« Remco Evenepoel hospitalisé après un accident à l’entraînement » : le titre, seul, a fait craindre le pire à de nombreux supporters du double champion olympique sur route. La photo d’un cycliste le bras en écharpe, assis sur une civière, a au moins rassuré une partie d’entre eux. Celle de son vélo, le cadre brisé en deux, a pu avoir l’effet inverse pour d’autres, illustrant la violence du choc.
L’enquête autour de l’accident est toujours en cours, mais les premiers témoignages confirment ce qui était annoncé en premier lieu : alors qu’il s’entraînait sur ses routes d’entraînement à Oetingen, non loin de son domicile belge, Remco Evenepoel n’a pu éviter l’ouverture d’une portière d’une camionnette de bpost devant lui. Résultat : fractures d’une côte, de l’omoplate et de la main sur son flanc droit, ainsi qu’une contusion pulmonaire et une luxation de la clavicule droite.
Double Olympic Champ, Remco Evenepoel involved in an accident this morning. Taken to hospital.
— Brian Smith (@brismithy.bsky.social) 3 décembre 2024 à 12:42
Patrick Lefevere, manager de Soudal Quick-Step, ose espérer le retour de son poulain sur un vélo (d’intérieur) dans deux semaines à peine. Il sera surtout important pour Evenepoel de reprendre dès que son corps le permettra à 100%, afin d’éviter le même rush qu’au printemps dernier. Le coureur belge avait certes réussi un incroyable été, avec une troisième place sur le Tour de France ainsi qu’une victoire d’étape, et deux titres olympiques coup sur coup. L’accident ne remet heureusement pas en question ses objectifs en 2025, des classiques ardennaises d’avril au Tour de France, en juillet.
Pas la seule victime cette année
Cet accident de Remco Evenepoel rappelle cependant la fragilité de ces cyclistes dès qu’ils sont sur route ouverte, hors des compétitions. Les accidents impliquant un·e cycliste et un·e automobiliste sont malheureusement devenus monnaie courante. Rien que cette année, Lennert Van Eetvelt, Pieter Serry, Luka Mezgec… ont également dû faire une croix sur une partie de leur saison en raison d’un tel accident à l’entraînement, à divers degrés.
L’explication simpliste serait de blâmer ces sportives et sportifs fonçant tête baissée sur leur machine lors de ces entraînements. Certains ont d’ailleurs remis en question l’utilisation des vélos de contre-la-montre sur route ouverte, après l’accident qui a failli coûter la vie à Egan Bernal en 2022, en Colombie. Rouler à plus de 40 km/h dans un peloton, protégé par des stewards et autres motards, représente évidemment un danger moindre qu’à la même vitesse sur des routes du quotidien entre les véhicules de la vie courante. L’attention doit être décuplée pour éviter les dangers et pour éviter de se mettre en danger. Rouler sur les pistes cyclables, annoncer ses changements de direction, privilégier les routes moins encombrées, cela semble évident. Mais le danger s’immisce partout.
Un blessé grave de la route sur deux, en Belgique, est un·e cycliste
Comme le rappelle l’institut belge pour la sécurité routière Vias, le nombre de cyclistes grièvement blessés en Belgique ne cesse de grimper, malgré un nombre global de blessés dans la circulation en baisse ces dix dernières années. Près d’un blessé grave sur deux est un·e cycliste, rappelle Vias, alors que cette part n’était que de 37% en 2016. Une autre étude du Vias sur les causes des accidents impliquant un cycliste démontre que de bonnes infrastructures cyclables seraient déjà une solution pour réduire le nombre de ces faits, même si les facteurs humains jouent encore un rôle important dans ces accidents. Il est rappelé aux automobilistes de bien vérifier à céder les priorités et à établir un contact visuel avec les usagers faibles et aux cyclistes à ne pas toujours penser qu’ils sont « vus » et à respecter les règles de priorité.
Concernant le cas particulier de Remco Evenepoel, Vias a calculé que 339 personnes ont été victimes en Belgique de blessures à la suite de coups de portières en 2023, représentant jusqu’à 6% des accidents impliquant un cycliste dans la seule Région bruxelloise. Les organisations de sécurité routière n’ont de cesse d’appeler les autorités à éduquer autour de l’ouverture de la portière à la hollandaise, c’est-à-dire avec la main droite plutôt qu’avec la main gauche afin de forcer l’automobiliste à regarder derrière soi ou dans son rétroviseur en cas d’arrivée d’un·e cycliste sur la gauche du véhicule. Le Parlement bruxellois a récemment approuvé que ce geste soit inclus dans les prochains modules d’apprentissage du code de la route.
Des circuits pour cyclistes ?
Comme l’a expliqué l’ancien manager sportif et actuel responsable du projet de l’équipe de jeunes Team Wilink-Brussels Cycling Team Gérard Bulens dans La Tête dans le Guidon en 2021, il est compréhensible pour les parents de ne pas laisser leurs enfants s’entraîner face à de tels dangers. Cela explique en partie le succès des compétitions amateurs de cyclo-cross, sur des circuits fermés, loin des routes. Les circuits pour cyclistes, comme le centre du cyclisme de Tom Dumoulin à Sittard-Geleen, dans le Limbourg néerlandais, ou le col du VAM, dans la province de Drenthe, sont justement des idées innovantes à envisager dans bien d’autres endroits pour permettre aux cyclistes sportives et sportifs de s’entraîner dans des conditions bien plus sûres.
Mais il s’agira de pansements bien peu efficaces face au problème global de la cohabitation entre les différents modes de transport sur la voie publique. Cela demande une réflexion sociétale générale et une volonté politique d’améliorer cette sécurité routière. Malheureusement pour les cyclistes, cette volonté reste encore timide, du moins pour une meilleure harmonie sur les routes. Evenepoel en a lui-même fait les frais, heureusement avec des dégâts limités. D’autres n’ont pas eu cette chance. Il reste à espérer que ce cas médiatique permette de faire bouger les lignes parmi les têtes dirigeantes et dans la population en général.