Tour des Pyrénées : le peloton féminin a raison, on ne transige pas avec la sécurité

La dernière étape du Tour des Pyrénées a été annulée par l’UCI après des problèmes manifestes de sécurité lors des deux premières étapes, menant même à une grève des participantes.
Audrey Cordon-Ragot Grève Coureuses - Tour des Pyrénées 2023
La championne de France Audrey Cordon-Ragot (Human Powered Health) a mené des pourparlers avec l’organisation autour des mesures nécessaires pour la sécurité des cyclistes sur la 2e étape du Tour des Pyrénées. – Photo : capture Eurosport

C’est un fait trop rare que pour être souligné : l’Union Cycliste Internationale (UCI) a décidé dimanche matin d’annuler la troisième et dernière étape du Tour féminin des Pyrénées en raison d’un risque pour la sécurité des cyclistes. Cette sécurité avait déjà été mise à mal dès la première étape avec des voitures garées sur le parcours, des véhicules circulant à contre-sens sans que des stewards ou policiers les empêchent de poursuivre leur chemin, des passages dans des rues piétonnes sur lesquelles des passants circulaient encore comme si aucune course n’était en cours… Les véhicules toujours nombreux sur la deuxième étape ont mené les participantes à mener une grève pour réclamer plus de sécurité. Après des discussions avec l’organisation et les commissaires, la championne de France Audrey Cordon-Ragot (Human Powered Health) s’est faite porte-parole pour confirmer que l’étape allait reprendre, en restant neutralisée jusqu’au pied de l’ascension finale d’Hautacam. Cela n’a pas empêché des voitures d’être encore présentes pendant la neutralisation…

Finalement, ce dimanche, l’UCI a pris les devants en annonçant l’annulation pure et simple de la dernière étape vu les manquements observés durant les deux premiers jours de course. Et ce après des discussions animées avec le CPA, le syndicat des cyclistes professionnel.le.s. « Cette course est plus dangereuse que d’habitude », a réagi la Française Jade Wiel (FDJ-Suez) au micro de France 3, ajoutant que des motards de la course étaient aussi dangereux. « L’UCI a préféré entendre dix athlètes, qui ont remonté les faits au syndicat des athlètes et a donné sa décision d’annuler », a répondu Elisabeth Chevanne-Brachet, co-directrice de l’épreuve à France 3. Pascal Baudron, directeur de course, avait lui des mots bien plus durs : « Ce qui se passe, c’est que les filles ont des exigences qui ne sont pas en adéquation avec leur niveau. Elles s’imaginent qu’elles sont sur le Tour de France et que toutes les routes doivent être fermées, que tout doit être verrouillé. Mais en France, on ne peut pas faire ça », affirme-t-il à la Nouvelle République des Pyrénées.

“Le jour où il n’y aura plus de course…”

On repassera sur le terme des « filles » destiné à infantiliser un peloton féminin composé de professionnelles qui connaissent leur métier. Et sur le fait que ces coureuses n’auraient pas le niveau pour leurs exigences, alors qu’on retrouvait dans ce peloton des vainqueures d’étape du Giro Rosa, des championnes nationales… Et tout simplement des coureuses capables de rivaliser sur le Tour de France Femmes, vu que le directeur de course prend cette comparaison. « Elles sont en train de scier la branche sur laquelle elles sont assises. Le jour où il n’y aura plus de course, elles pourront pleurer et c’est ce qui va se produire », estime encore l’organisation, pour ajouter du sel sur les plaies. Adam Hansen, président du CPA, a répondu par un communiqué, confirmant que 17 équipes étaient désireuses d’arrêter la course, contre 7 pour la poursuite de l’épreuve.

L’organisation du Tour féminin des Pyrénées estime donc qu’elle n’a qu’à mettre en place des courses d’un point A à un point B pour que ça suffise au bonheur des cyclistes professionnelles. Sauf qu’elles sont professionnelles justement, et que personne ne devrait risquer sa vie en faisant son métier. Les véhicules n’étaient peut-être pas rapides et aucune chute n’a été répertoriée sur les deux étapes. Mais le danger était réel. Et il suffit d’un drame pour que l’organisation entière s’effondre.

Les difficultés de bloquer des routes pour une course cycliste sont connues et de plus en plus courantes. Cela n’empêche pas des courses de s’organiser en toute sécurité. Pour prendre un exemple personnel, la randonnée cyclotouriste Lille-Hardelot, avec 6000 personnes au départ, avait des stewards et policiers à quasiment tous les carrefours et seules les nationales étaient peuplées de voitures. Cela confirme que cela reste possible de bloquer les routes, même si cela ne doit se faire que pour une heure, voire moins, le temps du passage des cyclistes. C’est un minimum pour permettre à des sportives et sportifs de faire leur travail en toute sécurité. Filer à toute vitesse pour glaner la première place ne peut se faire que grâce à cette sécurité et un certain confort. Au risque que cela tourne au pugilat.

L’organisation du Tour des Pyrénées ne doit pas imaginer que sa disparition serait une perte si de tels propos sont tenus. Une course mal organisée est un danger et ne mérite pas sa place dans le calendrier. Et ce malgré toute la bonne volonté des organisateurs et bénévoles qui se démènent pour que cette course se déroule. Mais il faut que cela se déroule bien.


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