Champion du monde dans les labourés et sur la route, une première dans l’histoire du cyclisme masculin. Vainqueur de Milan-Sanremo et de Paris-Roubaix. Le tout en sept mois. Rien que ces quelques lignes de palmarès en disent long sur les performances de Mathieu van der Poel en cette huitième saison parmi les professionnels. À 28 ans, le coureur néerlandais atteint le sommet de sa carrière, lui qui a déjà amassé auparavant cinq titres mondiaux en cyclo-cross, remporté deux Tours de Flandres, un Strade Bianche, porté le maillot jaune du Tour de France et le maillot rose du Tour d’Italie après des victoires d’étape dans son style explosif. Insatiable, le fils d’Adrie et petit-fils de Raymond Poulidor. Inarrêtable, quand un objectif se fixe sur son calendrier. Même si un virage glissant vient mettre à mal son inexorrable marche en avant.
“C’est un des derniers grands objectifs que j’avais”, admet celui qui voulait prendre sa revanche sur cette course sur route sur laquelle il a pioché à chaque fois pour diverses raisons (méforme, fringale, nuit d’hôtel agitée…). Le coureur de Kapellen a encore l’arc-en-ciel sur le cross-country en tête, cette discipline pour laquelle il avait fait tant de sacrifices avant une chute et un dos en compote sur les Jeux Olympiques de Tokyo, en 2021. Mais rien que celui arboré sur la route lui apporte déjà un bonheur à la hauteur de son exploit. “Ma carrière est presque complète avec cela”, ajoute-t-il. On ne peut lui donner tort. Il ne manquerait plus qu’il se lance à corps perdu sur les classiques ardennaises et le Tour de Lombardie pour s’essayer au Grand Chelem des monuments du cyclisme. Mais vu sa rage encore prouvée en Écosse, nul doute qu’il voudra encore garnir son palmarès des trophées qui trônent déjà sur son étagère.
Seul le plus fort pouvait s’imposer
Avec 270 kilomètres au programme et plus de dix tours d’un circuit urbain composé de 45 virages à angle droit et six murs abrupts entre 150 et 500 mètres, ce championnat du monde entre Édimbourg et Glasgow ne pouvait pas se terminer au sprint. Les courses destinées aux juniors, disputées la veille, l’avait montré, les sélections favorites pour le maillot arc-en-ciel l’ont confirmé en menant un train d’enfer dès l’arrivée dans les rues de la capitale écossaise. Le Danemark, la Belgique et l’Italie ont enchaîné les banderilles, profitant de leur force collective pour jouer le surnombre. Et finalement, aucune de ces nations n’a trouvé le succès au bout de ces six heures infernales (entrecoupées d’une pause de 50 minutes en raison de manifestants sur la route, à l’orée de Glasgow).
Ce circuit urbain, souvent comparé à un tracé de cyclo-cross, avec ses nombreuses relances et tape-culs pour coureurs explosifs, a finalement eu raison des ambitions des coureurs espérant une arrivée groupée. Et ce n’était même pas l’intention des principales nations à l’avant. “J’ai rendu la course difficile au service de Wout van Aert. Nous avons alterné les offensives l’un et l’autre, et cela a fonctionné. Aujourd’hui, c’était clairement pour Wout”, avouait le tenant du titre Remco Evenepoel au micro de la VRT, confirmant que l’objectif était avant tout de durcir et de réduire au maximum le peloton. Ce qui faisait qu’à 35 kilomètres de l’arrivée, il n’y avait finalement plus que cinq hommes à l’avant pour croire à l’irisé.
Si la tactique est une chose, ce circuit de Glasgow a confirmé que c’est bien la récupération et la gestion des efforts qui feraient la différence. Après avoir joué la carte de la discrétion, à l’exception d’une offensive à près de 90 kilomètres du but, Van der Poel a patienté jusqu’à 22 kilomètres de l’arrivée, sur un passage très raide puis un enchaînement technique, sur un chemin glissant à souhait, pour placer son attaque fatale. Le Néerlandais avait finalement conservé l’énergie nécessaire pour une accélération dont il a le secret avant de se lancer dans un contre-la-montre en solitaire, dont il est le meilleur représentant après plus de 250 kilomètres, comme il l’a déjà prouvé sur Milan-Sanremo en mars dernier.
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“Je savais que c’était le moment le plus dur de la course. Il y avait une descente juste après et puis, tout de suite, une nouvelle montée raide. Je me sentais encore fort, et j’avais remarqué que les autres étaient un peu limite”, confirme le nouveau champion du monde à l’arrivée, lors de l’interview post-course. “Quand j’ai attaqué, je ne m’attendais pas à créer un tel écart aussi vite. Personne ne m’a suivi et cela m’a permis de voler”. Derrière, Wout van Aert avait déjà enchaîné les offensives avant de coincer dans la roue de Van der Poel, à 25 mètres du sommet du “repecho” fatal. Le leader danois Mads Pedersen avait également mené de nombreux efforts en amont. De même que le Slovène Tadej Pogacar, toujours attentif mais manquant d’explosivité au moment opportun. L’image du deuxième du Tour de France contraint de se tenir aux barrières puis d’être évacué de la zone des interviews, usé par l’effort, confirme les efforts consentis durant ce championnat du monde pour costauds.
La Belgique en retrait… puis trop à l’avant
“Mathieu était le plus fort. J’ai pu le suivre pendant dix secondes puis j’ai craqué”, a avoué Wout van Aert au micro de la VRT à la sortie du podium, une quatrième médaille d’argent mondiale autour du cou. Le leader belge a encore manqué son coup, lui qui espérait enfin glaner la première place après avoir manqué de peu le succès ou joué la carte collective ces trois dernières saisons. La sélection belge a pourtant bien joué la carte du cycliste de Herentals, comme l’a confirmé Evenepoel. Cela s’est également senti dès l’entrée sur le circuit de Glasgow. Malgré une tactique surprenante durant laquelle le groupe noir-jaune-rouge a semblé courir derrière les événements, Van Aert restait tout de même le mieux placé du groupe de Sven Vanthourenhout, se permettant même l’une ou l’autre accélération avec Tiesj Benoot ou Nathan Van Hooydonck, ses deux habituels équipiers chez Jumbo-Visma. Pendant que Jasper Stuyven s’occupait de Remco Evenepoel, souvent à l’arrière du groupe avant de craquer à une trentaine de kilomètres du but.
La Belgique a donc tardé à prendre le contrôle de la course, une condition sine qua non pour rêver d’une prolongation de l’arc-en-ciel dans le plat pays. Mais Van Aert estime que ce n’était pas trop tardif : “Une bonne position était la clé du succès. Nous l’avons très bien fait en tant qu’équipe, nous étions toujours à l’avant. Je dois remercier les gars pour cela aussi. Mais il y avait quelqu’un de meilleur”, estime-t-il, toujours à la VRT. “Ce podium est phénoménal. Dans notre équipe, Victor Campenaerts et Yves Lampaert ont été importants, Frederik Frison avait auparavant bien contrôlé”, abonde le sélectionneur belge Sven Vanthourenhout à la VRT. “Nathan Van Hooydonck, Tiesj Benoot et Jasper Stuyven ont fait un travail colossal. Si vous arrivez deuxième mais que vous perdez contre un meilleur que vous, vous devez être satisfait en tant qu’équipe”, indique-t-il encore.
Alberto Bettiol alone off the front still with 35km to go! Small matter of Pogačar, van Der Poel, van Aert and Pedersen in pursuit though 😬🇮🇹 #WorldChamps pic.twitter.com/55foZRJht9
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Il a pourtant semblé que cette débauche d’énergie, qui a certes usé bon nombre de nations et permis de réduire le peloton à une trentaine de coureurs à près de cent kilomètres de l’arrivée, a également eu des répercussions dans le final. Van Aert a souvent mené des offensives en amont, sans vraiment relancer par la suite. Des cartouches difficiles à récupérer sur une épreuve aussi intense. Pendant que Van der Poel ne tentait que deux attaques sur l’ensemble de l’épreuve. Avant de suivre les roues. Finalement, la tactique avec Evenepoel de mener attaque sur attaque à cinquante bornes du but aurait pu fonctionner si Van Aert avait ensuite les jambes pour finir le travail. Car son rival néerlandais semblait alors plus vulnérable. Une supposition, évidemment, car au final, c’est bien le plus fort physiquement qui a déroulé dans le final. La Belgique, elle, se consolera avec une nouvelle médaille d’argent ainsi que les sixième et neuvième places de Jasper Stuyven et Tiesj Benoot.
La pluie a bouleversé la course
Si le circuit était déjà suffisamment technique et dangereux, en témoigne la chute de l’Italien Matteo Trentin contre les barrières en bord de circuit à 87 kilomètres de l’arrivée, le risque s’est accentué dans la dernière heure et demie de course avec l’apparition de fortes averses sur certaines parties de circuit. Les routes glissantes, les virages périlleux… Autant de menaces pour les attaquants désireux de croire en leur bonne fortune. Cette pluie a permis à Van Aert, Van der Poel, Pedersen, Pogacar de prendre la tangente, suite à la chute de l’Équatorien Jhonatan Narvaez à l’approche de l’arrivée. Elle a ensuite failli jouer un mauvais tour au leader néerlandais, dont la roue avant a glissé à 16 kilomètres de l’arrivée. Le flanc droit déchiré, la chaussure cassée : cela n’a pas empêché le futur champion du monde de reprendre sa route en moins de quinze secondes pour continuer son exploit en solitaire.
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Cette même pluie a mis en péril bon nombre de coureurs qui espéraient encore profiter de ce circuit difficile. “Le parcours était trop explosif et je l’ai payé cash à la fin. Les jambes commençaient à être lourdes. Accélérer, arrêter, accélérer, cela m’a tué à la fin”, a confié Evenepoel, bloqué au moment où la pluie était la plus intense, au micro de la RTBF. Ces routes ont finalement permis, également, aux meilleurs techniciens, de faire leurs preuves. Cela tombe bien, le meilleur d’entre eux était également le plus fort à l’arrivée.
Un cauchemar télévisuel
Le spectacle était évidemment au rendez-vous sur le plan sportif et le public tant à Glasgow que devant la télévision a bien profité de ce grand barnum. Mais ce circuit urbain aux dizaines de virages n’était pas des plus pratiques pour suivre la course. Les écarts GPS jouaient déjà au yo-yo, à l’image de l’écart entre Van der Poel et le trio de poursuivants qui est resté autour des 35 secondes… malgré la chute du Néerlandais. Il était en prime difficile d’évaluer ces mêmes écarts et de comprendre la situation de la course vu les routes très étroites à emprunter. Sans compter le danger que ce circuit peut représenter. Heureusement, les chutes ont été rares…
Mais sur le plan télévisuel, ce championnat du monde ne restera pas dans les annales. Heureusement, les meilleurs cyclistes du moment ont assuré le spectacle, sans autre doute quant à leur force mentale et physique. Pour confirmer que le plus méritant devait bien accrocher l’arc-en-ciel au final.
Les résultats de la course des élites messieurs des championnats du monde de cyclisme sur route à Glasgow :
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