Les primes ne sont toujours pas une solution pour le cyclisme féminin

S’il y a des améliorations dans l’égalité entre les pelotons masculin et féminin, le système des primes n’est pas forcément une priorité à ce niveau-là.
Annemiek van Vleuten Lotte Kopecky Ashleigh Moolman-Pasio - Podium Strade Bianche Femmes 2022 - RCS Sport La Presse.jpg
Le podium des Strade Bianche femmes 2022 : Annemiek van Vleuten (Movistar Team, 2e), Lotte Kopecky (SD Worx, 1re) et Ashleigh Moolman-Pasio (SD Worx, 3e) – Crédit : RCS Sport/La Presse

La semaine dernière, en amont de l’Amstel Gold Race, l’organisation de la classique néerlandaise a communiqué avec joie l’égalisation des primes destinées aux lauréats des éditions masculine et féminine de leur épreuve. Les différences de gains entre les hommes et les femmes, c’est terminé sur l’Amstel Gold Race : tant le vainqueur de l’édition masculine que celle de la « Ladies Edition » gagne désormais 16 000 euros. « Le mouvement vers plus d’égalité dans le cyclisme a bien avancé et nous voulons y jouer un rôle en première ligne », se réjouit ainsi la directrice de l’épreuve féminine, Leontien Zijlaard-van Moorsel, elle-même ex-vainqueure de l’épreuve, championne du monde et médaillée olympique sur route.

L’initiative de l’organisation de l’Amstel Gold Race est louable et suit un mouvement que nous avons déjà évoqué par le passé. Les courses sont de plus en plus nombreuses à proposer des primes égales : Nokere Koerse, le Strade Bianche, la Classic Bruges-La Panne, le Tour des Flandres et surtout championnats d’Europe et championnats du monde. Les annonces sont évidemment positives et ont un grand retentissement au-delà du milieu cycliste. Et pourtant, ces initiatives sont-elles utiles pour aider le cyclisme féminin ? Le débat est complexe.

Certes, la mise en place d’une égalité autour des primes est une première étape pour promouvoir les cyclistes féminines. Mais cela ne reste qu’une étape. Annemiek van Vleuten, ex-championne du monde et N°1 du peloton actuel, confirme dans le quotidien Het Nieuwsblad : « Les primes ne suffiront pas aider le cyclisme féminin à se développer. La première étape reste le salaire minimum, afin que chacune puisse être une athlète à plein temps. (…) Aujourd’hui, de nombreuses filles doivent travailler en plus du vélo. Si vous voulez élever le niveau et obtenir un peloton plus international, nous devons arrêter cela. Un salaire minimum va tout faire bouger ». Ce salaire minimum a récemment été confirmé par l’Union Cycliste Internationale avec l’ambition que les équipes féminines de première division offrent dès 2023 des salaires minimaux égaux à ceux des équipes masculines de deuxième division. Mais rien n’est actuellement prévu pour les équipes des divisions inférieures, soit la base de la pyramide sportive, souvent la plus précarisée.

“La télévision est la priorité”

Annemiek van Vleuten confirme qu’il y a des avancées et qu’on est aujourd’hui loin de ses premières saisons dans le peloton féminin. « Quand j’entends certaines coureuses se plaindre de la difficulté de la vie cycliste, je me dis : allez-y et travaillez quarante heures par semaine en même temps. C’est bien d’avoir connu cette réalité. (…) Je gagnais 800 euros par mois après avoir quitté mon travail. J’ai fait un grand pas dans l’inconnu. Et j’ai continué à vivre en colocation dans une chambre d’étudiant à Wageningen », explique celle qui a démarré sa carrière professionnelle à 26 ans. Et les exemples de coureuses qui ont dû poursuivre un second travail en plus de leur vie sportive, qui ont financé leur propre matériel ou leurs voyages malgré leur participation à des courses professionnelles… cela ne manque pas, même aujourd’hui.

Qui dit salaire minimum, dit nécessité d’un plus large budget. Qui dit large budget, dit nécessité d’aller chercher des sponsors. Qui dit sponsors, dit nécessité d’obtenir de la visibilité. Et cette visibilité, dans le cyclisme, s’obtient grâce à la télévision. Et à ce sujet-là, l’Amstel Gold Race apparaît comme un parent pauvre avec moins d’une heure de course diffusée pendant que d’autres courses flandriennes moins cotées, comme le GP de l’Escaut ou la Flèche Brabançonne ont droit à plus de deux heures de retransmission.

« La télévision est la priorité. Si la couverture télévisée est meilleure, l’argent pour le sport rentrera plus facilement », expliquait en début de saison le CEO de Flanders Classics, Tomas Van den Spiegel. Une priorité confirmée au fil des saisons, vu la ferveur qui augmente au fil des mois pour le cyclisme féminin, grâce à des meilleures couvertures en TV et sur Internet. Cela peut profiter dans l’ensemble au peloton. Alors qu’une égalité de primes ne profite finalement qu’aux cyclistes qui performent déjà et sont déjà aux avant-postes. L’occasion donc de rappeler à l’UCI la nécessité de poursuivre son programme vers une plus large égalité entre le peloton féminin et le peloton masculin. Et ne pas compter que sur les initiatives de quelques organisations.

 


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