Tout au long de la journée, leur duel était annoncé et tout au long de la journée, les deux hommes se sont regardés, se sont suivis, et ont finalement laissé filer la victoire. Pendant que Wout van Aert (Jumbo-Visma) et Mathieu Van der Poel (Alpecin-Fenix) terminaient en queue du Top 10, Mads Pedersen (Trek-Segafredo) démontrait sa puissance dans les rues de Wevelgem, pour une première grande victoire sur une classique.
Même déplacée en octobre, la classique Gand-Wevelgem n’a rien perdu de son aura et de ses conditions météorologiques. En ouverture d’une campagne flandrienne restreinte, et sans public, en raison de la recrudescence des cas de Covid-19 en Belgique, l’épreuve offrait un plateau particulièrement complet de sprinters et de puncheurs, entre les coureurs capables de jouer sur leur explosivité, d’autres sur leur endurance face au vent, et les derniers sur leur pointe de vitesse pour le final. Car divers éléments sont à prendre en compte pour croire au succès sur les anciens champs de bataille de la Première Guerre Mondiale. Le vent faisait son travail avec la pluie dès les premiers kilomètres, avec des bordures traditionnelles sur cette épreuve qui demande de l’expérience pour passer entre les cassures. Les relais en paravent s’enchaînaient, permettant déjà de faire un premier écrémage entre les leaders et les équipiers en délicatesse avec le souffle d’Éole. Cela ne suffisait toutefois pas faire la décision en vue du final.
Déjà Van Aert contre Van der Poel
De même, dans les Plugstreets, ces chemins empierrés aux abords des champs de bataille, les offensives de Mathieu Van der Poel (Alpecin-Fenix) et Wout van Aert (Jumbo-Visma) marquaient les esprits, mais ne permettaient pas aux deux hommes de prendre les devants, tandis que le très actif Matteo Trentin (CCC), en verve depuis les premières ascensions de la journée, sortait avec un groupe d’attaquants parmi lesquels Mads Pedersen (Trek-Segafredo), Sep Vanmarcke (EF Pro Cycling), Mike Teunissen (Jumbo-Visma) ou encore Stefan Küng (Groupama-FDJ). Ce groupe enchaînait une deuxième ascension du Mont Kemmel, à près de 50 kilomètres de l’arrivée, avec un avantage de près d’une minute, pendant que Van Aert attaquait une nouvelle fois avec Van der Poel dans la roue. Les deux hommes étaient cette fois accompagnés de Kasper Asgreen (Deceuninck-Quick Step), John Degenkolb (Lotto-Soudal), Dylan Teuns (Bahrain-McLaren) et Alberto Bettiol (EF Pro Cycling). Tout semblait encore possible au vu de ces offensives entre puncheurs.
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Deux sprints en un
Dans la dernière montée du Mont Kemmel, l’ensemble des attaquants se retrouvaient ensemble, tandis que Van Aert relançait un contre explosif auquel Van der Poel répondait avec un léger retard. Décidément, les deux hommes se suivaient comme le chat et la souris, sans qu’aucun soit capable de prendre l’avantage. L’offensive en solitaire de Stefan Küng, à la suite de la descente du Mont Kemmel, ne bouleversait pas les favoris qui se retrouvaient à nouveau ensemble pour les dernières chaussées en ligne droite jusqu’à Wevelgem. Le groupe se réduisait toutefois à moins de six kilomètres de l’arrivée suite à une offensive de Bettiol. C’était ensuite au tour de Küng puis de Van der Poel de tenter le démarrage en puissance dans la plaine. Sans succès. Wout van Aert essayait également. Pas mieux. Puis Trentin filait, avec Bettiol et Florian Sénéchal (Deceuninck-Quick Step) dans la roue. Van Aert tentait de revenir, avant de céder un relais à Degenkolb et à Van der Poel, qui refusaient tous les deux de suivre. Pedersen, pour sa part, faisait un premier sprint à 1500 mètres du but pour rejoindre le trio de tête, et lancer ensuite son deuxième sprint dans les 200 derniers mètres pour aller conquérir sa première grande classique, un an après son titre surprise de champion du monde !
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Pedersen : « J’avais des crampes »
« Pourtant, à dix kilomètres de l’arrivée, j’étais criblé de crampes », explique le vainqueur danois au micro de la VRT. « C’est seulement à 150 mètres de la ligne d’arrivée que j’ai cru à la victoire. J’ai parié que Van Aert et Van der Poel allaient tenter de chasser les attaques. Il semblait qu’aucun d’entre eux ne voulait laisser partir l’autre », confirme Pedersen. « Quand le trio est parti à la fin, je sentais qu’il fallait en être. J’ai réussi à accélérer et heureusement, cela s’est bien terminé pour moi. C’était en tout cas une sacrée course. Pluie, soleil puis pluie, c’était magnifique ». Pedersen, déjà deuxième du Tour des Flandres, se place en même temps comme l’un des grands favoris pour dimanche prochain, sur le Ronde. Car au vu de son endurance, le Danois peut surprendre certains coureurs annoncés par les pronostiqueurs.
Van Aert : « Une personne me regardait tout le temps »
Derrière, la bataille se poursuivait par micros interposés entre Wout van Aert et Mathieu Van der Poel, qui ont terminé la course roue dans roue, loin du sprint victorieux. « J’avais de bonnes jambes et je pense que j’étais avec les meilleurs. Mais à la fin, il faut un peu jouer, parier, et je n’ai finalement rien gagné », se désole le coureur belge, clairement parmi les meilleurs sur chaque difficulté du jour. « En fait, il n’y avait qu’une personne qui me regardait tout le temps », ajoute Van Aert, qui désigne ainsi Van der Poel : « Apparemment, il voulait que je perde plutôt que gagner. Il a peut-être oublié que j’ai déjà beaucoup gagné et qu’à un moment aussi, je pouvais jouer. Maintenant, nous n’avons rien gagné tous les deux. J’ai roulé pour gagner cette course mais je n’ai eu aucune liberté. Je suis déçu, car j’étais vraiment bien, j’aurais eu une chance dans le sprint. Mais je ne pouvais pas réagir à toutes les attaques. Et c’était toujours le même qui était dans ma roue ».
Mathieu Van der Poel réagissait sur la VRT à cette réponse de Wout van Aert, s’étonnant des propos de son habituel rival belge. « C’est une réaction bizarre de Wout », confie le champion des Pays-Bas. « Il est l’un des meilleurs coureurs du groupe de tête. Donc s’il part, je dois évidemment réagir. Sinon, on me demandera pourquoi j’ai laissé ce gars s’échapper. Je pense que c’est bas de dire que j’ai roulé pour le faire perdre. Je roule toujours pour gagner. (…) Il est l’un des meilleurs coureurs du monde, et ce n’est qu’une course », relativise-t-il encore. Van der Poel ajoute en outre qu’il était clairement à la limite, et ne pouvait donc revenir sur le groupe parti dans les deux derniers kilomètres. La rivalité entre les deux hommes a en tout cas pris une nouvelle dimension à l’occasion de cette campagne automnale, et risque d’être encore plus prononcée dimanche prochain sur le Tour des Flandres, où la tactique sera également importante.
Résultats de la 82e édition masculine de Gand-Wevelgem in Flanders Fields (Ypres > Wevelgem, 233 km) :
- Mads Pedersen (Dan, Trek-Segafredo) en 5h19:20
- Florian Sénéchal (Fra, Deceuninck-Quick Step)
- Matteo Trentin (Ita, CCC Team)
- Alberto Bettiol (Ita, EF Pro Cycling) à 0:01
- Stefan Küng (Sui, Groupama-FDJ) à 0:03
- John Degenkolb (All, Lotto-Soudal) à 0:04
- Yves Lampaert (Bel, Deceuninck-Quick Step)
- Wout van Aert (Bel, Team Jumbo-Visma) à 0:07
- Mathieu Van der Poel (P-B, Alpecin-Fenix) à 0:08
- Dylan Teuns (Bel, Bahrain-McLaren) à 1:40
…
13. Florian Vermeersch (Bel, Lotto-Soudal) à 1:56
14. Oliver Naesen (Bel, Ag2r-La Mondiale) à 2:04
17. Sep Vanmarcke (Bel, EF Pro Cycling) à 2:06
23. Amaury Capiot (Bel, Sport Vlaanderen-Baloise) à 3:02
26. Frederik Frison (Bel, Lotto-Soudal)
27. Tim Merlier (Bel, Alpecin-Fenix)
30. Gianni Vermeersch (Bel, Alpecin-Fenix)
32. Gijs Van Hoecke (Bel, CCC Team)
33. Brent Van Moer (Bel, Lotto-Soudal)
34. Lawrence Naesen (Bel, Ag2r-La Mondiale)
37. Jens Debusschere (Bel, B&B Hôtels-Vital Concept)
38. Jasper Stuyven (Bel, Trek-Segafredo)
47. Jasper Philipsen (Bel, UAE Team Emirates) à 3:15
48. Tom Van Asbroeck (Bel, Israel Start-up Nation) à 6:11
49. Jonas Rickaert (Bel, Alpecin-Fenix)
Photo : capture Sporza/VRT
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