La communication parcellaire de l’UCI

Si l’Union Cycliste Internationale se montre prolixe sur certains sujets choisis, elle reste muette sur d’autres dossiers chauds qui laissent le peloton dans le flou.
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La semaine a mal commencé pour l’équipe Intermarché-Circus-Wanty. Une vidéo est apparue lundi dernier sur le compte Instagram du sprinter belge Gerben Thijssen, montrant son équipier estonien Madis Mihkels mimer des yeux bridés. Le contenu se veut déjà blessant pour les personnes asiatiques, il prend une tournure encore plus offensante quand on sait que les deux hommes sont en Chine, à l’aube du Tour de Guangxi, dernière épreuve WorldTour de la saison. L’équipe a très rapidement réagi en annonçant que les deux coureurs ne participeraient pas à la course par étapes, les concernés ont également envoyé sur les réseaux sociaux un communiqué dont certains termes se veulent aussi hasardeux – « Nous voulons nous excuser […] à toutes les personnes qui se sentent offensées », le verbe « se sentir » est de trop dans cette phrase.

Deux jours après cette vidéo, l’UCI a diffusé un communiqué pour saluer la décision d’Intermarché-Circus-Wanty et annoncer la saisie de sa commission disciplinaire pour une possible infraction à son règlement autour des propos discriminatoires. On peut évidemment saluer cette communication rapide de la fédération internationale concernant un tel cas de racisme. Cependant, cette sortie interroge par rapport aux nombreux dossiers pendants sur lesquels l’UCI reste muette.

Les femmes sans direct aux Mondiaux de gravel

L’exemple le plus récent en date concerne les championnats du monde de gravel. La fédération a, il est vrai, dû trouver en dernière minute une organisation pour ces Mondiaux de fin de saison, après des problèmes au sein de l’équipe menée par Filippo Pozzato. L’organisation a été octroyée deux mois avant la course à la société qui avait déjà proposé les premiers Mondiaux, un an auparavant. Mais la veille de la course féminine de ces championnats du monde, ces organisateurs ont annoncé que cette épreuve ne serait pas diffusée à la télévision en direct, contrairement à la course masculine. Et l’UCI n’a communiqué à ce sujet que… le jour de la course, alors que les femmes étaient déjà parties. Même les journalistes et suiveurs sur place ont pu suivre le déroulé de la course via… un document texte sur Google Docs, mis à jour tous les X kilomètres. L’UCI a indiqué par voie de communiqué qu’il sera dès l’année prochaine obligatoire de proposer une couverture télévisée en direct de ces championnats du monde de gravel, mais beaucoup s’interrogent logiquement sur le fait que ce point n’était pas imposé aux organisateurs jusqu’à présent. Et ce, alors que les premiers championnats de Belgique et d’Europe étaient à suivre en direct, tant pour les hommes que pour les femmes, une semaine plus tôt. Et le timing de l’annonce de la fédération internationale est tout aussi critiqué, vu que la course féminine était déjà en cours.

Quid des affaires de dopage en cours ?

Les reproches ne s’arrêtent pas à ce dossier. En août dernier, l’Australien Robert Stannard (Alpecin-Deceuninck) indiquait, par la voix de son agence et de son équipe, sa suspension provisoire pour « usage de méthodes et/ou substances interdites ». Pour des faits datant de 2018 et 2019, quand le coureur démarrait sa carrière professionnelle chez Mitchelton-Scott. Le coureur a expliqué avoir obtenu cette notification de l’UCI, avant d’annoncer son souhait de se défendre face à cette accusation dévoilée quatre ans au moins après les potentiels faits. Du côté de la fédération internationale, aucune communication, juste une ligne dans le document régulièrement mis à jour sur les coureurs provisoirement ou définitivement suspendus pour infraction au règlement antidopage.

Deux semaines plus tard, c’est l’équipe Jumbo-Visma qui informe par communiqué de la suspension provisoire de l’Allemand Michel Hessmann en raison d’un contrôle positif hors compétition, en juin dernier, à un produit diurétique, interdit par le règlement antidopage. Là encore, silence radio de l’UCI, alors que celle-ci se voulait plus prolixe lors des annonces des contrôles positifs de Toon Aerts ou Shari Bossuyt, pour ne reprendre que les cas belges ces dernières saisons.

Les points mystérieux venus d’Ouzbékistan

Autre dossier qui crispe le peloton et sur lequel l’UCI reste étrangement silencieux, celui des courses ouzbèkes. En mai dernier, la fédération de cyclisme d’Ouzbékistan a dévoilé les résultats de ces championnats nationaux. Sauf que ces championnats n’ont jamais été disputés. Les résultats fictifs ont quand même été envoyés à l’UCI, qui les avaient d’abord confirmés sur son site, avant de retirer les classements à la mi-juin. Des cyclistes ouzbeks ont affirmé que les courses avaient bien eu lieu alors que d’autres coureurs d’équipes étrangères, qui participaient durant la même semaine à des courses 1.2 dans la même région, ont confirmé à plusieurs sources qu’aucune compétition n’avait eu lieu le jour indiqué. D’autres accusations ont émergé concernant ces autres courses ouzbeks, auxquelles des étrangers étaient évidemment invités. Plusieurs coureurs ont accusé les Ouzbeks Ulugbek Saidov et Bezhodbek Rakhmibaev, respectivement premier et troisième du Tour of Oqtosh – Chorvoq – Mountain 1, disputé en mai, d’avoir été tirés par la moto de leur entraîneur lors de ce contre-la-montre en montagne d’une dizaine de kilomètres. Saidov a ainsi gagné l’épreuve avec plus de deux minutes et demie d’avance sur son dauphin, et ce malgré l’absence de référence sur de telles pentes par le passé.

Ces résultats peuvent sembler anecdotiques s’ils n’étaient pas décisifs pour le classement UCI par pays, qui déterminent chaque année le nombre de sélections par nation pour les championnats du monde et tous les quatre ans pour les Jeux Olympiques. Grâce à ces points glanés majoritairement… à domicile, l’Ouzbékistan s’est rapproché du Top 30, qui permet d’obtenir quatre coureurs lors des Mondiaux sur route chez les hommes. Pour les JO, il faut par contre être parmi les 20 premiers pour avoir un·e cycliste en plus à Paris. Ces résultats ont également une implication chez les élites femmes, où l’équipe Tashkent City, poussée par la vétérane Olga Zabelinskaya (âgée de 43 ans et convaincue de dopage à l’octopamine en 2014 et suspendue un an et demi), profite également de ces résultats étranges. Grâce à ces points engrangés dans un classement UCI qui mérite certainement une réforme complète, l’équipe Tashkent City est la deuxième des D2 féminines et bénéficiera, selon le classement actuel, d’une invitation automatique à toutes les courses du WorldTour féminin en 2024. Dont les trois Grands Tours. Et ce malgré un effectif bien plus faible en termes de résultats internationaux que d’autres équipes comme Arkéa, St Michel-Auber 93-Mavic, Team Coop-Hitec Products ou Lifeplus-Wahoo. Mais sur tous ces cas évoqués et révélés par la presse, silence de la part de l’UCI…

Bref, tous ces exemples confirment que si la fédération internationale veut en effet être irréprochable et montrer patte blanche pour rassurer le public, il est temps pour celle-ci de se montrer bien plus prolixe. Si l’UCI travaille bien à faire toute la lumière sur les affaires de dopage et de tricherie du peloton actuel, elle doit également communiquer à ce sujet. Si elle souhaite confirmer son travail pour une plus grande égalité, elle se doit de mettre en place des règles plus claires pour les organisations de ses épreuves. L’organisme d’Aigle a déjà fait de gros efforts sur de nombreux points, notamment pour la promotion du cyclisme féminin, mais il reste encore bon nombre de chantiers auxquels s’attaquer pour éviter que le public se sent floué. Le cyclisme mérite bien mieux que cela.


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