La saison cycliste sur route 2020 s’est conclue ce dimanche à Madrid avec les succès d’Elisa Balsamo et de Lisa Brennauer sur le Ceratizit Challenge by La Vuelta, et les victoires de Pascal Ackermann et de Primoz Roglic sur le Tour d’Espagne. Au bout de trois semaines automnales inédites, la Vuelta a confirmé le scénario d’une saison surprenante. Le classement général s’est décidé jusqu’à la dernière étape, avec un écart infirme entre les leaders. Roglic prend finalement sa revanche, mais les grimpeurs derrière lui sont prêts à le concurrencer encore en 2021.
La revanche de l’explosif Roglic
Des victoires sur le championnat de Slovénie, deux étapes et le classement général du Tour de l’Ain, une étape du Critérium du Dauphiné, une étape du Tour de France, Liège-Bastogne-Liège et quatre étapes et le classement général du Tour d’Espagne : la saison 2020 de Primoz Roglic (Jumbo-Visma) a été particulièrement copieuse. Le Slovène a profité de cette saison condensée en seulement trois mois pour parfaire son palmarès et prendre une nouvelle dimension, un an seulement après avoir terminé l’année en tant que n°1 mondial. Et pourtant, bon nombre de supporters de la Petite reine retiennent de cette année sa deuxième place sur le Tour de France, débordé dans le contre-la-montre final par son cadet Tadej Pogacar (UAE Team Emirates). Ce raté reste le plus médiatique, il semble pourtant moindre au vu de la nouvelle saison pleine réalisée par le rouleur-grimpeur slovène.
À 31 ans, Primoz Roglic a confirmé ses qualités de coureur complet sur Liège-Bastogne-Liège, puis sur la Vuelta. De même que ses capacités de stratège. Parfait tacticien sur les précédentes courses par étapes qu’il avait déjà ajouté à son palmarès, le leader de la Jumbo-Visma s’est conforté dans ce rôle sur cette 75e Vuelta. Vainqueur dès la première étape, Roglic a enchaîné ensuite trois autres victoires (dont une sur l’unique contre-la-montre de l’épreuve). Il s’est même classé à douze reprises dans les dix premiers d’une étape, sur seulement dix-huit étapes disputées, un record sur ces vingt dernières années. Et alors que son équipe apparaissait comme la plus solide du Tour de France, ses équipiers sont apparus plus émoussés en cette fin de Vuelta. Mais cela n’a pas empêché le leader de confirmer sa condition, malgré quelques craintes en haute altitude, comme au sommet de l’Angliru.
Ces faux-pas en montagne n’ont finalement pas eu d’impact sur sa position au général, renforcée par les bonifications remportées grâce à ses victoires d’étapes, et ses podiums. Cela a d’ailleurs longtemps fait parler sur les réseaux sociaux. Car sans les bonifications obtenues tout au long de ces trois semaines, Roglic serait deuxième de ce Tour d’Espagne, à huit secondes de Richard Carapaz. L’Equatorien a en effet réalisé de meilleurs temps en montagne, rattrapant même le retard pris sur l’unique chrono de l’épreuve. Les bonifications font toutefois partie de cette Vuelta, le règlement est connu en amont, et Primoz Roglic en a profité pour se mettre à l’abri en tête du classement général. Non sans oublier de remercier ceux qui l’ont aidé à atteindre ce deuxième sacre consécutif sur le Tour d’Espagne : « Je remercie l’équipe pour l’ensemble de la saison, tout le monde a donné le meilleur pour que nous enchaînions les victoires. Même sur cette Vuelta, tous mes équipiers ont travaillé comme ils le pouvaient, malgré la fin de la saison. Je suis très heureux de ce que nous avons pu réaliser sur une telle course ». Une course difficile, avec un enchaînement d’étapes montagneuses et d’étapes pour puncheurs. Parfait pour un coureur explosif comme Roglic, qui peut sprinter ou tenir la dragée haute aux grimpeurs en haute montagne.
Richard Carapaz, leader confirmé
Le jour de la victoire de Tao Geoghegan Hart sur le Tour d’Italie, son équipier équatorien Richard Carapaz venait de prendre le maillot rouge de leader sur la Vuelta, après une attaque sous la pluie, au sommet d’Aramon Formigal. La confirmation d’une renaissance de l’équipe INEOS Grenadiers grâce à ses jokers de luxe ? Car au départ de ce Tour d’Espagne, la formation britannique rabâchait à qui voulait l’entendre que deux leaders étaient au départ : l’ex-vainqueur de la Vuelta et du Tour Chris Froome, et Richard Carapaz. Froome a toutefois poursuivi sa rééducation, près de dix-huit mois après sa lourde chute sur le Dauphiné. Il s’est transformé en équipier, sans toutefois se placer comme poisson-pilote en montagne. Et Carapaz a affiché dès la première étape ses qualités sur cette Vuelta, enchaînant ensuite les offensives sur les sommets décisifs pour rattraper son retard sur Roglic, voire même le déborder en première et deuxième semaines de course.
« L’équipe et moi avons fait un excellent travail, je suis très heureux de ma performance et je suis heureux de la grande saison réalisée avec l’équipe », confirme le leader d’INEOS Grenadiers. « Je voulais gagner cette Vuelta mais je reste très content de cette deuxième place. Surtout, je sais qu’on a une équipe très compétitive pour l’horizon 2021 », annonce-t-il.
L’Equatorien a confirmé sur cette Vuelta qu’il peut être un leader de confiance. L’offensive était déjà la clé lui offrant le Giro 2019, cette course d’attaquants lui a encore permis de jouer les premiers rôles sur ce Tour d’Espagne. Et même de mener le suspense pour le maillot rouge jusqu’à la dernière étape, récupérant encore une vingtaine de secondes sur Roglic dans le final. Carapaz termine à seulement 24 secondes du Slovène, offrant à l’équipe INEOS Grenadiers une nouvelle raison de réimaginer son avenir. Tao Geoghegan Hart et Richard Carapaz ont mené leur barque grâce à une course animée, Egan Bernal et Geraint Thomas vont avoir du souci à se faire en 2021, à ce rythme.
La confirmation de Hugh Carthy
Dans un troisième Grand Tour conclu avec un écart infime entre les deux premiers (moins d’une minute d’avance pour le vainqueur du Giro, du Tour et de la Vuelta 2020, une première dans l’histoire cycliste), un troisième larron est venu jouer les trouble-fêtes. Le Britannique Hugh Carthy (EF Pro Cycling) a confirmé son histoire d’amour avec l’Espagne en concluant la 75e édition de la Vuelta sur le podium. Le coureur de 26 ans a tenté jusqu’au dernier col de remonter tant Carapaz que Roglic, mais il lui a manqué une certaine explosivité pour prendre les devants. Il a toutefois encore le temps de progresser, et surtout l’équipe pour le mener à des résultats encore plus probants.
Équipier de luxe en montagne en première partie de saison, notamment sur le Tour de France, Carthy a pu jouer sa carte d’emblée sur cette Vuelta, une épreuve qui lui tient à cœur, lui qui s’est formé chez Caja Rural pour ses premières années chez les professionnels. Vivant à Pampelune, le Britannique s’est construit sur les montagnes de Navarre, enchaînant les promesses sur les courses par étapes, à l’image de sa place de meilleur jeune, à 21 ans, sur le Tour de Catalogne 2016, sa victoire sur le Tour des Asturies 2016 ou sa 11e place sur le Tour d’Italie 2019. Carthy confirme enfin son talent précoce en altitude, et arrive désormais dans ses meilleures années, au sein d’une équipe EF qui compte de nombreux jeunes talents pour les cols, comme Daniel Martinez, Sergio Higuita ou encore Neilson Powless. Une future armada pour les Grands Tours ? Si elle conserve cet esprit offensif qui fait la caractéristique du collectif de Jonathan Vaughters, certainement.
Tim Wellens sauve la fin de saison de Lotto-Soudal
Après une campagne de classiques difficile, seulement éclaircie par la victoire de Caleb Ewan sur le GP de l’Escaut (comme lors de ses deux victoires d’étape sur le Tour de France), l’équipe Lotto-Soudal a connu sur ce Tour d’Espagne une course plus heureuse. Le jeune effectif inscrit a montré des résultats encourageants, à l’image de Kobe Goossens, ancien cyclo-crossman qui s’affiche à 24 ans comme un grimpeur intéressant, avec sa 24e place au classement général final. Le pistard Gerben Thijssen a également frappé fort avec une deuxième place sur le sprint massif de la 9e étape (lire ci-dessous). Alors que le leader du groupe, Tim Wellens, a parfaitement endossé son rôle en jouant son habituelle carte offensive.
Tant sur la 5e étape vers Sabinanigo que sur la 14e étape vers Ourense, le Limbourgeois a parfaitement joué le coup sur le plan tactique. Bien placé dans l’échappée, il a ensuite maîtrisé ses compagnons pour lâcher une attaque décisive dans les 200 derniers mètres, sur des arrivées en légère montée. Le puncheur a parlé, et s’est offert deux victoires qui le rassurent après une saison difficile. Sa 5e place sur le Tour d’Algarve en février puis sa 4e place sur le Tour du Luxembourg, en septembre, étaient jusqu’alors ses meilleurs résultats, avant une campagne de classiques loin des meilleurs. Wellens s’est finalement repris dans des conditions plus froides, plus adaptées à ses qualités, et cela lui a réussi. Lotto-Soudal, en manque de bouquets, peut l’en remercier.
Philipsen et Thijssen : le sprint belge a de l’avenir
Déjà vainqueur d’étape sur le BinckBank Tour en septembre, Jasper Philipsen (UAE Team Emirates) a franchi un nouveau palier sur ce Tour d’Espagne en s’offrant une victoire d’étape, à Puebla de Sanabria. Un succès de prestige sur une arrivée pour puncheurs, qui confirme son profil complet. À seulement 22 ans, Philipsen compte déjà parmi les meilleurs sprinters belges du peloton, même s’il souffre d’une comparaison permanent avec ses illustres prédécesseurs, comme Tom Boonen, originaire comme lui de Mol. Le coureur belge rejoindre l’an prochain Alpecin-Fenix et devrait obtenir plus de latitude dans le futur. Surtout au vu des sprints menés sur cette Vuelta, certes face à une concurrence bien moins féroce que sur le Tour de France. Avec quatre Top 5 sur les quatre sprints massifs de cette Vuelta, Philipsen se construit un palmarès très intéressant.
Tout comme Gerben Thijssen, cinquième de la 4e étape et deuxième de la 9e étape. Le pistard de 22 ans revient de loin, après une lourde chute sur les Six Jours de Gand qui lui ont valu de longues semaines de revalidation. Touché à la clavicule et à trois côtes, victime de trois commotions cérébrales, il a été durant plusieurs jours aux soins intensifs et absent des pelotons durant neuf mois. Thijssen avait repris la compétition fin août, sur la Course aux Raisins d’Overijse puis sur la Brussels Cycling Classic, et préparait déjà la Vuelta, avec l’espoir de « revenir à (son) niveau en 2021 », disait-il pour DirectVélo. Le coureur belge n’a finalement pas pu terminer le Tour d’Espagne (abandon sur la 15e étape) mais ses places d’honneur le rassurent sur son avenir de sprinter, surtout au sein d’une équipe Lotto-Soudal qui cherche ce type de profil aux côtés d’Ewan.
Une course automnale pour le futur ?
Malgré la crise sanitaire de Covid-19 et une deuxième vague qui touche toute l’Europe, malgré une date plus tardive aux portes de l’hiver, cette 75e édition de la Vuelta a pu se conclure sans grand changement. Seule la 6e étape, attendue au Tourmalet, a dû être modifiée en raison de l’interdiction par les autorités françaises de traverser la frontière vu la crise sanitaire. Sinon, l’organisation a pu mener l’épreuve au terme des 18 étapes annoncées, sans un seul cas positif au coronavirus durant ces trois semaines de course. Une chance alors que le Giro a dû faire face, dans le même temps, à plusieurs désistements suite à ce virus qui a bouleversé toute la saison cycliste.
La météo a également été du côté des organisateurs. Certes, plusieurs étapes se sont déroulées sous une pluie froide, ou face à un vent violent, mais les éléments naturels n’ont pas perturbé le programme initial. Même l’heure d’hiver n’a pas eu raison des ambitions de l’organisation. À tel point qu’une telle course automnale pourrait avoir un intérêt à l’avenir. Une course de trois semaines en toute fin de saison apparaît comme un beau défi pour les coureurs souhaitant conclure leur saison par une victoire de prestige. Le parcours peut d’ailleurs être réaménagé, avec des courses plus vallonnées, sans sommet vertigineux. Certes, toute épreuve tardive a le risque d’être bouleversé par la météo, mais cela reste même le cas pour le Giro ou le Tour de France, comme cela s’est confirmé ces dernières années. Vu la crise sanitaire qui se prolonge, la question d’un nouveau changement de calendrier pourrait encore être sur la table de l’Union Cycliste Internationale.
-> Les résultats et résumés vidéos des 18 étapes de la Vuelta 2020
Classement général final de la 75e édition du Tour d’Espagne :
- Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma) en 72h46:12
- Richard Carapaz (Equ, INEOS Grenadiers) à 0:24
- Hugh Carthy (G-B, EF Pro Cycling) à 1:15
- Daniel Martin (Irl, Israel Start-up Nation) à 2:43
- Enric Mas (Esp, Movistar Team) à 3:36
- Wout Poels (P-B, Bahrain-McLaren) à 7:16
- David De La Cruz (Esp, UAE Team Emirates) à 7:35
- David Gaudu (Fra, Groupama-FDJ) à 7:45
- Felix Grossschartner (Aut, Bora-Hansgrohe) à 8:15
- Alejandro Valverde (Esp, Movistar Team) à 9:34
…
24. Kobe Goossens (Bel, Lotto-Soudal) à 1h02:57
70. Stan Dewulf (Bel, Lotto-Soudal) à 2h48:18
78. Tim Wellens (Bel, Lotto-Soudal) à 3h05:52
85. Jasper Philipsen (Bel, UAE Team Emirates) à 3h21:10
96. Tosh Van der Sande (Bel, Lotto-Soudal) à 3h31:47
100. Brent Van Moer (Bel, Lotto-Soudal) à 3h33:40
104. Rémy Mertz (Bel, Lotto-Soudal) à 3h44:39
Classement par points final de la 75e édition du Tour d’Espagne :
- Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma) 204 points
- Richard Carapaz (Equ, INEOS Grenadiers) 133 pts
- Daniel Martin (Irl, Israel Start-up Nation) 111 pts
- Hugh Carthy (G-B, EF Pro Cycling) 96 pts
- Guillaume Martin (Fra, Cofidis Solutions Crédits) 87 pts
- Pascal Ackermann (All, Bora-Hansgrohe) 84 pts
- Jasper Philipsen (Bel, UAE Team Emirates) 80 pts
- Marc Soler (Esp, Movistar Team) 73 pts
- Michael Woods (Can, EF Pro Cycling) 72 pts
- Enric Mas (Esp, Movistar Team) 71 pts
Classement final du meilleur jeune de la 75e édition du Tour d’Espagne :
- Enric Mas (Esp, Movistar Team) en 72h49:48
- David Gaudu (Fra, Groupama-FDJ) à 4:09
- Aleksandr Vlasov (Rus, Astana Pro Team) à 6:00
- Gino Mäder (Sui, NTT Pro Cycling) à 40:03
- Georg Zimmermann (All, CCC Team) à 42:04
- Will Barta (USA, CCC Team) à 46:28
- Kobe Goossens (Bel, Lotto-Soudal) à 59:21
- Clément Champoussin (Fra, Ag2r-La Mondiale) à 1h17:44
- Robert Power (Aus, Team Sunweb) à 1h30:22
- Dorian Godon (Fra, Ag2r-La Mondiale) à 1h38:24
Classement final de la montagne de la 75e édition du Tour d’Espagne :
- Guillaume Martin (Fra, Cofidis Solutions Crédits) 99 points
- Tim Wellens (Bel, Lotto-Soudal) 34 pts
- Richard Carapaz (Equ, INEOS Grenadiers) 30 pts
- David Gaudu (Fra, Groupama-FDJ) 29 pts
- Sepp Kuss (USA, Team Jumbo-Visma) 27 pts
- Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma) 24 pts
- Hugh Carthy (G-B, EF Pro Cycling) 21 pts
- Michael Woods (Can, EF Pro Cycling) 21 pts
- Rui Costa (Por, UAE Team Emirates) 21 pts
- Daniel Martin (Irl, Israel Start-up Nation) 20 pts
Classement par équipes final de la 75e édition du Tour d’Espagne :
- Movistar Team (Esp) en 218h37:21
- Team Jumbo-Visma (P-B) à 10:23
- Astana Pro Team (Kaz) à 40:09
- UAE Team Emirates (EAU) à 1h04:05
- Mitchelton-Scott (Aus) à 1h08:33
- Cofidis, Solutions Crédits (Fra) à 1h44:20
- INEOS Grenadiers (G-B) à 2h32:28
- Groupama-FDJ (Fra) à 2h44:38
- Team Sunweb (All) à 3h08:29
- EF Pro Cycling (USA) à 3h12:25
Supercombatif de la 75e édition du Tour d’Espagne : Rémi Cavagna (Fra, Deceuninck-Quick Step)
Photos : Unipublic/ASO/Gomez Sport/Luis Angel Gomez
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