Peter Sagan s’est montré quand il le fallait
Quasiment absent de l’image tout au long de cette course au maillot irisé, le tenant du titre n’a affiché son maillot bleu-blanc-rouge que dans les derniers kilomètres, que ce soit au sommet de la Salmon Hill ou à l’approche du sprint décisif. Les coureurs slovaques ont été aussi discrets durant cette course, laissant plutôt la tâche de ramener les échappées aux Belges, aux Italiens ou… aux Tchèques, venus en support dès les premiers tours de roue. Peter Sagan, pour sa part, a patienté : il n’a jamais tenté la moindre attaque sur la Salmon Hill ou sur les quelques faux-plats disposés sur le circuit de Bergen. Il pensait même que la victoire n’était même plus accessible dans les cinq derniers kilomètres, tant l’attaque de Julian Alaphilippe sur le dernier passage de la Salmon Hill avait subjugué un peloton désorganisé.
« Dans les cinq derniers kilomètres, je me disais que c’était fait, que le titre était déjà parti. J’ai essayé de partir dans une échappée, mais Gaviria a essayé de me reprendre. On allait tout droit vers un sprint, c’est incroyable », explique Sagan, qui a donc patienté les 300 derniers mètres pour s’afficher dans la roue de Michael Matthews avant de déborder l’Australien et le Norvégien Alexander Kristoff, qui avait lancé l’emballage massif quelques secondes plus tôt. Cela se jouait finalement à la photo-finish : d’un quart de roue, Peter Sagan parvient à collecter un troisième titre mondial consécutif, ce qu’aucun coureur n’avait encore réussi jusqu’ici. Il est même le plus jeune triple champion du monde de l’histoire, devant Oscar Freire qui avait réussi le triplé à 28 ans.
Et pourtant, Sagan ne croyait pas forcément en ce scénario : l’idée d’un sprint n’a émergé que dans les deux derniers kilomètres, alors que la réalisation télévisée échouait à montrer l’action dans les cinq derniers kilomètres, en raison d’un problème technique. « Au sommet de Salmon Hill, le peloton était dispersé en trois groupes ou plus. Les gars derrière nous (NDLR : Sagan était dans un 1er groupe de poursuite derrière Alaphilippe et l’Italien Gianni Moscon) sont revenus et cela a permis de réorganiser le peloton. On s’est retrouvé ensemble très vite dans le final. On ne savait pas prévoir un tel scénario », explique le Slovaque, qui n’a pas manqué de remercier ses équipiers mais aussi « quelques amis dans le peloton. J’ai encore quelques amis dans le peloton », rigole-t-il devant la caméra après avoir savouré cette nouvelle victoire de prestige.
Peter Sagan n’a pas non plus manqué de garder un petit mot pour Alexander Kristoff, l’enfant du pays qui a manqué de justesse la plus belle victoire de sa carrière : « Je suis désolé pour lui mais c’est la course malheureusement ». Avant de rendre hommage à sa femme, qui va bientôt accoucher, et à un coureur qui manque au peloton : « Je veux dédier ma victoire à Michele Scarponi parce qu’il devait fêter son anniversaire demain ». Un beau geste.
Les Belges étaient les plus offensifs
Le sélectionneur belge Kevin De Weert l’affirme lui-même : « Nous avons fait la course parfaite, comme nous l’avions convenu avant la course. Mais il n’y avait rien d’autre que nous pouvions faire ». L’équipe belge était en effet présente aux avant-postes sur ces routes norvégiennes, avec une sacrée pancarte dans le dos. Une telle formation de puncheurs, avec des champions du monde potentiels comme Greg Van Avermaet, Philippe Gilbert, Oliver Naesen voire Tim Wellens, cela pouvait clairement faire craindre certaines velléités en interne mais aussi une difficile cohabitation dans un peloton craignant les coureurs belges.
Finalement, le groupe belge a parfaitement géré son statut, comme à Doha la saison dernière ou à Herning, lors des championnats d’Europe en août dernier. Mais comme durant ces deux compétitions, cela n’a pas payé. Julien Vermote a assuré dans son rôle de « tueur d’échappée » et d’équipier-modèle. Tim Wellens était dans l’échappée la plus dangereuse de la journée. Oliver Naesen et Tiesj Benoot ont fait travailler le peloton avec leurs tentatives. Et au pied de la dernière ascension de la Salmon Hill, Philippe Gilbert et Greg Van Avermaet étaient parfaitement placés pour suivre les bonnes offensives. Mais dans cette ultime côte, les deux leaders du groupe noir-jaune-rouge ont manqué de jus pour prendre la roue de Julian Alaphilippe et de Gianni Moscon. C’était le bon coup à prendre, les coureurs belges l’ont manqué.
« Je suis déçu mais il n’y avait rien à faire », explique Greg Van Avermaet au quotidien Het Nieuwsblad. « Moi et Philippe avons été parfaitement positionnés dans Salmon Hill. Nous ne pouvions d’abord pas suivre mais avec certains autres coureurs, nous aurions pu revenir. Et dans le dernier virage avant le sprint final, j’ai perdu quelques places. Tout le monde a fait ce qu’il devait, Phil et moi devions terminer le boulot. Phil a encore essayé à deux kilomètres de l’arrivée, mais cela n’a pas fonctionné. On n’aurait pas pu faire plus », confie le champion olympique, finalement sixième sur la ligne d’arrivée.
« Quand Alaphilippe est parti, nous étions un poil trop en retard », affirme Kevin De Weert, qui ne se montre toutefois pas déçu par le comportement de ses coureurs, qui se sont montrés parmi les plus offensifs durant cette journée, avec les Néerlandais et les Français. La seule déception est la chute de Jasper Stuyven au pied de la dernière ascension de la Salmon Hill, qui a bloqué le sprinter de la formation belge. Ce dernier aurait pourtant pu jouer sa carte dans le sprint final, vu ses dispositions déjà affichées sur le Tour d’Italie et le Tour d’Espagne, notamment.
Alaphilippe a manqué de soutien
Les supporters français ont longtemps retenu leur souffle dans les derniers kilomètres de ce championnat du monde. Après les offensives de Warren Barguil et Tony Gallopin, c’est finalement Julian Alaphilippe qui réalisait la meilleure attaque de ce Mondial, sortant en puissance dans la Salmon Hill, avec l’Italien Gianni Moscon dans la roue. Il restait toutefois dix kilomètres à couvrir avant de célébrer un éventuel titre dans le centre de Bergen. Après avoir sorti Moscon de sa roue sur le seul secteur pavé de la journée, le coureur de la Quick Step s’est retrouvé seul face à un peloton pointé à moins de dix secondes. La force a toutefois manqué : Alaphilippe a été revu par le peloton à deux kilomètres du but, après une collaboration italo-danoise. Il a finalement manqué un coureur plus puissant au côté du Français pour espérer jouer le maillot arc-en-ciel.
« Je savais que je n’étais pas le plus rapide des coureurs dans le groupe des favoris, c’est pour cela que je n’ai pas de regrets par rapport à cette offensive », explique Julian Alaphilippe au micro de France Télévisions. « Je suis évidemment un peu déçu parce que j’y ai cru. La course était difficile mais pas assez pour qu’elle puisse me sourire ». Pour une course « difficile », il faudra attendre septembre 2018 et la prochaine édition des championnats du monde, prévue à Innsbruck, dans le Tyrol autrichien, où la montagne se fera plus longue et plus rude. Les puncheurs et grimpeurs risquent d’apprécier.
Résultats du championnat du monde sur route – Élites messieurs (276.5 km) :
1. Peter Sagan (Slovaquie) en 6h28’11”
2. Alexander Kristoff (Norvège)
3. Michael Matthews (Australie)
4. Matteo Trentin (Italie)
5. Ben Swift (Grande-Bretagne)
6. Greg Van Avermaet (BELGIQUE)
7. Michael Albasini (Suisse)
8. Fernando Gaviria (Colombie)
9. Alexey Lutsenko (Kazakhstan)
10. Julian Alaphilippe (France)
11. Michal Kwiatkowski (Pologne)
12. Søren Kragh Andersen (Danemark)
13. Tony Gallopin (France)
14. Zdenek Stybar (République tchèque)
15. Vasil Kiryienka (Bélarus)
16. Viatceslav Kuznetsov (Russie)
17. Philippe Gilbert (BELGIQUE)
18. Sergei Chernetckii (Russie)
19. Rui Costa (Portugal)
20. Simon Geschke (Allemagne)
…
73. Dylan Teuns (BELGIQUE) à 2’32”
74. Oliver Naesen (BELGIQUE)
88. Jens Keukeleire (BELGIQUE) à 3’13”
90. Jasper Stuyven (BELGIQUE) à 5’49”
96. Tiesj Benoot (BELGIQUE) à 6’33”
111. Tim Wellens (BELGIQUE) à 9’21”
Grégory Ienco – Photos : Bora-Hansgrohe/Mario Stiehl-Stiehl Photography et Eurosport