Une dernière journée avec Philippe Gilbert : des adieux festifs sur le Cauberg

Philippe Gilbert a pendu définitivement son vélo au clou au terme d’une journée au côté de ses supporters et plusieurs anciens équipiers. CyclismeRevue était au cœur de la fête.
Philippe Gilbert Stéphane Thirion - Présentation de son livre - Grégory Ienco

Si son dernier résultat sur le site de l’Union Cycliste Internationale restera une 27e place sur Paris-Tours, l’une des classiques qui l’a placé seize ans plus tôt parmi les plus grands chasseurs de classiques de sa génération, Philippe Gilbert avait encore un dernier devoir pour ses supporters. Une “last ride”, une dernière course avec et pour ses fans. La journée était organisée à Valkenburg, au sommet du Cauberg qu’il a dominé à quatre reprises (trois fois sur l’Amstel Gold Race, une fois sur le championnat du monde), à l’initiative de l’agence en charge de ses intérêts, Squadra Sports Management, et de l’organisateur de l’Amstel Gold Race lui-même, l’ancien coureur néerlandais Leo van Vliet. Retour sur cette journée bien remplie pour celui qui a clos ainsi vingt années d’une carrière riche de quatre-vingts victoires.

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8h30 – Balade avec “Phil”

Sous une brume automnale typique, les vélos se succèdent devant le musée d’archéologie romaine de Valkenburg, où s’est installé une décennie plus tôt le Shimano Experience Center, point de départ de la Phil’s Last Ride ouverte au public. Plus de 1 000 personnes se sont inscrites à cette balade dessinée dans le Limbourg néerlandais, autour du célèbre Cauberg, pour une sortie avec Philippe Gilbert. Wallons, Flamands, Néerlandais… : ils sont nombreux à s’être levés dès potron-minet pour monter sur leur machine et affronter les 65 kilomètres vallonnés prévus ce samedi. Dès 8h30, ils sont déjà deux bonnes centaines à suivre le Remoucastrien, parti dès 8h30 pour ces deux petites heures d’entraînement qui ouvrent sa longue journée d’adieu. Son frère Jérôme et son coéquipier chez Lotto-Soudal Arnaud De Lie sont également présents, tout comme son épouse Bettina. “Merci à toutes et tous d’être là, cela annonce une belle journée”, confirme-t-il au micro, après un petit café.

Au programme : la Geulhemmerweg, le Slingerberg, l’Adsteeg, le Raarberg, le Sibbergrubbeberg et pour conclure, le Cauberg. Quelques-unes des habituelles côtes de l’Amstel Gold Race, entourées des traditionnelles pistes cyclables néerlandaises. Le vent et les averses auront quelque peu bouleversé la matinée, mais au sommet du Cauberg, les cyclistes amateurs et amatrices se réjouissent d’une tasse de café et de la médaille offerte aux participant.e.s, qui reprend les plus grandes victoires du champion belge. Ils peuvent en prime profiter des encouragements des quelques supporters déjà présents sur le bord de la route en attendant la suite des festivités.

12h30 – Présentation du livre

Le restaurant De Zoete Zoen, au sommet du Cauberg, ne peut pas passer à côté de l’événement. Les tables sont rangées, le bar est fermé. Mais aux abords de l’établissement, l’excitation grandit. Sur les façades, un grand “Bedankt” et un large “Merci” dévoilent les deux dernières grandes victoires de Gilbert sur ce sommet : lors du championnat du monde 2012 et lors de l’Amstel Gold Race 2017. À l’intérieur, dans le bar qui accueille les maillots des plus grands champions de ces trente dernières années, de Tom Dumoulin à Wout van Aert en passant par Tom Boonen et Michael Boogerd, Philippe Gilbert s’installe pour la deuxième partie de sa journée, consacrée à la présentation du livre retraçant l’ensemble de sa carrière : “Phil Gilbert, ma vie, mon histoire”. Comme pour ses deux précédents bouquins, sortis en 2011 et 2012, le coureur belge s’est associé au journaliste du Soir, Stéphane Thirion, pour relater les anecdotes et histoires qui ont jalonné ses saisons dans le peloton.

Il raconte ainsi ses fiertés et ses conseils pour la jeunesse : “Je trouve qu’il ne faut pas venir d’une famille forcément riche pour réussir dans le cyclisme. Ce n’est pas comme dans le sport auto, par exemple. Tout est possible dans le cyclisme. Donc si vous voulez, foncez, c’est réalisable”, conseille-t-il à celles et ceux qui veulent se lancer dans ce sport. Il montre également la photo, présente dans le livre, de sa première victoire professionnelle, sur la 9e étape du Tour de l’Avenir 2003 : “C’est une de mes plus belles victoires, une de mes plus grandes fiertés”. Avant d’évoquer son plus grand regret, après quelques secondes de réflexion : “Le championnat de Belgique à Louvain, en 2010. Je pense que j’étais le plus fort, mais j’ai mal couru et ça a permis à Stijn Devolder de gagner”, estime-t-il.

Philippe Gilbert - Critérium d'adieu Cauberg 2022 - Grégory Ienco

Interrogé sur les fameuses oreillettes qui auraient, selon plusieurs de ses directeurs sportifs, empêché un plus grand nombre de victoires de sa part, Philippe Gilbert se veut plus réservé : “Je fais partie de la génération qui a toujours eu les oreillettes. On les avait déjà chez les juniors. C’est vrai que ça a été souvent un sujet de discussions entre l’UCI, les coureurs et les équipes. Mais il n’y a jamais eu de décision. Pour le moment, on court sans radio aux Mondiaux et aux Jeux Olympiques et ce sont des plutôt belles courses, donc on peut s’interroger. Mais bon, ça fait 20 ans que j’entends des discussions à ce sujet et ça ne bouge pas. Donc, je ne pense pas que ce sera pour demain”.

Des discussions auxquelles il a fréquemment pris part en tant que porte-parole du peloton, une position qu’il va ainsi quitter : “Ce que je souhaiterais, c’est que les coureurs s’impliquent. J’ai donné beaucoup de mon temps, mais j’étais souvent seul, très souvent seul. Ce serait beau de voir des coureurs de valeur internationale s’impliquer et prendre de leur temps pour améliorer leur situation. Car toutes les autres familles du cyclisme le font sauf les coureurs. Il serait temps que certains prennent leurs responsabilités, sinon ça ne changera pas. Tant mieux pour les autres, mais pas pour les coureurs… ” Honnête, comme à son habitude.

Après ces quelques réponses à la presse, l’homme du jour a enchaîné avec une séance de dédicaces de son livre devant des centaines de fans prêts à faire la file durant plus d’une heure et demie pour obtenir quelques mots de leur idole.

15h00 – Le critérium final

Dans une ambiance de kermesse flamande, le DJ embrase une foule de plus en plus compacte sur la petite place aux abords du domaine de Landal, non loin de la ligne d’arrivée du critérium d’adieu de Philippe Gilbert. Sur cette fameuse allée… Philippe Gilbert (perpendiculaire à l’allée Adrie Van der Poel et l’allée Peter Sagan), les supporters francophones et néerlandophones enchaînent les bières et les chants de fête pour célébrer le Remoucastrien. Même les averses aléatoires et le froid n’éteignent pas l’euphorie du moment.

Une euphorie qui se veut encore plus intense à la présentation des 26 coureurs présents pour ce critérium final. Thor Hushovd, Axel Merckx, Amaël Moinard, Arnaud De Lie ou encore Fabio Jakobsen sont présents pour ce dernier hommage au “Phil”. Ce dernier a droit à une haie d’honneur et un accueil de feu pour sa montée sur le podium. Sa joie reste réservée, mais son sourire en dit long quant à son émotion. Il reçoit même les honneurs d’Eddy Merckx, venu saluer celui qui a bien failli lui succéder en tant que chasseur des cinq Monuments. “Il mérite cette ovation, il a eu une très grande carrière”, confirme le Cannibale.

Philippe Gilbert prend quelques minutes plus tard le départ de sa dernière course, sur un circuit de seulement 5 kilomètres autour du Cauberg, à escalader à sept reprises. L’occasion de lui demander ce qui va lui manquer le plus : “La sensation de rouler vite, d’aller à fond dans les descentes, d’être à la limite dans les virages… Cette sensation, c’est quelque chose de chouette. C’est toujours un équilibre entre les risques que tu peux ou ne peux pas prendre. Créer des bordures, aussi, et prendre des relais jusqu’à la fin de la course. Pour moi, ces moments, c’étaient vraiment les meilleurs”.

Les bordures n’ont pas été d’actualité ce samedi après-midi, malgré un temps de Flandrien. Lourdes averses, vent à décorner les bœufs,… Malgré ces conditions dantesques, l’ambiance est positive, le public répond présent et sur le Cauberg, on voit deux à trois colonnes de supporters se succéder tout au long de la montée. Et au bout des sept tours prévus, le public se veut encore plus bruyant pour célébrer la dernière victoire de Philippe Gilbert. Officieuse, certes. Préparée, certes. Tout le monde le sait, mais tout le monde en profite.

Sur le podium, devant lequel la foule s’est rapidement pressée pour cet ultime moment de partage, Philippe Gilbert peut pendre avec fierté son dernier vélo au clou. Avant un repas plus intime, avec ses proches, avec d’anciens entraîneurs et équipiers, avec ceux qui l’ont mené au sommet jusqu’à ses 40 ans. “Ce que je retiendrai de ma carrière ? Ma longévité, le fait d’avoir traversé tant de périodes différentes sans ne jamais avoir d’histoires. C’est une fierté de me dire que la page de ce livre va pouvoir se tourner et qu’on ne va pas venir frapper à ma porte pour X raisons. J’ai la conscience tranquille. C’était un point crucial pour moi. Je sais que ce soir, ça se termine pour de bon et d’une belle manière.”

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