Le regard d’Eddy Merckx sur la couverture, déterminé comme souvent, semble pousser vers l’horizon. Comme une confirmation que l’avenir du cyclisme belge est encore au loin, qu’il ne s’arrêtera pas aux performances du sportif belge du siècle. Le peloton belge est effectivement plus large que cette figure éternelle, l’homme aux 525 victoires (c’est ce que la légende dit en tout cas, plus personne n’a compté depuis lors). François Brabant et Quentin Jardon ont joué les archéologues de la Petite reine pour déterrer les histoires, petites et grandes, qui ont façonné cette histoire cycliste teintée de noir-jaune-rouge.
Les stars de la discipline étaient effectivement déjà belges au début du XXe siècle, bien avant qu’Eddy Merckx, Tom Boonen et autre Wout van Aert fassent une OPA sur les couvertures du plat pays. Les auteurs de cet ouvrage ont voyagé à Remouchamps, Florennes, Deux-Acren, Audenarde, Roulers ou encore Bruxelles, en neuf escales, pour débroussailler cette histoire souvent méconnue. On redécouvre ainsi la domination des Belges à la sortie de la Première Guerre mondiale, lorsque les mineurs, ouvriers et autres livreurs wallons et bruxellois qu’étaient Philippe Thys, Firmin Lambot, Léon Scieur menaient la vie dure aux Français dans les années 1920. Les archives sont rares, les écrits restent heureusement pour rapporter les performances d’une époque où le dérailleur et les freins à disque étaient de la science-fiction.
Au fil de cette balade belge, on se remémore les exploits de l’ancien champion du monde Claudy Criquielion, disparu trop tôt en 2015 ; on redécouvre les blessures vivaces de Johan Museeuw, tant dans la chair que dans son opinion personnelle ; on s’interroge sur les abus de Johan Bruyneel et ses explications délivrées en une longue interview parfois lunaire ; on ouvre déjà la boîte aux souvenirs de l’un des plus anciens managers du peloton contemporain, Patrick Lefevere.
Même au-delà des frontières belges
Les auteurs, qui se partagent entre récits et interviews des protagonistes ou de leurs proches, se permettent également un arrêt en France pour découvrir l’un de nos voisins désireux de lancer sa carrière professionnelle en Belgique, un certain Guillaume Martin, aujourd’hui leader confirmé chez Cofidis, mais aussi philosophe et auteur entre deux stages sur la Costa Blanca. Le voyage emmène aussi les lecteurs en Colombie avec Giovanni Jimenez, l’un des premiers cyclistes de ce pays sud-américain à tracer son propre sillon en Europe, dans les années 60 et 70, bien avant les révélations colombiennes de la décennie suivante. Avant un détour par le Qatar, et ses relations particulières avec l’organisateur du Tour de France et un certain… Eddy Merckx.
Le fil des histoires rapporte toute la richesse culturelle du cyclisme en Belgique, qui se révèle même au-delà des frontières. Le format donne l’espoir d’un deuxième tome. Avec cette fois une histoire plus complète encore, rappelant l’essor du cyclisme féminin, bien avant le succès actuel de Lotte Kopecky.
- « Le siècle des coureurs : histoires intimes du cyclisme belge » par François Brabant et Quentin Jardon, un livre sorti en 2022 aux éditions Weyrich, 262 pages.
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