En ce deuxième week-end d’octobre, les fans de vélo en ont eu pour leur passion ! Le Tour de Lombardie, cinquième et dernier monument de la saison ; Paris-Tours, classique automnale qui s’est ravivée avec l’apparition de chemins de vigne sur son parcours ; le record de l’heure de Filippo Ganna, battu de plus d’un kilomètre par l’infatigable rouleur italien ; les débuts de la Coupe du monde de cyclo-cross aux Etats-Unis, malgré une liste des partants peu représentative de ce que sera la suite de la saison dans les labourés ; et donc, la première édition des championnats du monde de gravel, organisée en Vénétie, sur des routes déjà révélées par Pippo Pozzato et sa nouvelle société d’organisation, l’an dernier.
L’évènement a été largement relayé durant cette dernière semaine en raison des listes de partants multipliant la présence d’anciens ou actuels pros de la route. Tiffany Cromwell, Lauren Stephens, chez les femmes, ou encore Nathan Haas, Laurens Ten Dam ou encore Piotr Havik sont certes des connaissances de la route qui ont déjà bifurqué depuis de longs mois sur ces chemins de terre et de sable. Mais chez les hommes, la liste de départ s’est encore allongée avec les présences de nombreux habitués du macadam comme Magnus Cort Nielsen, Lilian Calmejane, Gianni Vermeersch, Alexey Lutsenko, Lawrence Naesen, Filippo Zana, Sacha Modolo, Daniel Oss, Miguel Angel Lopez, Greg Van Avermaet, Zdenek Stybar ou encore… Mathieu Van der Poel, rien que lui. Des inscriptions qui ont fait passer ce championnat du monde comme un critérium de fin de saison, une sorte de dessert pour ceux qui ont enchaîné les kilomètres tout au long de l’année sur des routes bien différentes.
Le gravel attire évidemment, par sa proximité avec la nature, ses chemins d’un autre temps qui demandent technique et prudence, ses règles différentes (tous les vélos sont utilisables, mais les cyclistes doivent terminer leur course sur le même cadre qu’au départ), sa camaraderie, son égalité de traitement entre les hommes et les femmes… Aux États-Unis, les compétitions de gravel commencent à obtenir une attention médiatique importante, confirmant son statut à part dans un pays où le cyclisme sur route a encore du mal à percer, faute de stars capables de réhabiliter un sport usé par des vainqueurs déchus. Les courses de gravel se sont enchaînées, une nouvelle culture cycliste s’est installée, à tel point qu’au Nebraska, des « Gravel Words » (Mondiaux de Gravel) s’organisent chaque année sur plus de 240 kilomètres. « Les Mondiaux de Gravel pour les gens », rappelle d’ailleurs l’organisation, qui souhaite ainsi confirmer que son événement n’a rien à voir avec les championnats du monde organisés le week-end dernier par l’Union Cycliste Internationale. Ici, tout le monde peut s’inscrire, même les amateurs les moins nantis, et à la fin, le meilleur s’impose.
Où sont les Américain·es ?
Cette différence de point de vue a même mené à une sorte de boycott de la part des principaux concurrents américains qui trustent d’habitude les podiums outre-Atlantique. Peu d’entre eux et elles ont fait le voyage jusqu’en Italie, soit par décision claire et nette de faire faux bond à l’UCI, soit par désintérêt, alors que le monde du gravel s’auto-gère très bien sans la fédération internationale de cyclisme. D’ailleurs, ce week-end, pendant que les maillots arc-en-ciel étaient disputés en Vénétie, l’une des manches de la Belgian Waffle Ride, l’une des plus importantes compétitions de gravel organisées aux USA, se tenait à Traverse City, dans le Michigan, avec plusieurs pontes de la discipline, et dans le Colorado, d’autres se disputaient pour leur part la manche inaugurale du Gravel Locos Pueblo. Bref, la communauté n’a pas cessé de vivre malgré la tenue de ces championnats du monde tenus par l’UCI. Ainsi, seules cinq Américaines et cinq Américains étaient au départ des courses destinées aux professionnels… Une aberration quand on connaît l’amour pour le gravel outre-Atlantique.
Autre aberration proposée par l’UCI : l’ancien pro Nicolas Roche a révélé dès le samedi qu’au départ, les cyclistes avec le plus de points UCI… même sur route, avaient la préséance sur les autres concurrents habitués des gravel. Ce qui permettait ainsi à Van der Poel et consorts de se placer en tête. Un avantage certain alors que le premier secteur de gravier a été placé après seulement 500 mètres de course. Et on ne parle même pas des routes non-bloquées par l’organisation, laissant ainsi quelques voitures sur le bord des routes au passage des participants et participantes… Ou encore la décision de proposer un parcours féminin près d’un tiers plus court que le parcours dédié aux hommes (alors que les distances sont égales aux États-Unis).
Bref, ces championnats du monde du gravel, remportés en grande pompe par la Française Pauline Ferrand-Prévot (qui a ainsi enchaîné son quatrième titre mondial en deux mois, après le short-track, le cross-country et le marathon en VTT) et par le Belge Gianni Vermeersch, n’ont pas vraiment marqué les esprits des puristes. Et le grand public n’a pas forcément pu en profiter au vu de la réalisation proposée (difficile de proposer un schéma de multiples caméras sur des chemins aussi étroits) et la couverture médiatique. Bien entendu, les organisateurs américains ne disposent pas de la primauté sur le gravel et l’UCI a ses raisons de proposer des standards pour mettre en avant la discipline au mieux. Mais ce week-end en Vénétie n’a clairement pas aidé les amoureux du gravel. L’UCI a encore manqué une occasion de promouvoir au mieux une nouvelle discipline, en voulant aller trop vite, avec des règles venues d’autres disciplines. Dommage pour le sport. Tant mieux pour la première championne du monde Pauline Ferrand-Prévot et le premier champion du monde Gianni Vermeersch.