ne sera pas présente à Wollongong, ces titres mondiaux auront-ils une véritable valeur ? Cette affirmation me semble personnellement surprenante, tant les championnats du monde ont, au fil des années, montré que ces exercices sont avant tout des représentations d’un instant T et peuvent parfois surprendre, par les parcours proposés, la météo du moment, les sélections du jour… Il n’est pas rare que des stars du peloton manquent ces championnats du monde, la faute à une méforme sur le moment ou un parcours peu adapté à leurs qualités. C’est bien le point à retenir à propos des Mondiaux : il s’agit de la vérité d’un jour, d’un parcours, d’une liste de départ. C’est la même chose sur le Tour de France, les classiques… Et pourtant, on ne parlera pas de course au rabais sur ces épreuves qui subissent également les aléas du peloton.
Cette année, sur un tracé vallonné, on pourra profiter d’une bataille entre Annemiek van Vleuten, Demi Vollering, Elisa Balsamo, Elisa Longo borghini, Lotte Kopecky, Kasia Niewiadoma ou encore Cecilie Uttrup Ludwig chez les élites femmes, et entre Wout van Aert, Remco Evenepoel, Mathieu Van der Poel, Julian Alaphilippe, Romain Bardet, Tadej Pogacar ou encore Michael Matthews chez les élites hommes. On ne peut pas se plaindre de telles affiches pour un maillot irisé… Mais l’absence de nombreuses équipes en Australie doit interroger l’UCI sur la nécessité de rendre accessible ces championnats du monde à la majeure partie des athlètes, quitte à prendre en charge les frais des fédérations plus modestes. Cela permettra alors plus d’égalité, et pas seulement la présence des meilleures stars du peloton.