Gert Steegmans : « Il y a un sacré décalage entre le vélo et la vraie vie »

Vainqueur de deux étapes du Tour, le Limbourgeois Gert Steegmans (37 ans) a longtemps été un point de référence pour ses leaders, Tom Boonen ou Robbie McEwen. Aujourd’hui, il suit la Grande Boucle en simple téléspectateur, « sans mal au cœur ».
Gert Steegmans – Radioshack 2012

Vainqueur de deux étapes du Tour, le Limbourgeois Gert Steegmans (37 ans) a longtemps été un point de référence pour ses leaders, Tom Boonen ou Robbie McEwen. Aujourd’hui, il suit la Grande Boucle en simple téléspectateur, « sans mal au cœur ».

C’est en juillet que les tournesols sont les plus heureux, lorsqu’ils dialoguent avec l’astre solaire et lui conseillent, sans beaucoup insister d’ailleurs, de donner de jolis reflets dorés au maillot jaune. Juillet, mois estival qui exhale les parfums envoûtants de la Grande Boucle. Des effluves qui ont toujours charmé Gert Steegmans, lors de chacune de ses cinq participations à la plus grande épreuve de la planète vélo.

C’est en juillet (9/07/2007) que le Limbourgeois a remporté sa première grande victoire, au bout d’une étape Dunkerque/Gand, presque à son corps défendant (il emmenait son leader Tom Boonen). C’est en juillet, aussi (16/07/2015), que ce sprinter élégant a annoncé la fin de son parcours, mentalement usé. « En fait, j’ai dit adieu au cyclisme au soir du National 2014, à Wielsbeke… » Ce dimanche-là, son équipe Quick-Step ne l’avait pas protégé dans la finale et c’est Jens Debusschere (Lotto) qui s’était paré de noir-jaune-rouge.

Trois ans après son retrait, l’ancien poisson-pilote de Robbie McEwen, Mark Cavendish ou Tom Boonen s’est éloigné du cyclisme, sans acrimonie ni nostalgie, avec pour objectif de trouver un autre point d’équilibre dans sa vie familiale.

Gert, on ne vous a plus guère vu ou entendu depuis que vous avez quitté le peloton. Que devenez-vous ?

« Je vais plutôt bien, merci. Avec ma petite famille, nous habitons dans le Nord de la France depuis quelques mois, à quatre-cinq kilomètres tout au plus de la frontière et de Ploegsteert. Chez les Ch’tis ! Ces dernières années, nous vivions dans le sud, à Roquefort-les-Pins (NDLR : entre Nice et Cannes) mais nous avons finalement décidé de quitter cette région, c’était invivable en été. Avec notre fille Maélyia (7 ans depuis juin), il était impossible de mettre le nez dehors avant 20 heures. Trop chaud… Je comprends tout à fait que l’on aime la Côte d’Azur pour les vacances, mais y vivre au quotidien, c’est très différent. »

Vous y avez notamment travaillé comme agent immobilier. Et aujourd’hui ?

« Ce n’est plus le cas, sans véritable regret car c’est un milieu professionnel qui ne me correspondait pas vraiment. Pour l’instant, à 37 ans, je suis à la recherche d’un job, sans a priori, je suis ouvert à beaucoup de choses. »

Nombre de vos collègues évoquent la peur du vide une fois le vélo rependu au clou…

« Je n’ai pas réellement traversé de trou noir. J’ai juste un peu douté quand j’ai constaté que la recherche d’un emploi serait plus difficile que je ne l’imaginais, mais ma femme Laura m’a permis de rester lucide et serein. Le plus étonnant en fait, c’est la perception des RH, des patrons qui vous reçoivent. On me disait souvent : « Dites, Monsieur Steegmans, vous avez souvent changé d’employeur, vous manquez de stabilité… ». Forcément, c’est la loi du genre en sport, en cyclisme singulièrement, le changement d’équipe fait partie de notre parcours. Mais je me suis rendu compte que ce paramètre était très mal connu dans d’autres secteurs, qu’il fallait que j’explique que j’avais été cycliste pro… En fait, j’ai pris conscience qu’il existait un important décalage entre le monde du sport et ce que j’appellerais la vraie vie (il rit). »

Pourquoi n’avoir pas cherché à rester dans le milieu ?

« J’ai gardé des contacts amicaux dans le vélo, ceux que je souhaitais (NDLR : il échange souvent avec Niki Terpstra, parfois avec Mark Cavendish, Robbie McEwen ou Tom Boonen). Mais je n’ai jamais imaginé une reconversion dans le peloton. J’avais besoin d’une vie plus proche des miens, plus sédentaire. En 2008, on avait fait le compte avec Sébastien Rosseler, mon ancien équipier liégeois chez Quick Step : on avait plus souvent dormi ensemble, dans la même chambre je veux dire, que chacun de nous deux avec notre compagne respective ! Et aujourd’hui, un directeur sportif est encore plus fréquemment à l’hôtel qu’un coureur… »

Encore attentif à l’actualité du vélo ?

« Oui, évidemment, même si je vois assez peu de courses sur les chaînes de télé françaises. J’essaie de capter les retransmissions de Sporza ou de la RTBF, mais ça dépend du vent ! Marrez-vous, c’est la stricte vérité. Parfois, je ne peux suivre que quelques kilomètres, en fonction des caprices de la météo. »

On a le sentiment que Gert Steegmans, l’athlète, n’a pas retiré la quintessence de son talent…

« Cela servirait à quelque chose de vivre avec des regrets ? J’ai connu une carrière assez sereine (25 succès en 13 saisons), sans trop de stress, basta. »

Le Tour vient de se terminer. Une épreuve unique, qui vous a sans doute apporté vos plus belles victoires…

« J’ai eu la chance de gagner à Gand, en 2007 (devant Boonen et Pozzato), puis sur les Champs-Elysées en 2008 (devant Ciolek, Freire et McEwen), mais le Tour m’a surtout apporté… mon épouse Laura (il sourit). A l’époque, elle bossait pour la société Brandt, sur les podiums protocolaires. La Grande Boucle, c’est vrai, est l’une des choses qui m’ont attiré vers le cyclisme. Le Giro, c’était encore plus difficile. Et à la Vuelta, sur de longues routes sans public, je me suis parfois demandé ce que je fichais là… »

Propos recueillis par Eric Clovio – Photo : Wikimedia Commons/Fanny Schertzer CC 3.0

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