La surprise Thomas, Evenepoel se construit, le Covid en tête… : les leçons du Tour de Suisse

Geraint Thomas remporte un Tour de Suisse bouleversé par le Covid-19 pendant que Remco Evenepoel s’offre son premier succès sur un chrono du WorldTour.
Podium Tour de Suisse 2022 - Jakob Fuglsang Geraint Thomas Sergio Higuita - Capture Eurosport.jpg
Le podium final du Tour de Suisse 2022 : le Danois Jakob Fuglsang (Israel Premier Tech, 3e), le Britannique Geraint Thomas (INEOS Grenadiers, 1er) et le champion de Colombie Sergio Higuita (Bora-Hansgrohe, 2e) – Photo : capture Eurosport

INEOS Grenadiers sait encore surprendre

Avec Adam Yates, Daniel Martinez et Geraint Thomas au départ de cette édition montagneuse du Tour de Suisse, l’équipe INEOS Grenadiers pouvait une nouvelle fois jouer de multiples cartes pour accéder à la plus haute marche du podium pour la troisième fois en quatre ans après Egan Bernal (en 2019) et Richard Carapaz (en 2021). La formation britannique affirmait en début d’épreuve mener le train bleu et rouge pour Adam Yates, leader attendu du prochain Tour de France. Et pourtant, dès la troisième étape, avant que les hauts sommets pénètrent l’horizon, c’est bien Geraint Thomas qui amorçait les offensives pour récupérer quelques secondes de bonification idéales pour se replacer en troisième position du classement général provisoire.

La stratégie des INEOS Grenadiers est devenue bien plus claire au matin de la cinquième étape : positif au Covid-19, Adam Yates devait renoncer à la suite du Tour de Suisse, comme bon nombre d’autres coureurs (lire plus bas). Geraint Thomas endossait, sous la fournaise helvète, le rôle de patron. Et à 36 ans, le Gallois confirmait sa condition grandissante à l’approche du Tour de France dès les premières pentes italo-suisses. Sur l’ancien circuit du Mondial de Mendrisio, Thomas répliquait aux assauts du Russe Aleksandr Vlasov (Bora-Hansgrohe) et du Danois Jakob Fuglsang (Israel Premier Tech), avant d’assurer le train sur les pentes de Moosalp et, le lendemain, de Malbun. Seul Sergio Higuita (Bora-Hansgrohe) parvenait à mettre le vétéran gallois en difficulté sur cette dernière étape de montagne, mais l’avantage du Colombien n’était que de deux secondes avant le contre-la-montre final, idéal pour les qualités de rouleur de Thomas, ancien pistard.

Geraint Thomas a même failli surprendre Remco Evenepoel (Quick-Step Alpha Vinyl) sur cette dernière étape contre l’horloge (lire plus bas), confirmant sa parfaite condition à l’approche de l’été. « Je ne pense pas que beaucoup s’attendaient à cela. Ravi d’enfin gagner le Tour de Suisse (NDLR : il avait terminé 2e derrière Simon Spilak en 2015). Un grand merci aux gars et à l’équipe pour tout leur travail cette semaine », s’est permis de commenter le vainqueur du Tour de Suisse sur Twitter, confirmant l’effet de surprise que bon nombre d’observateurs signalaient vu les plans d’INEOS Grenadiers imaginés jusque-là.

https://twitter.com/GeraintThomas86/status/1538560666973388800

Faut-il désormais imaginer pareil scénario dans deux semaines pour le Tour de France ? La formation britannique a en tout cas pris l’habitude, depuis le début de la saison, de mener divers plans de bataille pour multiplier les possibilités de victoire. Adam Yates, Geraint Thomas, voire Daniel Martinez : tous sont capables de croire en un succès au bout des trois prochaines semaines entre Copenhague et Paris. Face aux leaders confirmés que sont Primoz Roglic et Tadej Pogacar, autant jouer la surprise pour brouiller les cartes.

Bora-Hansgrohe sort l’artillerie lourde

Pour ce rendez-vous suisse, l’équipe Bora-Hansgrohe annonçait une équipe particulièrement imposante avec un leader clair, le Russe Aleksandr Vlasov, et un trio de lieutenants capable également de jouer une victoire d’étape, voire mieux, à savoir Sergio Higuita, Maximilian Schachmann et Felix Großschartner. Et la formation allemande n’a pas manqué son rendez-vous : Vlasov a rapidement mis les favoris dans le rouge vers Novazzano, avant même la haute montagne. Mais son périple a rapidement été arrêté par le Covid-19 : un contrôle positif et voici le maillot jaune contraint de quitter son paletot avant le week-end décisif, laissant ses équipiers se débrouiller dans les Alpes. Une tuile pour Vlasov, attendu sur le prochain Tour de France en tant que leader unique…

Cela n’a pas empêché ses équipiers de parfaitement gérer ce rôle de remplaçant : Higuita a suivi les meilleurs vers Moosalp avant de se révéler comme le meilleur grimpeur des favoris, le lendemain, vers Malbun. Ses aptitudes limitées au contre-la-montre l’ont toutefois écarté de la victoire finale sur l’ultime étape. Mais le Colombien peut se féliciter d’une nouvelle performance de choix, à seulement 24 ans, après sa victoire au Tour de Catalogne et sur l’étape-reine du Tour de Romandie, plus tôt dans la saison. « Je savais que ce serait dur sur le contre-la-montre. J’ai fait du mieux que je pouvais, et à la fin, j’obtiens la deuxième place finale. Je suis heureux de ce résultat car nous avons été malchanceux avec tous ces coureurs malades », confie Higuita. Après son succès sur le Tour d’Italie, l’équipe Bora-Hansgrohe se révèle encore une fois comme une valeur sûre de courses par étapes montagneuses et peut donc être une épine dans le pied des grands favoris du prochain Tour de France. Du moins si Vlasov se remet d’ici deux semaines…

Evenepoel continue de se construire

Annoncé comme l’homme à battre vu ses récents résultats à Liège-Bastogne-Liège et au Tour de Norvège et sa propre annonce d’un objectif clair sur ces routes helvètes, le Brabançon Remco Evenepoel a connu une semaine contrastée. D’abord en vue dès la première étape, allant chercher Aleksandr Vlasov sans grande difficulté, le coureur belge a souffert sous la chaleur vers Novazzano avant de perdre de nouveau pied sur les cols abrupts de l’est du pays. Deux minutes par ci, une minute par là : l’addition a rapidement été disséquée par des observateurs épiant la moindre défaillance d’un coureur pourtant seulement âgé de 22 ans et encore peu expérimenté sur ces courses montagneuses de prestige. Après le coup de chaud, Evenepoel a semblé retrouver petit à petit sa puissance pour finalement retrouver ses meilleures jambes sur le contre-la-montre final autour de Vaduz, soit sa première victoire sur un contre-la-montre du circuit WorldTour, face à un sacré gratin (il bat Geraint Thomas de 3 secondes et le champion d’Europe Stefan Küng de 11 secondes).

Remco Evenepoel visait clairement la victoire et a manqué son objectif. Mais il a surtout pris de l’expérience pour la suite de sa carrière, lui qui n’en est qu’à sa quatrième saison professionnelle. Le coureur de Schepdaal savait qu’il allait faire face à une concurrence bien plus impressionnante que les courses par étapes qu’il a pu remporter par le passé, sur des cols plus longs et plus rudes. Il a souffert, mais s’est refait la cerise, sans lâcher, pour parfaitement clore cette semaine difficile. « J’ai manqué de fraîcheur durant certains jours. Durant les deux dernières étapes en ligne, je commençais à me sentir mieux, la forme allait grandissante, donc je me suis concentré sur le contre-la-montre, sachant que j’avais une chance. (…) Cette victoire sur un contre-la-montre du WorldTour est une grande étape dans ma carrière et un succès important en vue du championnat de Belgique du chrono, la semaine prochaine », se réjouit Evenepoel, déjà concentré sur des championnats nationaux sur lesquels il peut confirmer son retour en verve. Avant de se préparer sur le Tour d’Espagne sur lequel il devra certainement revoir ses ambitions. Tout en acceptant que ce prochain Grand Tour servira de baromètre pour la suite de sa carrière.

Peter Sagan a l’expérience pour lui

Quasiment invisible sur les classiques printanières, contraint à un retrait des pelotons en avril, le Slovaque Peter Sagan semblait sans repère pour sa première saison chez TotalÉnergies. Le triple champion du monde était-il en route vers une fin de carrière en eau de boudin sous ses nouvelles couleurs ? Certains s’en inquiétaient déjà. Mais Sagan est un dur à cuire qui, derrière son habituelle bonhomie et ses spectacles quotidiens, sait comment bosser pour retrouver sa grinta. Le Slovaque est parti aux États-Unis pour découvrir l’Unbound Gravel, l’un des plus grands événements de gravel outre-Atlantique, avant de reprendre la compétition au GP du Canton d’Argovie et au Tour de Suisse. Et malgré des premières journées difficiles, Sagan a surpris tous ses détracteurs sur la 3e étape, vallonnée, sur laquelle il a dominé tous les sprinters encore présents, enchaînant ainsi pour la 13e saison consécutive une victoire sur le circuit du WorldTour. Un record, tout simplement.

« C’est difficile de revenir dans un esprit de compétition après ma maladie et trois mois sans compétition. J’avais juste besoin de temps », disait-il dans son style nonchalant à l’arrivée. « C’est juste une victoire d’étape. C’est bien d’être de retour », ajoute Peter Sagan, qui sera sur le Tour de France avec l’espoir d’y réitérer l’exploit helvète. Voire d’y chercher un huitième maillot vert, s’il relance sa stratégie d’offensives, quel que soit le profil. Le Slovaque de 32 ans a toutefois connu un coup d’arrêt : pour la troisième fois en deux ans, il a été testé positif au Covid-19, cette fois juste avant la dernière étape du Tour de Suisse. Il assure n’avoir aucun symptôme, mais à l’aube du Tour, ce nouveau cas va peser.

Le Covid-19 n’a jamais disparu

Durant ce Tour de Suisse, une quarantaine de coureurs ont dû quitter prématurément l’épreuve en raison d’un test positif au Covid-19. Pas forcément en raison de symptômes, mais plutôt suite à un foyer qui a clairement fait son nid dans un peloton qui avait depuis quelque temps adouci les mesures sanitaires, malgré un protocole toujours bien en place selon les règles de l’Union Cycliste Internationale (UCI). Car depuis le début de l’année, le protocole Covid est toujours bien en place avec des tests toujours mis en place avant les courses par étapes de plus de sept jours, tandis que bon nombre d’équipes ont continué à mener de tests de dépistage réguliers pour s’assurer que les coureurs et membres du staff ne souffrent pas de cette maladie dont les effets restent toujours méconnus sur le long terme, surtout pour les sportifs de haut niveau. Plusieurs équipes comme Jumbo-Visma ou Quick-Step Alpha Vinyl ont également poursuivi la politique du port du masque malgré l’absence de consignes à ce sujet.

Les cas positifs détectés sur ce Tour de Suisse confirment la reprise des contaminations au Covid-19 tant dans le peloton qu’en-dehors en raison de l’apparition de sous-variants, tel BA.5, qui s’annoncent plus contagieux. L’organisation du Tour de Suisse a toutefois souhaité poursuivre son épreuve, indiquant que les équipes inscrites au départ connaissent les règles. Tant pis pour celles qui ont pris plus de précaution en quittant définitivement la course dès la présence de deux cas dans le groupe. Ces contrôles ont également mis la pression sur l’organisation du Tour de France, dans deux semaines à peine. Une réunion est prévue dans les prochains jours avec l’UCI pour réfléchir à un éventuel protocole renforcé, mais c’est surtout au sein des équipes qu’on s’inquiète : la plupart des leaders vont tenter de rester isolés le plus possible, les contacts avec le public s’annoncent le plus limité possible… Au grand dam de la fête annoncée à Copenhague, au grand départ du Tour. Mais le peloton se doit de rester le plus prudent pour au moins assurer la suite de la saison.

Les résultats de la 85e édition du Tour de Suisse :

Results powered by FirstCycling.com

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