Quand l’UCI veut obliger à participer à ses épreuves de Coupe du monde : à qui cela servirait ?

Le président de l’Union Cycliste Internationale David Lappartient a annoncé de possibles nouvelles règles pour obliger la participation à la Coupe du monde de cyclo-cross.
Le Belge Thibau Nys (Baloise Trek Lions) - Photo : Alain Vandepontseele/Alain VDP Photography
Le Belge Thibau Nys (Baloise Trek Lions) – Photo : Alain Vandepontseele/Alain VDP Photography

Dans le cercle des supporters de cyclo-cross, l’annonce par Sven Nys, patron de l’équipe Baloise Trek Lions, que son fils Thibau allait limiter son calendrier ces prochains week-ends afin de prendre du repos, nécessaire à son retour en forme durant l’hiver, a pu surprendre, tant le vainqueur de la première manche de la Coupe du monde de cyclo-cross à Waterloo semblait en bonne voie vers une glorieuse saison. Mais le moteur de Thibau Nys a visiblement bloqué et cela s’est confirmé samedi lors du Superprestige de Niel, sur lequel il a terminé à plus de sept minutes du vainqueur Eli Iserbyt.

Cette information a ouvert un autre débat : un coureur qui est bien classé dans un challenge de régularité comme la Coupe du monde a-t-il le devoir moral de se présenter sur les futures courses de ce challenge ? Car outre Nys qui a décidé d’abandonner ces manches de Coupe du monde pour préférer des Superprestige ou des Trophée X2O Badkamers, Lars van der Haar, leader actuel de la Coupe du monde, a déjà annoncé qu’il ne sera pas de la partie à la manche italienne de Val di Sole, début décembre.

Ces diverses déclarations ont directement fait réagir Peter Van den Abeele, responsable sportif du cyclo-cross à l’Union Cycliste Internationale, sur le site de Sporza« Si la Coupe du Monde est considérée comme un jouet, alors c’est un problème. Ce n’est bon pour personne ni pour le cyclo-cross en général », s’est-il insurgé, rappelant que la distribution de gains est plus importante en Coupe du monde que sur d’autres classements hivernaux. Jusque-là, cela restait une simple critique, même si le débat allait être évoqué lors du prochain congrès de l’UCI, prévu la veille des championnats du monde de cyclo-cross, début février.

Le président de l’UCI David Lappartient a pourtant décidé d’en rajouter une couche chez DirectVélo. Outre les critiques émises par Van den Abeele, le dirigeant a expliqué comprendre les choix des cyclistes par rapport à certains déplacements, comme celui à Waterloo, pour la seule manche américaine du calendrier, ou à Val di Sole, seule course italienne du classement. « Si ça ne marche pas, c’est qu’il y a forcément des choses à améliorer », admet-il. Il a toutefois eu une critique plus virulente à l’encontre des cyclistes, évoquant même des changements de règlement qui auraient de lourdes conséquences sur la compétition. « Si un coureur préfère rouler une épreuve nationale pendant des manches de Coupe du monde, vous ne ferez pas les manches suivantes de Coupe du monde et donc pas de championnat du monde », a-t-il lancé.

Nys, qui a ainsi couru à Niel (Superprestige) et non pas à Termonde (Coupe du monde) ce week-end, serait ainsi tout simplement exclu des autres manches de la Coupe du monde et du championnat du monde… Rien n’est toutefois prévu pour les coureurs qui zapperaient simplement les manches, sans autre remplacement, à l’image de Wout van Aert et Mathieu Van der Poel qui ne seront présents que prosaïquement dans les pelotons cet hiver. Seraient-ils aussi privés de Mondiaux pour avoir manqué certaines courses ? David Lappartient ne l’explique pas…

Un calendrier à revoir

Alors que la Coupe du monde est passée de neuf à quinze puis quatorze manches, prenant quasiment toute la place dans le calendrier hivernal, cette déclaration peut étonner et confirme la pression de l’UCI pour mettre en avant ses événements et favoriser son agenda d’internationalisation des disciplines, sans forcément regarder à ce qui fait également l’essence de ce sport. Car si la Coupe du monde est censée être la plus grande compétition de régularité de l’année, elle ne dispose pas de tous les « classiques » du calendrier comme Overijse, Heusden-Zolder, Diegem, Coxyde… Et il est logique de voir des cyclistes belges ou néerlandais, aux partenaires locaux, préférer certaines épreuves de la région pour éviter des déplacements coûteux et qui demandent de l’énergie mentale et physique. De même pour les Américains ou Canadiens qui enchaînent souvent les cross sur le continent américain en début d’hiver, avant de poursuivre la saison en Europe pour certains.

Actuellement, en prime, l’UCI propose un calendrier très compliqué sur le plan logistique, à l’image du cyclo-cross de Troyes suivi par Dublin, la semaine suivante, avant un retour en France, à Flamanville, et un nouveau voyage vers Val di Sole, en Italie. Le tout en un mois, cela pèse lourd. Si certaines manches rapprochées étaient au moins dans une même séquence temporelle, cela pourrait aider les coureurs à faire d’autres choix, ce que le président de l’UCI ne nie d’ailleurs pas.

Et si l’UCI veut mettre en place un tel règlement, que vont dire les organisateurs ? On pense surtout à Flanders Classics, qui gère la Coupe du monde avec l’UCI, mais également le Superprestige, qui devient de facto un concurrent au challenge de la fédération internationale. Il n’est pas certain que les organisateurs de ces manches du Superprestige soient ravis de voir leurs listes de partant·e·s s’amincir au fil de l’hiver, car certains ne voudront pas doubler durant le week-end et favoriseront donc la Coupe du monde, par obligation, et non par souci sportif.

L’UCI a évidemment toutes les raisons du monde de promouvoir ses propres compétitions. Mais cela doit se faire avec bon sens. L’internationalisation semble prendre un bon virage depuis trois saisons avec des nouvelles manches en Irlande, en Italie ou en Espagne. Créer des séquences permettant aux cyclistes de rester dans une même région durant plusieurs semaines pourra déjà permettre d’aider celles et ceux qui font ce sport d’avoir moins de choix contraints à faire durant l’hiver. La pyramide des gains proposée est également une belle initiative. Mais contraindre le peloton à des épreuves ne permettra pas de rendre les courses meilleures ou de ramener plus de public devant la télévision. Heureusement, il reste quelques mois avant le prochain congrès de l’UCI pour que les organisateurs fassent entendre raison à leur fédération.


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