J’ai depuis longtemps de mauvaises habitudes sur Twitter. J’essaye de m’en défaire au fil des années, mais ces manies reviennent malheureusement : je ne peux m’empêcher de pointer les défauts, de critiquer, de citer un élément qui m’énerve… Bref, je tweete trop souvent négativement. Un burn-out m’a permis de quelque peu freiner cet usage du réseau à l’oiseau bleu et j’essaye depuis plus d’un an de ne plus suivre que des personnes qui rendent mon flux moins négatif et qui correspondent mieux à mes passions. Et quand je sens que ce flux reste trop négatif, je passe sur ma liste totalement dédiée au cyclisme, cela fait un bien fou.
Ces derniers jours, j’ai essayé de moins réagir aux nouvelles négatives qui pouvaient circuler sur le Tour de France. Je n’ai pas toujours réussi, loin de là, mais j’ai vécu de belles journées devant la télévision à suivre les premières journées de course disputées au Danemark. Car ce que j’y ai vu m’a tout simplement donné le sourire. J’y ai vu autant de belles histoires qui m’ont permis de suivre ce Grand Départ danois avec plaisir, malgré le caractère sportif parfois ennuyeux qui a pu être reproché par certains commentateurs.
Évidemment, j’ai la vie facile du journaliste cycliste de presse écrite : je retranscris après la course ce que j’ai analysé. Je ne dois pas passer trois à cinq heures à meubler devant un micro pour saluer la patience des téléspectateurs présents depuis le début de l’étape devant leur écran. Je ne dois pas inventer des débats et des dossiers pour assurer la transition vers le final plus haletant de l’étape du jour. J’ai donc plutôt profité de la belle réalisation d’Anthony Forestier, en charge du Tour depuis 2020. Des paysages du sud du Danemark, de la foule compacte qui se réunissait tous les kilomètres pour acclamer et saluer le passage des coureurs, des supporters peinturlurés et habillés aux couleurs du Tour, de la folie douce qui accompagnait le peloton sur ces longs kilomètres dans la plaine. Cette euphorie qui rappelle le Grand Départ de Londres en 2007 était belle à voir. Elle a été saluée par tous les coureurs et elle confirme que le cyclisme passionne encore et toujours. Certes, parce que c’est le Tour de France. Mais aussi parce que la communion autour d’une telle course en plein air fait l’unanimité.
J’ai adoré voir cette foule scander le nom de Jonas Vingegaard, de Mads Pedersen et surtout de Magnus Cort, le moustachu qui a mené la course durant près de sept heures, afin de conquérir le maillot à pois et parader avec cette tunique devant un public en délire face à sa star nationale. Selon le directeur sportif (danois) d’EF Education-EasyPost Matti Breschel à Cyclingtips, Magnus Cort avait annoncé seulement annoncé jeudi dernier son objectif de prendre la tête du classement de la montagne du Tour de France. Et durant deux jours, Cort s’est lancé à corps perdu dans cet objectif, d’abord dans un duel face à Sven Erik Bystrøm (Intermarché-Wanty-Gobert) lors de la deuxième étape, puis en solitaire le lendemain. Il y avait six points à empocher sur six côtes différentes : le Danois de 29 ans a tout emporté sur son passage. Originaire de Bornholm, une petite île à plus de 150 kilomètres de Copenhague, Cort a simplement profité du moment : le pouce en l’air devant la caméra, le bras en l’air en franchissant les derniers grands prix de la montagne, le sourire aux lèvres devant la foule en délire… Le Danois sait qu’il ne revivra pas de sitôt une telle expérience, alors autant en profiter. « Cela donne une énergie positive dès le début de la course au sein de l’équipe. Si vous ne réussissez que cela sur le Tour, cela ne veut pas dire que le Tour est réussi, mais cela enlève un peu de pression avant les moments-clés de cette course », résume bien un autre directeur sportif d’EF Education-EasyPost, Charly Wegelius.
Des ondes positives semblaient également flotter sur les lignes d’arrivée de Nyborg et de Sønderborg. Malgré un chauvinisme belge assumé, j’étais heureux de voir les Néerlandais Fabio Jakobsen (Quick-Step Alpha Vinyl) et Dylan Groenewegen (BikeExchange-Jayco) s’imposer coup sur coup sur les deux premières étapes en ligne de ce Tour de France. L’un s’est offert sa première victoire d’étape sur le Tour à seulement 25 ans, et surtout moins de deux ans après sa terrible chute sur le Tour de Pologne qui l’avait mené au coma et une centaine de points de suture au visage. L’autre, qui avait poussé Jakobsen contre les barrières lors de cette fameuse chute du Tour de Pologne, a également mis du temps à se reconstruire, sous le choc après son geste et contraint à rester hors des clous durant un long moment. Trois ans après son dernier Tour, Groenewegen a retrouvé le succès au sprint, soit sa cinquième sur les routes de la Grande Boucle. Deux sprinters bataves unis par un terrible drame, qui ont chacun délivré une émotion particulière sur la ligne d’arrivée. Deux coureurs qui se sont reconstruits pour revenir au plus haut niveau. Et quel niveau.
On espère désormais que la suite de ce Tour de France offre d’aussi belles émotions et que les étapes, sur le plan sportif, soient plus haletantes. Wout van Aert (Jumbo-Visma) en jaune, pourrait être l’un des animateurs de ce retour du Tour dans l’Hexagone. Après ses trois deuxièmes places, il mérite bien un supplément de bonheur après son premier maillot jaune conquis au soir de la deuxième étape. Du positif, c’est ce qu’il faut retenir !