Les leçons du Circuit Het Nieuwsblad : Visma-Lease a Bike garde l’avantage, De Lie surveillé, Kopecky sous pression, Vos la fûtée…

Jan Tratnik a réalisé le coup parfait pour la Visma-Lease a Bike, alors que Marianne Vos a réalisé un tout aussi bon sprint face à Lotte Kopecky pour s’offrir le Circuit Het Nieuwsblad.
Jan Tratnik et Marianne Vos font briller Visma-Lease a Bike sur le Circuit Het Nieuwsblad 2024 – Photos : captures Eurosport

Le collectif de Visma-Lease a Bike fait la différence, à défaut de force

La bagarre était annoncée de longue date : avec six vainqueurs potentiels sur sept partants, l’équipe Visma-Lease a Bike avait une sacrée pancarte dans le dos pour cette ouverture des classiques belges. Cela n’a pas empêché la formation des « abeilles » de prendre le contrôle de la course lorsque le vent a poussé le peloton sur le côté, après Audenarde. Edoardo Affini, Tiesj Benoot, Matteo Jorgenson, Christophe Laporte et Wout van Aert en tête dans un groupe d’une trentaine d’hommes, voilà qui donnait le ton à plus de 100 kilomètres de l’arrivée. Le directeur sportif Arthur van Dongen a confirmé par après que l’attaque sur le Lange Munte, sur un endroit peu protégé du vent, était planifiée.

« L’objectif était avant tout d’éviter un sprint », a confié Laporte au micro d’Eurosport après l’épreuve. Cet objectif se confirmait au fil des côtes enchaînées avec les maillots jaune et noir à l’avant, et ce malgré les crevaisons d’Affini et Benoot. Avec Jasper Philipsen (Alpecin-Deceuninck), Arnaud De Lie (Lotto-Dstny), Jonathan Milan (Lidl-Trek) dans ce groupe de favoris, il fallait s’y prendre à temps pour les lâcher avant Ninove. L’attaque décisive intervenait sur le Wolvenberg, à plus de 60 bornes du but. Laporte, Jorgenson et Van Aert conservait cet avantage numérique, face à De Lie, Tom Pidcock (INEOS Grenadiers), Toms Skujins (Lidl-Trek) et, pour un court instant, le revenant Gianni Moscon (Soudal-Quick Step).

L'attaque de Toms Skujins (Lidl-Trek) face à Wout van Aert (Visma-Lease a Bike) - Photo : capture Eurosport
L’attaque de Toms Skujins (Lidl-Trek) face à Wout van Aert (Visma-Lease a Bike) – Photo : capture Eurosport

Dans le Berendries, à une trentaine de kilomètres de l’arrivée, le doute s’est installé. Lors d’une attaque de Skujins, Van Aert a suivi, puis s’est rassis. « Il était effroyablement fort », a estimé à l’interview le coureur belge. Ce signe de faiblesse a visiblement rabattu les cartes au sein du groupe des « abeilles ». « Nous aurions peut-être mieux fait de tourner plus vite avant le Mur de Grammont. Mais nous avons gardé l’avantage tout au long de la course », se rassure le coureur d’Herentals. Certes, il y avait toujours un coureur de l’équipe à l’avant, mais le groupe a joué avec le feu.

Matteo Jorgenson est certes sorti avant le Mur de Grammont, mais il ne semblait pas capable de créer un écart aussi impressionnant que Dylan van Baarle l’an dernier. Van Aert et Laporte ont ensuite essayé d’enchaîner les offensives, sans plus de succès. Le regroupement inattendu avec le peloton au sommet de la dernière côte de la journée, le Bosberg, a finalement permis à Jan Tratnik, toujours à l’avant du peloton sans faire un effort de trop, de s’élancer dans un exercice de chrono dont il raffole. Surtout, le Slovène a bénéficié du coup de main de l’Allemand Nils Politt (UAE Team Emirates), l’allié idéal dans cette situation, quand les lactates crèvent le plafond et l’échappée jette ses dernières forces sans autre recherche tactique.

Tratnik a parfaitement conclu le travail de la Visma-Lease a Bike, offrant à l’équipe une troisième victoire consécutive avec un troisième coureur différent (après Van Aert en 2022 et Van Baarle l’an dernier). Mais le scénario n’était pas écrit d’avance, contrairement à l’an dernier. La formation néerlandaise a bien profité de sa supériorité numérique, mais elle n’a pas semblé aussi dominante sur le plan physique. Cela s’est confirmé lors de l’attaque de Skujins, lors des accélérations De Lie, de Tim Wellens (UAE Team Emirates) dans le Muur ou d’Ivan Garcia Cortina (Movistar) dans le Bosberg. Nous ne sommes évidemment qu’en février, le pic de forme pour la plupart des leaders de l’équipe est attendu dans deux mois. Mais il s’agit d’un signe intéressant pour les adversaires : cet effectif peut être mis en difficulté.

Nils Politt le généreux

L’image a marqué le final de ce Circuit Het Nieuwsblad masculin. Passé en tête sous la flamme rouge après avoir déjà fait la majeure partie du travail dans les huit derniers kilomètres, l’Allemand Nils Politt a poursuivi tant et plus son effort. Le tout avec Jan Tratnik sur le porte-bagage. Le cycliste teuton s’est retourné plusieurs fois pour s’assurer du non-retour du peloton sur le duo de tête. Mais l’avantage était important…

Bref, à moins que Politt s’imagine bien plus fort que Tratnik dans les 200 derniers mètres en faux-plat montant, beaucoup s’interrogeaient sur cette stratégie à l’avant. Le Slovène prenait finalement bien les devants au sprint, alors que son rival allemand abandonnait tout espoir après avoir tenté de lever les fesses de la selle. « On peut être heureux de ce résultat, vu que nous avons souvent été dans la poursuite », a confié Politt après l’arrivée. « J’étais sûr que je devais d’y aller quand Tratnik s’est lancé. C’est un peu décevant de finalement terminer deuxième, mais il n’y avait pas beaucoup de temps pour jouer. J’ai juste été à fond dans les dix derniers kilomètres », a-t-il encore expliqué au micro d’Eurosport. Politt n’est certes pas un habitué des victoires, et l’expérience peut jouer dans ce type de situation particulière, à deux. Mais cette deuxième place était annoncée de longue date par son comportement.

Arnaud De Lie isolé et surveillé

L’Ardennais s’estimait jeudi, devant la presse, confiant pour ce Circuit Het Nieuwsblad. Ses trois premières courses de la saison ont mené à deux abandons et une quatrième place, loin de son bilan exceptionnel en 2023. Mais Arnaud De Lie, malgré son jeune âge, se connaît. Et il l’a encore prouvé dès sa première classique flandrienne. Dans le bon coup dès les bordures de la Visma-Lease a Bike, toujours prêt à sauter dans les roues de Van Aert, Laporte ou Skujins dans le final. Le coureur wallon en a fait beaucoup. Il était encore une fois parmi les plus forts sur le Mur de Grammont et le Bosberg, les deux dernières difficultés de la journée. Le retour du peloton a cependant eu raison de ses ambitions.

« J’aime bien quand ça démarre tôt. J’adore ça », s’est-il réjoui à l’arrivée, au micro d’Eurosport. « Mais c’est quand même compliqué de jouer face à Jumbo (sic) qui a autant de cartes que mes deux mains. Il aurait fallu que notre petite groupe de six soit ensemble au Mur de Grammont. Mais voilà, Jumbo (sic) a joué au poker, et ils sont bons pour le moment ». De Lie avait encore un espoir en voyant Brent Van Moer, Jasper De Buyst et Victor Campenaerts se mettre à plat ventre pour ramener le peloton sur Tratnik et Politt dans les six derniers kilomètres. Il était cependant trop tard… De Lie peut cependant être fier de sa prestation, et rassuré pour la suite du printemps. Durant lequel il sera certainement de plus en plus fort, au vu de sa montée en puissance affichée l’an dernier. Il lui faudra toutefois bénéficier d’un équipier ou l’autre à ce niveau pour l’accompagner. Car dans les soixante derniers kilomètres, De Lie a semblé bien seul, surveillé par les Visma-Lease a Bike et ses autres adversaires, conscients qu’une arrivée au sprint signifiait leur défaite. C’est aussi ce statut de favori qu’il faudra gérer à l’avenir.

Le Wolfpack reste blessé

En voyant la composition du groupe de tête après Audenarde, les observateurs attentifs pouvaient être rassurés de voir deux membres de Soudal-Quick Step suivre le bon coup. Ils n’étaient pas encore au niveau des Visma-Lease a Bike, Lidl-Trek ou INEOS Grenadiers, chacun avec quatre représentants à l’avant, mais le Wolfpack pouvait avoir des ambitions avec Kasper Asgreen et Gianni Moscon en tête. Dans le Wolvenberg, ces espoirs ont explosé. Asgreen n’a pu suivre l’accélération des « abeilles », et Moscon a sauté sur la difficulté suivante.

La journée d’enfer des hommes de Patrick Lefevere se poursuivait avec une double chute pour Julian Alaphilippe, d’abord à une septantaine de kilomètres du but, puis à une trentaine de bornes de l’arrivée, avec Asgreen également. « J’en ai marre », criait le Français au bouc rasé. Déjà sous le feu des projecteurs à la suite des propos de Lefevere sur sa vie privée, créant une polémique au-delà de radio peloton, voilà le double champion du monde touché dans sa chair, malgré un retour qui semblait bien embarqué au vu de ses efforts dans le Wolvenberg ou le Berendries.

Le Wolfpack n’a donc pas encore retrouvé toute sa splendeur sur cette course d’ouverture de la saison belge. Il y a des signes d’espoirs au vu du retour en verve de Moscon et des bonnes ascensions d’Alaphilippe. Il faut désormais que la chance s’en mêle.

Résultats de la 79e édition du Circuit Het Nieuwsblad masculin :

Résultats fournis par FirstCycling.com

Marianne Vos, la renarde des surfaces

Sur la course féminine également, une équipe avait tous les regards dirigés vers elle. Qui donc pouvait faire chuter la SD Worx-ProTime, si dominante l’an dernier ? Sur le plan physique et tactique. La finale composée du Mur de Grammont et du Bosberg a finalement donné la réponse : la championne du monde Lotte Kopecky était la seule représentante de l’armada en tête, avec Marianne Vos (Visma-Lease a Bike), Shirin van Anrooij et Elisa Longo Borghini (Lidl-Trek) dans les roues. L’offensive de Kopecky dans le Bosberg n’y changeait rien : Vos restait collée à la Gantoise, Van Anrooij et Longo Borghini semblaient pour leur part retrouver un énième souffle à chaque kilomètre.

Les deux sociétaires de la Lidl-Trek ont tenté d’attaquer Kopecky et Vos dès qu’elles retrouvaient un semblant de respiration. Cela parvenait presque à surprendre la championne du monde à quatre kilomètres du but, lorsque Vos et Longo Borghini s’entendaient en tête pour se relayer. Le coup semblait parfaitement joué : Vos s’était jusqu’ici contentée de suivre les relances de Kopecky, préférant garder de l’énergie pour un éventuel sprint final. « Il fallait tout donner pour rester dans les roues, ensuite on pouvait commencer à jouer », a souri Vos à l’arrivée.

La Néerlandaise et la championne d’Italie étaient finalement reprises à moins de trois bornes du but, et le sprint semblait alors inévitable. Malgré sa force annoncée, Kopecky était surprise par le lancement de l’expérimentée Vos. L’ex-championne du monde démontrait toute sa puissance et se permettait une ultime relance après s’être retournée pour vérifier où ses adversaires étaient fixées.

« La course a été difficile et il fallait attendre de voir ce qu’il restait dans les jambes. Kopecky a roulé si fort dans le final. C’est génial de pouvoir la battre », s’est réjoui la Néerlandaise de 36 ans, vainqueure de sa 249e courses sur route depuis le début de sa longue carrière. Elle s’est même permise de s’imposer dès… sa première participation au Circuit Het Nieuwsblad. Cela en dit long sur le retour de la coureuse batave, contrainte de ronger son frein cet hiver après une opération à une artère illiaque qui l’a empêchée de se produire sur les cyclo-cross. Cela lui a finalement fait le plus grand bien en vue de ce printemps.

SD Worx-ProTime ébranlée sur ses bases

Kopecky s’est donc retrouvée seule dans les quinze derniers kilomètres de ce Circuit Het Nieuwsblad. La championne du monde était certes annoncée comme la leader du groupe après sa victoire en 2023. Mais l’équipe SD Worx-ProTime pouvait compter sur trois claires leaders pour le succès à Ninove : les Néerlandaises Lorena Wiebes, déjà vainqueure sur l’UAE Tour, et Demi Vollering, en reprise ce samedi, étaient également citées pour la victoire. Après une première offensive de Kopecky sur le Berendries, les deux autres patronnes de SD Worx-ProTime étaient toujours présentes. On voyait même la championne du monde et celle des Pays-Bas se mettre au travail en tête du groupe des favorites avant le Mur de Grammont, laissant entendre une stratégie en faveur d’un sprint pour Wiebes.

La sprinteuse néerlandaise n’a cependant pas survécu à l’accélération de Kopecky dans le Mur de Grammont. Pas plus que Vollering, rapidement bloquée sur les pavés. La surprise était grande pour les observateurs du peloton féminin. C’est finalement Lidl-Trek qui se retrouvait en supériorité numérique à l’avant, alors que les SD Worx-ProTime devaient plutôt jouer la poursuite, laissant toute la pression sur Kopecky. Un cas rare pour la Belge, contrainte de gérer en même temps un éventuel sprint et toutes les offensives dans le groupe de tête.

« Dans la finale, Lidl-Trek a bien joué le jeu et j’ai dû réagir un peu trop souvent moi-même. Tout le monde me surveillait beaucoup », a avoué la championne du monde au micro de Sporza. « Parfois, je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait. Je devais très souvent mener la poursuite moi-même. Si je ne l’avais pas été, nous aurions de toute façon couru pour la deuxième place ». Mais Kopecky se voulait rassurante sur ses équipières, notamment Vollering : « Elle m’a laissé un très bon sentiment ». Il reste à le confirmer désormais sur le Strade Bianche et les prochaines classiques, car les autres formations ont désormais vu les faiblesses d’une équipe qui n’a pas la même domination physique qu’en 2023.

Résultats de la 19e édition du Circuit Het Nieuwsblad féminin :

Résultats fournis par FirstCycling.com

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