Pour organiser des championnats du monde sur route, comptez plus de 20 millions d’euros et le soutien de multiples localités et instances régionales. C’est ce qui a permis à la Flandre d’obtenir le plus grand rendez-vous cycliste du calendrier cette année.
Pour son centième anniversaire, le championnat du monde de cyclisme sur route retrouve ses racines en Flandre. Depuis ce dimanche jusqu’au 26 septembre prochain, les courses au maillot arc-en-ciel vont s’enchaîner entre Knokke-Heist, Bruges, Anvers et Louvain pour une fête qui s’annonce autant sportive que populaire. En raison du Covid-19 et des restrictions frontalières toujours en place, peu de supporters étrangers pourront être présents en Belgique durant cette semaine, mais il ne fait aucun doute que le public local sera présent en masse sur le bord des routes tout au long de ces journées de célébrations. Surtout depuis que le port du masque a été confirmé comme non-obligatoire en extérieur (si la distanciation sociale d’1m50 peut être maintenue). Les organisateurs attendent même entre 200 000 et 400 000 spectateurs sur le circuit de la course en ligne masculine, entre Anvers et Louvain. Ce n’est pas encore le million de supporters déjà enregistré sur le Tour des Flandres, mais tout de même…
Plus de 21 millions de budget
Ces organisateurs, justement, qui sont-ils ? Des championnats du monde contemporains, avec ses contre-la-montre et ses courses en ligne pour juniors, espoirs et élites, masculins et féminins, ne se mettent pas en place en quelques semaines. Le dossier a été pour la première fois évoqué en 2017 pour être officiellement déposé auprès de l’Union Cycliste Internationale (UCI), l’autorité en charge de ces Mondiaux, en 2018. À l’époque, il apparaissait directement que cette candidature ne concernait que la Flandre. Une demi-surprise dans un pays fracturé par ses conflits linguistiques. Le gouvernement flamand a décidé d’avancer face aux négociations complexes avec la Wallonie. Dans le sud du pays, le ministre des Sports de l’époque André Antoine avait pourtant proposé en 2009 une candidature commune entre les deux Régions belges, avec notamment une course en ligne du côté de Namur et les contre-la-montre tracés autour de Louvain. La sauce politique n’a pas prise. Et au nord, les élections ont changé le paysage politique pour y rendre la N-VA, les régionalistes flamands, majoritaire. Une situation idéale pour négocier et dégager un budget pour l’organisation de championnats du monde en territoire flamand, destinée à révéler les joyaux flamands. Bruges, Louvain et Anvers ont ainsi été choisis comme lieux d’accueil des compétitions en raison de leur caractère historique et artistique. Il ne restait plus qu’à trouver des routes idéales dans chaque coin pour tracer un dossier en béton auprès de l’UCI. Dossier qui sera d’ailleurs le seul sur la table pour l’édition 2021 des championnats du monde. Et avec le lobby opéré par Tom Van Damme, président de Belgian Cycling, la fédération belge de cyclisme, et vice-président de l’UCI, la candidature était dans la poche.
Au niveau politique, c’est donc la Région flamande qui a mis la main au portefeuille en dégageant près de 13 millions d’euros. Cela ne suffit toutefois par pour une semaine complète de courses et d’animations autour du mythique maillot arc-en-ciel. Les villes-hôtes des départs et arrivées des diverses épreuves ainsi que les trois provinces traversées ont également apporté leur contribution financière. Louvain, par exemple, a déboursé 3 millions d’euros pour l’arrivée des courses en ligne de ces Mondiaux. Le reste émane de sponsors privés, pour la plupart arrivés grâce au soutien des organisateurs logistiques de ces championnats du monde, Golazo et Flanders Classics. Golazo, géré par l’ancien athlète Christophe Impens, et Flanders Classics, mené par l’ex-basketteur international Tomas Van den Spiegel, gèrent au quotidien diverses épreuves cyclistes de prestige en Belgique : le Benelux Tour, le Tour de Belgique et bien d’autres pour Golazo ; le Tour des Flandres, le Circuit Het Nieuwsblad, Gand-Wevelgem ou encore la Flèche Brabançonne pour Flanders Classics. Les deux entreprises ont cette fois lié leur expertise pour mettre en oeuvre ce gigantesque Barnum cycliste.
Plus dans une seule ville
L’idée semble logique, elle n’a pourtant été que rarement mise en application ces vingt dernières années parmi les villes-hôtes des championnats du monde. Comme le Yorkshire, la Flandre a décidé de jouer sur cette force collective pour éviter des pertes abyssales, comme ce fut le cas à Bergen, en 2017. Au lieu d’organiser les Mondiaux dans une seule ville, autant mettre l’ensemble de la Région en avant et faire contribuer plusieurs communes et provinces pour faire grandir le budget. Cela demande toutefois de lourdes négociations. Et en Belgique, rien n’est simple : si la Flandre n’est pas passée par le fédéral, elle a impliqué deux autres niveaux de pouvoir pour obtenir le financement nécessaire. La Région, les provinces, les communs, les fédérations sportives… Cela demande du temps et un investissement important pour des retombées qui peuvent prendre du temps (notamment concernant la pratique du vélo ou la construction de nouvelles infrastructures).
En Wallonie, si cela coince, c’est avant tout sur le plan politique. Car un tel projet se prévoit des années en amont, comme l’explique un dossier très intéressant de La Dernière Heure à ce sujet. Et avec des élections régionales et fédérales prévues tous les cinq ans, il est difficile de mettre sur la table un tel projet coûteux et de le faire avancer à l’aube d’une nouvelle législature, voire de le conclure lors de cette prochaine législature. Mais un retour des championnats du monde de cyclisme sur route en Belgique ne sera de toute manière pas pour tout de suite. L’UCI a déjà confirmé les prochaines régions-hôtes des Mondiaux : Wollongong en Australie en 2022, Glasgow en Ecosse en 2023 pour un énorme événement durant lequel les 13 disciplines régies par l’UCI se disputeront les titres mondiaux sur deux semaines ; Zürich en Suisse en 2024 et une région africaine en 2025. Pour espérer revoir les maillots arc-en-ciel en Belgique, il faudra certainement patienter d’ici la prochaine décennie. Si la volonté politique y est…
Photo : Grégory Ienco
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