Un sprint ? Une attaque dans le Cauberg ? Une offensive lointaine ? La victoire sur l’Amstel Gold Race, épreuve aux virages incessants et côtes innombrables, se joue souvent sur des détails. Encore plus dans un peloton féminin habitué aux surprises. L’Italienne Marta Cavalli (FDJ Nouvelle-Aquitaine Futuroscope) en a profité pour signer à 24 ans « le plus beau succès de (sa) carrière », en attaquante rusée. Il suffisait de choisir le bon moment.
L’Amstel Gold Race ne laisse entrevoir aucun répit entre Maastricht et les hauteurs de Valkenburg. Les côtes s’enchaînent tous les 7 kilomètres en moyenne, les routes sont étroites et sinueuses, le placement cause un pic de stress à chaque carrefour, les descentes demandent une audace que certains qualifieraient d’inconscience… La plus flandrienne des classiques ardennaises n’a rien de prévisible, du moins si aucune équipe ne parvient à prendre le contrôle sur le peloton. Cela tombe bien : c’est souvent le cas sur des classiques féminines qui sentent bon l’inattendu.
Une attaque à 80 kilomètres de l’arrivée ? Pas de problème pour la Néerlandaise Annemiek van Vleuten (Movistar), prête à mettre le bazar dans le peloton dès la montée de l’Eyserbosweg avec dans sa roue d’autres favorites telles que Katarzyna Niewiadoma (Canyon//SRAM Racing), Marlen Reusser, Demi Vollering (SD Worx), Lucinda Brand (Trek-Segafredo), Anna Henderson (Jumbo-Visma)…
« La collaboration n’était pas bonne », se désole Van Vleuten au micro de la télévision néerlandaise NOS. « Les filles ne roulaient pas à fond. Seul SD Worx avait deux coureuses à l’avant », rappelle l’ex-championne du monde, regrettant le manque de coopération, notamment de la part des coureuses de SD Worx, décidées à attendre un regroupement plutôt qu’à jouer ce coup de Trafalgar aussi tôt. « C’était un trop bon groupe. Tout le monde faisait à peine la moitié de ce qu’elle pouvait, du coup personne n’a pu partir. Et à mon sens, ce n’était pas à nous de rouler », affirme pour sa part Vollering. L’échappée de favorites avait pourtant de la gueule. Elle n’était finalement pas suffisante pour rêver d’une surprise.
Les SD Worx ont hésité
Un sprint au sommet du Cauberg ? La tactique menée par les SD Worx dans le final semblait confirmer cette option choisie par l’équipe néerlandaise. Après avoir emmené Lotte Kopecky vers le succès sur le Tour des Flandres dimanche dernier, la formation désirait répéter l’exploit avec Vollering, en bonne forme. Encore fallait-il conserver une équipière au sommet pour faire le travail jusqu’à la ligne d’arrivée. Car au sommet de la plus célèbre colline du Limbourg néerlandais, il y avait encore près de deux kilomètres à avaler jusqu’à la ligne. Ashleigh Moolman était encore présente dans le groupe des favorites, mais cela n’a pas suffi. « Elle a hésité à rouler au début, mais elle a tout donné ensuite. Ce n’était juste pas suffisant, c’est dommage. Si on hésite un tant soit peu, le bon coup est parti… », regrette Vollering, contrainte à la deuxième place malgré une belle résistance sur les principales difficultés du jour.
“Mon directeur sportif m’a poussé dans l’oreillette”
Une offensive dans ces deux derniers kilomètres ? Voici la formule gagnante du jour ! En fond de groupe au sommet du Cauberg, l’Italienne Marta Cavalli (FDJ Nouvelle-Aquitaine Futuroscope) éclipsait toutes les candidates au succès pour mener un dernier contre-la-montre intense jusqu’à la ligne. « Je dois remercier mon directeur sportif dans la voiture (Nicolas Maire), car dans les 50 derniers kilomètres, j’avais vraiment un bon sentiment. Je me sentais un peu fatiguée, mais au sommet du Cauberg, nous n’étions plus que huit ou neuf coureuses. Et mon directeur sportif m’a poussé via l’oreillette et m’a dit : ‘Marta, c’est ton moment, essaye, il n’y a rien à perdre !’ », sourit la coureuse de 24 ans, propulsée leader d’une équipe qui ne comptait plus sur ses deux favorites, Cecilie Uttrup Ludwig et Brodie Chapman, toutes deux malades et forfait au matin de l’Amstel. « On a démarré la saison avec cette même philosophie : c’est tout ou rien ».
“Comme dans une machine à laver”
Pendant que les favorites se regardaient, Cavalli ne flanchait pas et creusait quelques dizaines de mètres d’écart pour s’octroyer sa première classique. « Ce samedi, nous avions fait une reconnaissance. Et on a parlé de cet endroit et de ce moment durant lequel les favorites se regardent et ralentissent. C’est là qu’il fallait attaquer ». Le bon timing, confirme-t-elle. Même si elle a bataillé pour tenir le bon groupe : « Le passage le plus difficile était le dernier virage avant le Cauberg, pour être bien positionnée au pied de la côte. Cela allait très vite, c’était comme si on était dans une machine à laver à l’avant… Il y a souvent eu des chutes dans ce type de descente, donc cela me fait un peu peur ce genre de moment. Mais j’étais ensuite plus relax de voir que j’étais bien placée dans le Cauberg, et surtout sauve », sourit-elle.
Issue de la piste, comme la plupart des coureuses de l’équipe italienne Valcar, Cavalli a démontré au fil de ses trois premières saisons sur la route des qualités explosives qui lui permettent de briller sur les classiques. Championne d’Italie sur route en 2018, à seulement 20 ans, elle a surtout enchaîné par la suite une deuxième place sur la Flèche Brabançonne (2019), une cinquième place sur Gand-Wevelgem (2020), une huitième place sur le Strade Bianche (2021) et une neuvième place sur Paris-Roubaix (2021). Une cycliste tout-terrain qui se place parmi les plus grandes avec cette victoire sur l’Amstel.
« C’est la plus grande victoire de ma carrière. C’est un sentiment incroyable. Je n’arrive pas à y croire… », ne cesse-t-elle de répéter avant de monter sur le podium pour célébrer ce succès conquis à la pédale, parmi les meilleures spécialistes de classiques. Au bout de scenarii qu’on espère revivre durant les deux prochaines semaines, entre la Flèche Brabançonne, Paris-Roubaix, la Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège.
Résultats de la 8e édition féminine de l’Amstel Gold Race (Maastricht > Berg en Terblijt, 128.5 km) :