L’hiver est à nos portes. Et alors que certains bataillent dans les labourés pour conquérir les cœurs des supporters tassés dans la boue une après-midi durant, d’autres préfèrent s’en tenir à l’exercice en intérieur. On l’oublie souvent, mais le cyclisme sur piste a longtemps été cantonné aux hivers rugueux. L’anneau a largement été plébiscité à la deuxième moitié du XXe siècle en tant que discipline idéale de préparation à la prochaine saison. Pour éviter les kilos en trop et garder le mollet saillant, autant enchaîner les tours de piste lors des célèbres compétitions de Six Jours, ces soirées de fête durant lesquelles les pistards se font la guerre à coup de secondes et de points. Ces soirées étaient des événements, tant pour les joyeusetés orchestrées par les supporters en manque de boissons fraîches que pour les sportifs qui se disputaient un classement général mathématiquement complexe, calculé grâce à une multitude d’épreuves aussi courtes qu’intenses, de la course aux points au sprint en passant par la course à l’élimination.
Des Six Jours à la Ligue des Champions
Les Six Jours n’ont plus autant la cote de nos jours, les pistards ont longtemps abandonné la route (ou les routiers ont longtemps abandonné la piste, c’est selon). Quelques épreuves irréductibles survivent encore comme les Six Jours de Gand, dans le célèbre ‘t Kuipje, qui célèbreront leurs cent ans dès ce mardi. Et pour le reste, les seules compétitions encore télévisées restaient jusqu’ici les grands championnats et les Jeux Olympiques. Sans plus.
Discovery, le groupe derrière les chaînes de télévision Eurosport et le média cycliste GCN, a bouleversé ces traditions avec la création dès l’hiver 2021-2022 de la Track Champions League. Une Ligue des Champions réunissant les meilleur(e)s pistard(e)s de la planète durant cinq manches aux quatre coins de l’Europe. Le tout sous l’égide de l’Union Cycliste Internationale, toujours opérationnelle pour mettre en avant une discipline si un partenariat rentable est à la clé. C’était le cas avec Flanders Classics pour la Coupe du monde de cyclo-cross (et auparavant avec le groupe belge de telecom Telenet), alors pourquoi pas tenter l’expérience avec un autre groupe de médias ?
Le principe de cette Ligue des Champions est simple : rassembler les meilleur(e)s sur les épreuves les plus intenses de la piste. Adieu la poursuite, la course aux points ou l’omnium, trop longs et trop compliqués à expliquer. Il faut des courses simples et rapides. Alors, les compétitions sont divisées en deux groupes : endurance et sprint, selon les deux grands types de pistard(e)s. Et dans ces groupes, deux épreuves sont disputées : la vitesse individuelle et le keirin pour les spécialistes du sprint, le scratch et la course à l’élimination pour les spécialistes de l’endurance. Et à chaque fois, les 15 premier(e)s remportent des points qui seront additionnés dans un classement général. Et le premier de ce classement au bout des cinq manches disputées en seulement quatre week-ends (de début novembre à début décembre) obtient le titre de champion(ne).
Un nouveau public ?
Le format, chaque fois limité à une seule soirée de moins de trois heures, est parfait pour la télévision et pour le format court que Discovery veut ainsi implanter. De telles courses sont plus stressantes, proposent plus de séquences détonantes à diffuser puis partager sur les réseaux sociaux. S’assurer la présence des meilleur(e)s de leur discipline permet également de mettre en avant l’exclusivité de cet événement. Le cyclisme sur piste reste encore méconnu, alors autant mettre en avant ces atouts pour confirmer que l’UCI Track Champions League est digne d’un Tour de France de la piste. Ajoutez des shows lumières, des incrustations partout, des données et caméras embarquées en temps réel… Et voici un produit contemporain qui devrait séduire les nouvelles générations.
L’idée est en tout cas intéressante sur papier. Et la diffusion proposée se veut alléchante. Mais tant que fan de cyclisme, j’avoue ne pas encore voir de grande différence entre un tel produit et un championnat du monde sur piste, qui se voulait cette année très haletant, avec l’arrivée de nouvelles têtes au sommet, à l’aube des prochains Jeux Olympiques de Paris. Évidemment, la Track Champions League veut attirer un nouveau public, ce que je ne suis pas. Mais autour de cette innovation hivernale, j’ai l’impression de n’y voir qu’un vernis posé sur un sport traditionnel, dont il est difficile d’ajouter un semblant de nouveauté. Alors, Discovery doit encore persévérer, trouver comment ajouter du piment à cette Ligue des Champions pour éviter un projet bis de Coupe du monde. Et cela passera par des étapes sportives, plus que technologiques. Car ce n’est pas avec l’idée d’une piste dans le Metaverse que le groupe Discovery va attirer un public nombreux…