Dominateur tout au long de la semaine, le Slovène Primoz Roglic (Jumbo-Visma) a cédé son précieux maillot jaune, obtenu grâce à trois victoires d’étape, au tenant du titre Maximilian Schachmann (Bora-Hansgrohe) dans une dernière étape endiablée. Victime de deux chutes en moins de cinquante kilomètres, Roglic a connu la malchance, la panique et la désillusion, tout en renforçant sa place de N.1 mondial. Alors que derrière, les coureurs belges ont tenté d’animer, sans toutefois trouver le succès.
Roglic ne voulait rien laisser… avant la chute
« Il y avait une opportunité, alors je l’ai saisie » : la réaction de Primoz Roglic (Team Jumbo-Visma) au sommet de La Colmiane, après avoir croqué le rescapé de l’échappée matinale, Gino Mäder (Bahrain Victorious) dans les 50 derniers mètres, dit tout sur l’état d’esprit du Slovène sur ce Paris-Nice. Le grimpeur de 31 ans a été intenable sur l’ensemble des étapes vallonnées de cette Course au Soleil. Troisième du contre-la-montre de Gien, il a ensuite pris ses responsabilités en attaquant à trois kilomètres de l’arrivée au sommet de Chiroubles, s’est mué en puncheur sur l’antépénultième étape à Biot, puis a aiguisé son appétit sur l’étape-reine vers La Colmiane.
Primoz Roglic est arrivé sur le tard dans le monde cycliste, et il souhaite désormais profiter un maximum de sa condition pour grossir son palmarès. « Je vis chaque course comme un nouveau défi. Je veux gagner si j’en ai la possibilité », lâche-t-il encore, tout de jaune vêtu. Alors, quand les courses sont en prime limitées dans un calendrier remanié toutes les semaines en raison de la crise sanitaire du Covid-19, Roglic compte bien se mettre en avant sur chaque course qu’il dispute. Quitte à bouleverser certaines idées préconçues autour du fair-play cycliste, comme à l’occasion de cette victoire à La Colmiane, devant Mäder, visiblement dégoûté d’avoir subi un tel dépassement à 50 mètres du but.
Et puis, patatras… Le N.1 mondial a encore vu passer un chat noir avant la dernière étape, raccourcie en un circuit autour de Levens. Sur des routes sinueuses, le Slovène, dont on connaît les difficultés à enchaîner les virages techniques en descente, a tout simplement sombré. Dès la première des deux descentes suivant la ligne d’arrivée (franchie trois fois ce dimanche), «chute du maillot jaune», annonce Radio Tour. Le cuissard déchiré, le flanc gauche marqué à sang, l’épaule gauche disloquée (selon ses propres propos), Primoz Roglic revenait sur le peloton grâce au travail des Jumbo-Visma, qui tentaient de contrôler au mieux la course. Une cinquantaine de kilomètres plus loin, paf, deuxième chute. Celle-ci a été confirmée par Steven Kruijswijk sur Cyclingnews : «Il a chuté dans la dernière descente, dans un des derniers virages, et il n’a pas su remettre directement sa chaîne en place. Il a été un peu retardé à l’arrière et en tête de peloton, ils ont commencé à tirer». Ils, à savoir les coureurs de l’équipe Bora-Hansgrohe, décidés à profiter d’une vallée venteuse pour faire craquer le maillot jaune, et permettre à Maximilian Schachmann de s’offrir son deuxième Paris-Nice consécutif.
Et le plan fonctionnait : «Il y avait beaucoup de vent dans la vallée, et avec seulement trois ou quatre de l’équipe, nous n’avons pas pu refaire le trou. On a essayé de rentrer aussi vite que possible mais nous n’en étions pas capable», souligne Kruijswijk. Roglic était pourtant à dix secondes de la queue du peloton à une vingtaine de kilomètres du but, mais sans autre équipier à ses côtés, les cuisses en feu et les hanches bleues, le Slovène ne pouvait rien face à la tactique agressive des Bora-Hansgrohe… « J’ai fait quelques erreurs. (…) C’est dommage, mais je dois désormais passer à la prochaine course. Cela fait aussi partie du sport », philosophait finalement Primoz Roglic à la sortie du bus médical.
«Quand Roglic a chuté la première fois nous avons attendu et la deuxième fois un écart s’est creusé, nous étions alors aussi engagés dans la bataille pour l’étape. Je ne sais pas si je peux être heureux, ce n’est pas sympa de gagner comme cela. De toute façon, c’est énorme», reconnaît Max Schachmann, heureux d’avoir obtenu un tel doublé sans crier gare, alors que la course dominée jusqu’ici par Roglic semblait acquise pour le Slovène. Mais comme lors du contre-la-montre décisif sur la Planche des Belles Filles lors du dernier Tour de France, comme lors de l’ultime ascension de la Vuelta 2020, le Slovène a dû céder du terrain à ses rivaux. La malchance ? Certainement. Mais pas seulement. Roglic a semblé paniquer dans cette vallée, faisant travailler ses équipiers jusqu’à les éclipser. Au risque de se retrouver seul très vite. Trop vite. Cela lui a coûté une nouvelle grande victoire, et une semaine parfaite. Son retour sur le Tour du Pays Basque, début avril, sera bien attendu pour la rédemption du printemps.
Benoot est meilleur en attaquant
Mis sous pression dans la presse belge depuis une semaine suite à sa deuxième place remportée sur la Course au Soleil en 2020, le Belge Tiesj Benoot était annoncé comme LE coureur à surveiller en montagne, en vue de sa prochaine mutation en coureur de Grand Tour. Co-leader du Team DSM avec l’Australien Jai Hindley, Benoot a rempli son rôle en suivant les meilleurs tant à Chiroubles que sur la montée de La Colmiane. Il lui a toutefois manqué cette étincelle pour espérer décrocher le maillot jaune sur ce Paris-Nice. Même dans l’ultime étape folle vers Levens, le Belge a semblé en dedans, capable de suivre, sans plus.
Contrairement à l’an dernier, Benoot ne s’est pas montré à l’offensive. « Vers La Colmiane, j’étais tout simplement à bloc. J’aurais aimé essayer quelque chose, mais il n’y avait rien à faire », raconte-t-il au micro de la VRT. « J’ai eu quelques douleurs dans le bas du dos, mais je suis heureux d’avoir déjà pu finir avec les favoris ». D’où l’objectif d’un podium final sur ce Paris-Nice. Benoot a tenté sur ce Paris-Nice d’être un pur leader, économisant ses forces pour le final. Cela ne semble toutefois pas être son idéal.
La semaine malchanceuse des INEOS Grenadiers
Face à l’armada des Jumbo-Visma, une équipe apparaissait comme celle capable de bouleverser les plans des « abeilles » néerlandaises : INEOS Grenadiers. La dream team britannique arrivait sur ce Paris-Nice avec deux leaders : l’Australien Richie Porte et le Britannique Tao Geoghegan Hart. Mais les deux hommes n’ont jamais pu se montrer à leur avantage. Dès la première étape, Richie Porte a dû abandonner sur chute à 30 kilomètres de l’arrivée. S’il est reparti durant quelques minutes, le coureur australien a finalement décidé de quitter son vélo, en raison de douleurs à la hanche gauche. Aucune fracture n’a été diagnostiquée, mais cette chute a déjà mis à mal les objectifs d’INEOS Grenadiers.
Puis, sur la première arrivée taillée pour les favoris vers Chiroubles, Tao Geoghegan Hart se retrouvait au sol, également à une trentaine de bornes de l’arrivée. Dans la descente du Mont Brouilly, le Britannique a tapé la tête au sol, le contraignant à se retirer. Il a directement rassuré sur son état de santé sur Twitter, confirmant qu’il s’agissait avant tout d’une précaution pour ne pas compromettre la suite de sa saison.
Mais ce double forfait avant les premières bagarres pour le maillot jaune a mené à une nouvelle course difficile pour les INEOS Grenadiers. Ceux qui restaient sur la Course au Soleil, comme le Belge Laurens De Plus ou l’Australien Rohan Dennis, n’étaient pas encore au top de leur condition, et cela s’est vu. Même à l’attaque, De Plus et Andrey Amador n’ont pu suivre les meilleurs sur la montée de La Colmiane, samedi. Inquiétant pour la suite de la saison ? On n’en est encore qu’au début de cette année, les deux chefs de file ont rapidement disparu, et il est donc dommage de ne pas avoir vu la tactique des INEOS Grenadiers avec une équipe au complet. Il faudra attendre les prochaines courses pour comprendre ce que l’équipe britannique vise désormais sur ces épreuves par étapes qu’elle dominait largement par le passé.
Bennett se replace pour Milan-Sanremo
S’il n’a pu se replacer en tête du classement par points de Paris-Nice face à l’intenable Primoz Roglic, l’Irlandais Sam Bennett (Deceuninck-Quick Step) a consolidé sa position de meilleur sprinter du peloton actuel. Dès qu’il est lancé par Michael Mørkøv dans les 300 derniers mètres, le coureur au trèfle peut déjà penser à lever les bras. Vainqueur sur le sprint en faux-plat montant de Saint-Cyr-L’École, dès la première étape, puis sur l’arrivée plus traditionnelle de Bollène, sur la cinquième étape, l’Irlandais a convaincu tant par sa pointe de vitesse que par son endurance.
S’il a craqué dans le dernier kilomètre de la sixième étape au sommet de Biot, sur une arrivée qui semblait il est vrai trop pentue pour ses qualités de sprinter, Sam Bennett a dès le lendemain confirmé qu’il montait en grade sur la septième étape, vers La Colmiane. Échappé avec des puncheurs et grimpeurs dès le début de l’étape, Bennett a tenu jusqu’au pied de la montée finale de La Colmiane, usant de cette offensive comme un entraînement grandeur nature à l’aube des classiques printanières. Et plus particulièrement de Milan-Sanremo. Bennett semble avoir progressé dans le passage des dénivelés, et pourrait certainement franchir un cap sur la Classicissima, où il aura un rôle de co-leader avec le champion du monde Julian Alaphilippe.
Les chasseurs belges de classiques ont tenté
Les coureurs belges n’ont pu trouver la victoire durant cette semaine entre Paris et… Levens, mais bon nombre d’entre eux se sont montrés. Dès la première étape, Philippe Gilbert (Lotto-Soudal) a tenté un coup étonnant avec son équipier italien Stefano Oldani, pour surprendre le peloton. Sans succès. L’ex-champion du monde faisait également partie du coup « belge » imaginé par 11 coureurs du plat pays sur la 5e étape, finalement annihilé par un peloton décidé à conclure la journée au sprint. Oliver Naesen (Ag2r Citroën Team) faisait également partie de cette offensive belgo-belge, au lendemain d’une longue échappée vers Chiroubles. Sans oublier Dylan Teuns (Bahrain Victorious) et Thomas De Gendt (Lotto-Soudal) en tête vers La Colmiane, sans toutefois peser dans le final.
Les coureurs belges ont tenté, et réalisé des efforts intéressants en vue du printemps, mais ils n’ont pas vraiment pesé sur cette « Course au Soleil ». Paris-Nice reste une course de préparation en vue de la prochaine campagne printanière, et bon nombre, comme Philippe Gilbert ou Tiesj Benoot affirment que cette épreuve a été très rapide et usante, idéale donc pour retrouver le rythme à l’aube de ce printemps. Rendez-vous à Milan-Sanremo, samedi prochain, pour le confirmer, et voir si ce Paris-Nice a été plus profitable qu’un Tirreno-Adriatico également âprement disputé entre les autres favoris des prochaines classiques.
Résultats de la 1re étape (Saint-Cyr-L’École > Saint-Cyr-L’École, 165.8 km) :
- Sam Bennett (Irl, Deceuninck-Quick Step) en 3h51:38
- Arnaud Démare (Fra, Groupama-FDJ)
- Mads Pedersen (Dan, Trek-Segafredo)
- Jasper Philipsen (Bel, Alpecin-Fenix)
- Bryan Coquard (Fra, B&B Hôtels p/b KTM)
- Pascal Ackermann (All, Bora-Hansgrohe)
- Phil Bauhaus (All, Bahrain Victorious)
- Christophe Laporte (Fra, Cofidis)
- André Greipel (All, Israel Start-up Nation)
- Rudy Barbier (Fra, Israel Start-up Nation)
Résultats de la 2e étape (Oinville-sur-Montcient > Amilly, 188 km) :
- Cees Bol (P-B, Team DSM) en 4h27:59
- Mads Pedersen (Dan, Trek-Segafredo)
- Michael Matthews (Aus, Team BikeExchange)
- Bryan Coquard (Fra, B&B Hôtels p/b KTM)
- Sam Bennett (Irl, Deceuninck-Quick Step)
- John Degenkolb (All, Lotto-Soudal)
- Pascal Ackermann (All, Bora-Hansgrohe)
- Phil Bauhaus (All, Bahrain Victorious)
- Jasper Philipsen (Bel, Alpecin-Fenix)
- Rudy Barbier (Fra, Israel Start-up Nation)
Résultats de la 3e étape (Gien > Gien, 14.4 km – Contre-la-montre individuel) :
- Stefan Bissegger (Sui, EF Education-Nippo) en 17:34
- Rémi Cavagna (Fra, Deceuninck-Quick Step)
- Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma) à 0:06
- Brandon McNulty (USA, UAE Team Emirates) à 0:09
- Søren Kragh Andersen (Dan, Team DSM) à 0:10
- Rohan Dennis (Aus, INEOS Grenadiers) à 0:13
- Christophe Laporte (Fra, Cofidis)
- Dylan van Baarle (P-B, INEOS Grenadiers) à 0:14
- Yves Lampaert (Bel, Deceuninck-Quick Step) à 0:16
- Patrick Bevin (Nzl, Israel Start-up Nation)
Résultats de la 4e étape (Chalon-sur-Saône > Chiroubles, 187.6 km) :
- Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma) en 4h49:36
- Maximilian Schachmann (All, Bora-Hansgrohe) à 0:12
- Guillaume Martin (Fra, Cofidis)
- Tiesj Benoot (Bel, Team DSM)
- Aleksandr Vlasov (Rus, Astana-Premier Tech)
- Lucas Hamilton (Aus, Team BikeExchange)
- David Gaudu (Fra, Groupama-FDJ) à 0:16
- Quentin Pacher (Fra, B&B Hôtels p/b KTM)
- Pierre Latour (Fra, Total Direct Énergie)
- Ion Izagirre (Esp, Astana-Premier Tech)
Résultats de la 5e étapes (Vienne > Bollène, 200.2 km) :
- Sam Bennett (Irl, Deceuninck-Quick Step) en 5h16:01
- Nacer Bouhanni (Fra, Team Arkéa-Samsic)
- Pascal Ackermann (All, Bora-Hansgrohe)
- Phil Bauhaus (All, Bahrain Victorious)
- Giacomo Nizzolo (Ita, Team Qhubeka ASSOS)
- Alexander Kristoff (Nor, UAE Team Emirates)
- Bryan Coquard (Fra, B&B Hôtels p/b KTM)
- Christophe Laporte (Fra, Cofidis)
- Rudy Barbier (Fra, Israel Start-up Nation)
- Danny van Poppel (P-B, Intermarché-Wanty-Gobert Matériaux)
Résultats de la 6e étape (Brignoles > Biot, 202.4 km) :
- Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma) en 4h40:22
- Christophe Laporte (Fra, Cofidis)
- Michael Matthews (Aus, Team BikeExchange)
- Dylan Teuns (Bel, Bahrain Victorious)
- Aurélien Paret-Peintre (Fra, Ag2r Citroën Team)
- Lucas Hamilton (Aus, Team BikeExchange)
- Bryan Coquard (Fra, B&B Hôtels p/b KTM)
- Quentin Pacher (Fra, B&B Hôtels p/b KTM)
- Sergio Luis Henao (Col, Team Qhubeka ASSOS)
- Krists Neilands (Est, Israel Start-up Nation)
Résultats de la 7e étape (Le Broc > Valdeblore La Colmiane, 119.2 km) :
- Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma) en 3h09:18
- Gino Mäder (Sui, Bahrain-Victorious) à 0:02
- Maximilian Schachmann (All, Bora-Hansgrohe) à 0:05
- Lucas Hamilton (Aus, Team BikeExchange) à 0:08
- Aleksandr Vlasov (Rus, Astana-Premier Tech) à 0:10
- Tiesj Benoot (Bel, Team DSM)
- Guillaume Martin (Fra, Cofidis) à 0:15
- Ion Izagirre (Esp, Astana-Premier Tech)
- Harm Vanhoucke (Bel, Lotto-Soudal) à 0:22
- Jai Hindley (Aus, Team DSM) à 0:27
Résultats de la 8e étape (Le Plan-du-Var > Levens, 92.7 km) :
- Magnus Cort Nielsen (Dan, EF Education-Nippo) en 2h16:58
- Christophe Laporte (Fra, Cofidis)
- Pierre Latour (Fra, Total Direct Énergie)
- Dylan Teuns (Bel, Bahrain Victorious)
- Warren Barguil (Fra, Team Arkéa-Samsic)
- Dylan van Baarle (P-B, INEOS Grenadiers)
- Ion Izagirre (Esp, Astana-Premier Tech)
- Matteo Jorgenson (USA, Movistar Team)
- Yves Lampaert (Bel, Deceuninck-Quick Step)
- Maximilian Schachmann (All, Bora-Hansgrohe)
Classement général final de la 79e édition de Paris-Nice :
- Maximilian Schachmann (All, Bora-Hansgrohe) en 28h49:51
- Aleksandr Vlasov (Rus, Astana-Premier Tech) à 0:19
- Ion Izagirre (Esp, Astana-Premier Tech) à 0:23
- Lucas Hamilton (Aus, Team BikeExchange) à 0:41
- Tiesj Benoot (Bel, Team DSM) à 0:42
- Guillaume Martin (Fra, Cofidis) à 1:14
- Jack Haig (Aus, Bahrain Victorious) à 1:18
- Matteo Jorgenson (USA, Movistar Team) à 1:29
- Aurélien Paret-Peintre (Fra, Ag2r Citroën Team) à 1:31
- Gino Mäder (Sui, Bahrain Victorious) à 1:32
► Cliquez ici pour découvrir les résultats complets de la 79e édition de Paris-Nice
Photos : ASO/Fabien Boukla
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