Le gravel, retour à la nature ou nouvelle discipline à part entière ?

Venu des États-Unis, le gravel est encore méconnu du grand public cycliste. Mais le monde professionnel se tourne désormais vers ces longues randonnées sur des routes d’un autre temps.
Gravel 19 Golazo - Grégory Ienco - Photo Sportograf

Venu des États-Unis, le gravel est une discipline encore méconnue du grand public cycliste. Les habitués pointeront l’aspect aventurier et bon enfant du sport. D’autres avoueront une incompréhension face à ce qui ressemble à du cyclisme sur route sur quelques cailloux. Le monde professionnel se tourne pourtant bien vers ces longues randonnées sur des routes d’un autre temps.

Ce dimanche, Remco Evenepoel a repris sa monture seulement deux semaines après sa fin de saison actée sur le Chrono des Nations. Le Brabançon avait annoncé la nécessité de faire une pause après une dernière année intense, de sa rééducation jusqu’à son retour sur la plus haute marche des podiums. Et le voici quinze jours après son dernier dossard sur son vélo, prêt à affronter une course de près de 110 kilomètres et 1 800 mètres de dénivelé sur les plateaux du Kansas. Oui mais pas n’importe quelle course : la finale de la Belgian Waffle Ride, un challenge américain de quatre épreuves dites de “gravel”, cette discipline imaginée aux États-Unis et qui dépasse désormais largement ces frontières.

Car malgré la distance et le profil présentés, ces courses n’ont pas le même caractère que les épreuves sur route. Il y a évidemment un classement, une compétition sportive qui peut mener à un sprint jusqu’au dernier mètre, un podium, des célébrations pour les vainqueurs… Mais l’état d’esprit autour de ces courses est bien différent. Car aucune fédération n’entoure officiellement ces épreuves jusqu’ici. Ce sont avant tout des organisateurs indépendants qui font vivre la discipline outre-Atlantique. Avec des compétitions imaginées sur des chemins bien différents de ceux qui étaient jusqu’ici empruntés. L’objectif est de s’offrir un écrin de liberté et de profiter de toutes les routes proposées au-delà des chemins déjà établis sur le macadam, pour profiter de la nature environnante, dans son ensemble.

Au départ, à l’arrivée, aux ravitaillements, la solidarité et le plaisir du partage sont maîtres. L’ambiance bon enfant participe à la popularité d’une compétition qui se veut hors des sentiers trustés par les véhicules motorisés. Ces chemins peuvent être bosselés, mais ils n’ont pas non plus la difficulté de chemins de VTT, dont les épreuves de cross-country se déroulent sur des circuits techniques et souvent courts (à tel point que l’UCI a mis en place des épreuves encore plus courtes pour le produit télévisuel). Pour le gravel, disputé sur des cadres similaires à ce qui se fait en cyclo-cross, les pneus sont plus larges avec des sections autour de 40 mm contre près de 33 pour le cyclo-cross et 25 pour la route. Ce qui offre plus d’adhérence et de confort sur ces routes destinées à la découverte.

Ten Dam, Boswell, Stetina…

Tous ces arguments ont aujourd’hui mené de nombreux anciens cyclistes professionnels à la poursuite de leur carrière cycliste sur ces terrains inexplorés, en même temps qu’un circuit officieux de compétitions de gravel se met en place aux États-Unis entre les quatre manches de la Belgian Waffle Ride, l’Unbound Gravel, l’Oregon Trail Gravel Grinder, Barry Roubaix (vous remarquerez les jeux de mots)… La plupart se déroulant dans le Midwest américain, où les champs de plusieurs hectares peuvent être séparés de kilomètres de chemins sans le moindre obstacle. Peter Stetina, Laurens Ten Dam, Ian Boswell, Paul Voss,… ont décidé de quitter la route pour mieux rebondir sur ces chemins de gravier. Ten Dam s’est même décidé à exporter le concept avec le récent Flanders Gravel, organisé autour des côtes du Tour des Flandres à Audenarde.

Et les actuels pros commencent donc à se tourner vers cette discipline plus libre. Remco Evenepoel et son équipier italien Mattia Cattaneo ont disputé ce dimanche au Kansas la dernière épreuve du Belgian Waffle Ride, avec une 6e et une 8e place finales, et surtout un large sourire affiché à l’arrivée. “Cette année, nous sommes là pour profiter. Peut-être que l’année prochaine, nous viendrons pour la compétition”, confirme le Brabançon, visiblement ravi de cette expérience américaine, loin de l’habituelle pression de la route. Et il a raison de tenter ces nouveaux horizons. Car en Europe aussi, le gravel s’annonce. Entre le Tour de Vénétie et la Veneto Classic, deux nouvelles épreuves créées cette saison en Vénétie à l’initiative de l’ex-pro Filippo Pozzato, l’ancien vainqueur de Milan-Sanremo a créé une trilogie avec la première édition de la Serenissima Gravel, sur les chemins de gravier de la région, au bord des canaux et des montagnes. Alexey Lutsenko s’y est montré le plus fort, au bout d’une épreuve signalée par la plupart des participants comme une grande réussite.


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Un arc-en-ciel en vue

Ces courses destinées aux professionnels attisent désormais la curiosité de l’Union Cycliste Internationale. Cela fait deux ans que l’UCI confirme réfléchir à un cadre autour des compétitions de gravel. La fédération a poussé la réflexion plus loin en proposant dès l’année prochaine un nouveau circuit mis en place par l’organisateur flamand Golazo, composé de plusieurs épreuves internationales de gravel. Ce circuit servira à la qualification des meilleurs coureurs de la saison pour des premiers championnats du monde de gravel annoncés en 2022. À l’image des championnats du monde de Gran Fondo (ou destiné aux cyclosportifs), déjà lancés depuis la dernière décennie par l’UCI.

L’initiative est intéressante, si cela permet d’améliorer l’organisation de ces épreuves. Elle l’est moins s’il s’agit de professionnaliser une discipline qui cherche justement à s’affranchir des habituels codes de la compétition cycliste. Une telle compétition annonce un règlement plus fermé, avec des restrictions en termes techniques notamment. Certains habitués du gravel estiment que ce circuit proposé par l’UCI pourrait vivre en parallèle des compétitions déjà existantes, sans empiéter sur cet esprit initié aux USA. D’autres s’inquiètent d’une cannibalisation de la part de l’UCI, et souhaitent plutôt rester dans un modèle plus indépendant, loin des limites proposées par une telle structure.

La popularité grandissante du gravel, tant aux États-Unis qu’en Europe, confirme que le cyclisme a sans cesse besoin de se renouveler. Avec toutefois un même désir pour chacun : le plaisir de découvrir en pédalant, le plaisir de rouler et de se dépasser, le plaisir de partager avec d’autres sportifs, le plaisir d’aller toujours plus loin, propulsé par ses jambes. Le gravel propose aujourd’hui cette possibilité sans certaines contraintes de la route (notamment concernant la sécurité routière), il serait dommage de canaliser cet élan pour une question de contrôle.

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Photo : Sportograf

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