Il l’a fait ! Victor Campenaerts (Lotto-Soudal) a réalisé sur le vélodrome d’Aguascalientes ce que personne n’avait encore réalisé à ce jour : franchir la barre des 55 kilomètres couverts en une heure à l’occasion du record de l’heure, réinstauré par l’Union Cycliste Internationale depuis 2014. Le coureur de Borgerhout a battu le record de Bradley Wiggins de 563 mètres et place ainsi la nouvelle distance-cible à 55,089 km.
Au bout de six mois de préparation, d’un stage en Namibie, d’une victoire sur le chrono de Tirreno-Adriatico et d’un entraînement final de trois semaines au Mexique, le champion d’Europe du contre-la-montre Victor Campenaerts est arrivé sur le vélodrome d’Aguascalientes, la confiance à bloc, les jambes prêtes à endurer une heure d’un effort que beaucoup qualifieraient d’inhumain. “La pire heure de toute ma vie”, lâchait Eddy Merckx après son record de l’heure réalisé à Mexico en octobre 1972. Le “Cannibale” était depuis lors le dernier Belge à avoir battu ce record, à l’époque sur un vélo de seulement 5,75 kg, sur un vélodrome en plein air à plus de 2 200 mètres d’altitude. Eddy Merckx avait alors roulé 49,431 kilomètres en une heure. Entretemps, sept coureurs avaient battu sa distance, dont cinq depuis 2014. Avec le champion olympique et champion du monde du contre-la-montre Bradley Wiggins pour conclure ce classement d’exception, avec 54,526 kilomètres couverts sur le vélodrome de Londres, en juin 2015.
Cycliste à 19 ans
Les tentatives de record ont encore émaillé les saisons depuis quatre ans. Mais jusqu’ici, ces essais émanaient souvent de coureurs plus anonymes, ou aux qualités de rouleur moins affichées que Wiggins. Puis, après deux titres de champion d’Europe du contre-la-montre, le Belge Victor Campenaerts s’est mis à rêver. À 27 ans, n’était-il pas temps de tenter ce grand défi qui fait la légende du vélo ? Malgré sa couverture médiatique relative, le record de l’heure émerveille encore les champions. L’ancien triathlète, devenu cycliste à plein temps à 19 ans, avait cette Histoire de la Petite reine en tête. Il lui fallait encore assurer sa préparation pour parvenir à cet objectif particulièrement osé : battre le record de Sir Wiggins, et s’installer sur le trône du record de l’heure.
Le Britannique, aujourd’hui retraité, n’était en tout cas pas mécontent de voir son rival belge s’essayer à l’exercice : “S’il s’élance, il va établir un nouveau record du monde”, lançait Wiggins fin février. Certes, en Belgique, ou l’art d’éviter les polémiques. Mais l’ex-coureur connaissait clairement les qualités de ce pur rouleur, capable de se dépasser pour chaque objectif depuis ses plus jeunes saisons chez les professionnels. Et dans la presse belge et étrangère, peu imaginaient Campenaerts échouer dans cette tentative tant sa préparation a été parfaite. Sa victoire sur le chrono final de Tirreno-Adriatico confirmait encore ce sens du timing. Et durant la dernière semaine décisive en vue de sa tentative à Aguascalientes (dont la date n’a été décidée que trois semaines à l’avance pour s’assurer les meilleures conditions), rien n’a perturbé la concentration de l’Anversois, bien aidé par Kevin De Weertn performance manager chez Lotto-Soudal, et toute l’équipe technique et médicale rassemblée autour du rouleur.
Le plus rapide, de bout en bout
Et durant cette heure sur l’anneau d’Aguascalientes, devant son père Gino et une quarantaine de Belges venus au Mexique pour le soutenir, sous un silence accablant bien loin du show musical de WIggins à Londres, Victor Campenaerts n’a pas flanché. Le sociétaire de Lotto-Soudal est même parti à toute vitesse, débordant déjà Bradley Wiggins de près de 250 mètres sur la première demi-heure de course, avant de ralentir le rythme dans la deuxième partie de course. Et dans les cinq dernières minutes, le cycliste belge a donné toute l’énergie qu’il lui restait pour réaliser des tours canons, en-dessous de 16 secondes, afin de passer la barre des 55 kilomètres en une heure de course. Il clôture finalement son effort avec 55,089 kilomètres dans les jambes. Un sacré exploit de la part de VIctor Campenaerts, nouveau détenteur du record de l’heure, 47 ans après Eddy Merckx !
Lap times / pace for Victor Campenaerts #UCIHourRecord pic.twitter.com/bngDeCEmcl
— the Inner Ring (@inrng) April 16, 2019
Quasiment incapable de tenir sur ses jambes, vidé de toute cette énergie qu’il a développée sur la selle, dans une position parfaite durant une heure d’efforts, Victor Campenaerts a tout de même eu le temps de répondre à quelques questions et à saluer ses proches, non sans des larmes au coin des yeux, ému par cet objectif atteint. “Je suis resté concentré sur cet objectif durant un long moment, donc je suis super content d’avoir battu le record, et je suis aussi heureux d’avoir pu franchir la barre mythique des 55 kilomètres”, lançait le coureur belge au micro de la VRT à l’arrivée. “C’était très dur… J’ai été très optimiste durant les 30 premières minutes, et il faut l’être ! Mais après la mi-course, il était important d’imprimer un autre rythme, légèrement moins rapide. Je pense que j’ai bien fait. J’ai un peu ralenti mais je pense avoir été toujours un peu plus rapide que Wiggins à chaque moment de la course”.
Ontroerend! De kersverse wereldrecordhouder @VCampenaerts strompelt naar zijn apetrotse vader Gino 👨👦#Victor2VictorY #UCIHourRecord pic.twitter.com/D4BOuLKs3N
— Sporza 🚴 (@sporza_koers) April 16, 2019
“J’ai travaillé très dur et très longtemps pour cela. L’équipe m’a soutenu, m’a donné une totale confiance, et c’est important d’avoir pu répondre positivement à cette confiance”, clame encore Campenaerts, qui a encore fait pleurer son coach, l’ancien sélectionneur national Kevin De Weert, ému aux larmes devant la caméra de la VRT. “Un grand fardeau m’est tombé des épaules”, explique-t-il. “Victor a réalisé une course parfaite. C’est impressionnant qu’il ait réussi à atteindre la limite magique des 55 kilomètres”. Car là est encore la performance de Campenaerts. Outre le record, le Belge a réussi à franchir un cap qui restait jusqu’ici inaccessible par les coureurs souhaitant battre le record tel qu’établi par le règlement de l’UCI (NDLR : un autre règlement a permis à Chris Boardman, en 1996, sur un vélo futuriste de rouler 56,375 km en une heure). L’Anversois sera désormais difficile à battre, tant les conditions de son record semblaient parfaites. Même si Alex Dowsett, ancien détenteur du record (52,937 km/h en 2015 à Manchester) a déjà annoncé sur Twitter, en blaguant, qu’il serait intéressé par une nouvelle heure autour de l’anneau mancunien.
“On va manger cette crêpe”
Victor Campenaerts, pour sa part, peut désormais profiter de son nouveau statut et de son record. Il a ainsi demandé à ses supporters de profiter de la nuit, notamment dans un bar de Borgerhout où son fan club était rassemblé pour suivre ses performances mexicaines. “Mes fans peuvent boire toute la nuit des bières gratuites. Et si vous n’êtes pas encore fan, vous pouvez le devenir !”, a-t-il lancé en anglais avec son sourire habituel. Il a également eu un mot pour Stig Broeckx, victime d’une grave chute en 2016 qui l’a laissé dans le coma durant 7 mois et toujours en revalidation, avec des progrès phénoménaux : “Je tiens à remercier tout le monde, mais surtout Stig. Mec, je t’en dois une. Stig m’avait envoyé hier un message en me disant qu’on allait manger une crêpe ensemble à Dessel si je réussissais à battre ce record. Je vais l’amener là-bas et on va manger cette crêpe”. Victor Campenaerts l’aura bien méritée après ces six mois de préparation.
Photo : UCI
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