Lotto-Soudal bloque ses coureurs pour se sauver : une tactique comme une autre

Lotto-Soudal est toujours en 19e place du classement sportif qui désignera, la saison prochaine, les 18 équipes qui feront partie du WorldTour.
Brent Van Moer Lotto-SOudal - Départ 4e étape Tour de France 2022 - ASO Charly Lopez
Le Belge Brent Van Moer (Lotto-Soudal) au départ de la 4e étape du Tour de France 2022 – Photo : ASO/Charly Lopez

La nouvelle a fait grand bruit en début de semaine : l’équipe Lotto-Soudal aurait annoncé au sélectionneur belge Sven Vanthourenhout qu’aucun coureur belge de la formation pourra être choisi pour les championnats du monde prévus du 18 au 25 septembre à Wollongong, en Australie. La raison ? Le management compte sur ses spécialistes belges des courses d’un jour pour engranger des points importants dans la lutte pour le WorldTour, la saison prochaine. Un choix qui a suscité de nombreux commentaires, notamment dans la presse flamande, s’indignant de voir certains grands noms du plat pays effacés des tablettes avant même que les sélections soient annoncées. Notamment Victor Campenaerts, connu pour sa puissance et ses talents d’équipier-modèle. Ou Arnaud De Lie, nonuple vainqueur depuis le début de sa carrière professionnelle en janvier et l’un des meilleurs sprinters parmi le peloton des moins de 23 ans.

Sauf que personne ne s’est vraiment intéressé à ce qu’en pensent les coureurs cités. Car être sélectionné pour un championnat du monde peut être vu comme un honneur, une récompense pour le travail abattu durant le reste de la saison. Cela le serait pour certains, mais Arnaud De Lie, avec son profil de sprinter, avait déjà indiqué depuis de longs mois qu’il n’envisageait pas un statut de favori pour le Mondial et qu’il comptait plutôt enchaîner les courses pour… enchaîner les victoires avec Lotto-Soudal, sur les courses d’un jour qu’il affectionne tant. « J’ai envie de rester en WorldTour. Si je gagne les Mondiaux, cela me donne 200 points UCI alors que j’ai quatre autres possibilités de gagner 125 points dans chacune d’elle. Le calcul est donc vite fait », expliquait-il en juillet, après l’une de ses neuf victoires de la saison, sur la 3e étape du Tour de Wallonie. Un calcul que Lotto-Soudal mène chaque jour et qui a décidé l’équipe belge à privilégier le placement de ses principaux leaders sur des courses d’un jour et petites courses par étapes (Egmont Cycling Race, Course aux Raisins, Tour de Louvain…) plutôt qu’une présence plus imposante sur le Tour d’Espagne, où les jeunes et spécialistes des échappées enchaînent les attaques.

« Beaucoup peuvent être à ma place dans la sélection belge »

Victor Campenaerts, lui aussi, soutient cette tactique proposée par la Lotto-Soudal. « Bien sûr, cela serait un honneur d’aller aux Mondiaux, mais la Belgique connaît une horde de bons coureurs : beaucoup d’entre eux peuvent obtenir une place dans la sélection pour les championnats du monde, mais il y en a bien moins qui peuvent être à ma place pour prendre des points pour Lotto-Soudal. (…) Nous voulons rester dans le WorldTour. Si on réussit, on est bon pour les trois prochaines saisons. Et alors je pourrais de nouveau repenser sans crainte aux sélections belges », explique-t-il dans le quotidien Het Laatste Nieuws. Car pour l’instant, Lotto-Soudal est toujours privé de WorldTour selon les nouvelles règles de l’Union Cycliste Internationale (UCI) qui indique que seules les 18 meilleures équipes sur la période des trois dernières années (donc de 2020 à 2022 inclus) peuvent prétendre à une licence parmi la première division cycliste. Et selon les derniers résultats calculés au 28 août, Lotto-Soudal est 19e de ce classement, avec près de 400 points de retard sur la Movistar, 18e. Lotto-Soudal a décidé de tout miser sur les courses d’un jour, sa spécialité, pour tenter de sauver sa place parmi l’élite. La Movistar et Israel Premier Tech, pour leur part, s’inscrivent à des courses par étapes de moindre importance, mais qui rapportent gros, pour s’offrir ce précieux sésame. Et la lutte promet d’être serrée jusqu’au bout…

L’équipe belge tente donc une tactique comme les autres formations. L’idée de ne pas proposer de coureur belge aux championnats du monde peut paraître extrême, mais à part Campenaerts et De Lie, peu d’autres coureurs ont affiché une grande forme récemment pour espérer une sélection au sein d’un groupe belge qui comptera sur Wout van Aert et Remco Evenepoel pour le maillot arc-en-ciel. Les coureurs de la formation, encore sous contrat pour 2023 au moins, veulent pour leur part toujours participer aux plus grandes courses du calendrier et le meilleur moyen d’accéder à ces invitations est d’être dans le WorldTour. Alors, tous sont prêts à faire des sacrifices, à bousculer leur calendrier pour glaner ces points nécessaires. Cela ne réussit pas à tous, mais au sein de la Lotto-Soudal, De Lie, Campenaerts et Jasper De Buyst enchaînent depuis deux semaines les points et les tactiques payantes.

« Je ne paie pas pour les Mondiaux »

Les révélations sur l’équipe belge en vue des Mondiaux ne diffèrent pas non plus des propos de Patrick Lefevere, manager de l’autre équipe belge historique du WorldTour, Quick-Step Alpha Vinyl : « J’espère qu’il ne répétera pas ce qu’il a fait l’année dernière, où il a couru le Tour de France en vue du championnat du monde. Il peut le faire une fois, mais en principe, je ne le paie pas pour cela. (…) Je défendrai toujours mes coureurs, mais c’est un peu plus facile avec quelqu’un qui gagne 70 000 euros par an qu’avec quelqu’un qui gagne un chiffre avec six zéros. J’attends donc quelque chose de lui sur la Vuelta », disait-il au quotidien flamand De Morgen avant le Tour d’Espagne. Les patrons d’équipes connaissent évidemment la valeur d’un titre mondial, la puissance d’un maillot arc-en-ciel sur le plan marketing, mais cela reste une victoire d’un jour qui ne rapporte pas autant à l’équipe qu’une double victoire d’étape sur un Grand Tour ou un maillot de leader. Alors, certains font les comptes et préfèrent qu’un coureur se batte toute la saison pour leur employeur que se préparer en vue d’un jour J en équipe nationale.

La lutte pour le WorldTour impose, cette saison, des choix qui peuvent surprendre les amateurs qui veulent voir les meilleurs coureurs sur les meilleures courses. Mais c’est un autre combat intéressant à suivre. Un combat tactique pour une survie économique et sportive. Surtout pour une équipe comme la Lotto-Soudal, qui bénéficie de l’aide d’une entreprise d’État qui demande des comptes. Alors disparaître de l’élite risque d’avoir des conséquences plus importantes qu’une simple absence à quelques courses… Alors, il faut imposer une tactique. Quitte à ce que cela interroge.


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