Roglic, Pogacar, Vansevenant… : les leçons à retenir du Tour du Pays Basque 2021

Primoz Roglic a bouleversé le Tour du Pays Basque en une étape face à Tadej Pogacar, pendant que Mauri Vansevenant se dévoile encore une fois.
Primoz Roglic David Gaudu - Arrivée 6e étape Tour du Pays Basque 2021 - Capture Eurosport

Le Tour du Pays Basque s’est joué sur des descentes. Cela paraît étonnant, mais sur cette 60e édition de l’épreuve espagnole la plus pentue du calendrier, les descentes techniques du Pays Basque ont eu autant d’impact que les murs abrupts cette semaine. Et si l’équipe UAE Team Emirates de Tadej Pogacar et de Brandon McNulty a failli frapper fort par ses offensives, Primoz Roglic et ses équipiers de Jumbo-Visma ont eu même réalisé une course parfaite dans la sixième et dernière étape pour s’offrir une revanche salvatrice après le fiasco de Paris-Nice.

La revanche de Roglic

Son autoritaire ascension du Parc Extebarria sur le contre-la-montre inaugural de ce Tour du Pays Basque avait déjà donné le ton. Parti dans les tous premiers, Primoz Roglic (Jumbo-Visma) souhaitait asseoir dès le premier kilomètre sa domination sur le classement général. Le Slovène pouvait même se targuer d’être longuement accompagné de ses équipiers scandinaves, le Danois Jonas Vingegaard et le Norvégien Tobias Foss sur le podium. Au bout de cette première journée de course, une tendance se dessinait : le duel entre les Jumbo-Visma de Roglic (1er, 3e et 4e) et les UAE Team Emirates de Tadej Pogacar (2e et 5e) allait animer l’ensemble de cette semaine au Pays Basque.

Le duel se confirmait sur les pentes de la montée abrupte (jusqu’à 20%) d’Ermualde, dans le final de la troisième étape, avec Roglic et Pogacar se livrant un sprint jusqu’au dernier virage. La deuxième manche allait à l’avantage du cadet des Slovènes. Le lendemain, l’équipe UAE Team Emirates réitérait, non pas pour la victoire d’étape, mais au classement général. Les commentateurs en direct s’interrogeaient : Primoz Roglic allait perdre son maillot jaune dans la descente vers Hondarribia s’il décidait de laisser filer l’échappée qui se dessinait autour de l’Américain Brandon McNulty. Et c’est ce qui se passait : McNulty, l’équipier de Pogacar, terminait troisième de l’étape devant Vingegaard, l’équipier de Roglic, et prenait ainsi la tête du général. «On ne peut pas tout contrôler et pour nous, une situation comme celle-ci est également bonne en vue de la grande étape de samedi», expliquait en substance le directeur sportif de Jumbo-Visma Grischa Niermann, confirmant qu’il avait été décidé de désormais reporter la pression sur l’équipe UAE Team Emirates.

La dernière étape vers Arrate, avec ses six murs à enchaîner en moins de 110 kilomètres, attirait tous les regards. Et pour une fois, l’équipe Jumbo-Visma se contentait de rester en retrait. Jusqu’à l’attaque des Astana dans la descente de l’Elosua-Gorla, à plus de 66 kilomètres de l’arrivée. Les Jumbo-Visma jouaient alors une partition parfaite : Roglic se glissait dans la roue des «bleus ciel» avec Sam Oomen, pendant que Vingegaard se faisait discret derrière Pogacar et McNulty, pris au piège dans la descente la plus longue et technique de la journée. Et dans les 50 derniers kilomètres autour d’Arrate, le duel se résumait à cette partie de manivelles entre Roglic décidé à jouer sa carte jusqu’au bout et Pogacar, d’abord bloqué comme équipier de luxe de McNulty avant de devoir se débrouiller seul, au sein de son équipe et même au sein du groupe de poursuivants, agrippé à sa selle…

Après sa mésaventure de Paris-Nice et la perte du maillot jaune lors de la dernière étape sur une double chute, Primoz Roglic contrôlait cette fois chaque aspect de cette ultime journée de course. «C’est une étape piégeuse. Je suis là avec de jeunes coureurs, donc on veut juste s’amuser», rigolait-il avant le départ. Trois heures plus tard, il pouvait encore avoir le sourire. S’il semblait en légère difficulté dans les derniers «repechos» menant à la montée finale, le Slovène montrait sur son retour sur David Gaudu qu’il avait encore de l’énergie pour conclure. «C’était un grand Roglic, qui a été seigneur de me laisser la victoire, lui s’offrant ainsi le général», réagissait David Gaudu à l’arrivée, quelques minutes après avoir vérifié avec un dernier «check» du poing avec Roglic si le deal était bien scellé. Au Français l’étape, au Slovène le général, trois ans après sa première victoire au Pays Basque.

Primoz Roglic s’offre ainsi sa première course par étapes de la saison. «Quelle course, hein ! C’était court et bon. On aurait pu avoir une longue journée ennuyeuse de 200 bornes, mais non, c’était 100 km à bloc», rigolait le Slovène, chapeau basque sur la tête, à l’arrivée. «C’était très dur, mais au final, la course s’est très bien passée pour nous. Je suis juste heureux car c’est une course super dure. Je me suis amusé dès la première journée, et avec cette équipe jeune, on a vu qu’ils étaient super forts». Car l’équipe Jumbo-Visma a confirmé en prime lors de cette semaine que Jonas Vingegaard, Sam Oomen ou Antwan Tolhoek peuvent également jouer les équipiers de luxe tout en menant la vie dure aux leaders en montagne. Un sacré soutien pour les prochaines courses par étapes.

Pogacar prend une leçon

S’il avait déjà pris une demi-minute de retard dès le contre-la-montre inaugural, Tadej Pogacar affichait ses ambitions dès le lendemain, jouant le sprint du peloton derrière Alex Aranburu, pour récupérer quelques secondes de bonification et grappiller au classement général. Le lendemain, il menait le meilleur sprint face à Roglic. Avant de céder la carte du maillot jaune à son équipier américain, mieux placé, Brandon McNulty. Et la machine s’est enrayé.

Tadej Pogacar s’est retrouvé piégé par l’attaque des Astana dans la dernière étape. Contraint de jouer l’équipier-modèle pour Brandon McNulty, le Slovène a déjà usé une bonne dose d’énergie dans cette poursuite. Et l’arrivée de Marc Hirschi dans la vallée pour une dizaine de kilomètres de relais n’a pas permis aux coureurs d’UAE Team Emirates de refaire les 15, 20 puis 30 secondes les séparant du peloton de tête avec Roglic. “On espérait évidemment autre chose aujourd’hui. On a contrôlé la course puis Astana a lancé une offensive, et un trou s’est formé à cause d’un coureur d’INEOS. Après, c’était trop tard. On a essayé avec Marc (Hirschi) de rentrer, mais on arrivait ensuite sur la côte la plus raide de la journée, ce qui ne convenait pas vraiment à Brandon (McNulty)”, rapporte Pogacar.

Cela s’est confirmé à une quarantaine de kilomètres de l’arrivée : McNulty lâchait prise dans les plus forts pourcentages, Pogacar l’accompagnait un temps avant d’obtenir l’autorisation par sa radio de faire sa propre course, sans le maillot jaune sur le porte-bagages. Le Slovène allait alors se dépenser sans compter, enchaînant relais ou offensive dans un groupe de poursuivants qui décidait de ne quasiment jamais collaborer avec l’homme le plus dangereux en montagne. «Je me suis battu jusqu’au dernier mètre», affirme le Slovène de 22 ans, sans grande déception derrière le masque. «C’est le cyclisme. On a essayé du mieux qu’on a pu».

Astana à l’offensive

D’autres équipes ont marqué cette semaine sur les hauteurs basques. À commencer par celle qui a animé quasiment chaque étape jusqu’à Arrate : Astana-Premier Tech. La formation kazakhe avait une carte sur chaque course. Cela a démarré dès la 2e étape vers Sestao avec une descente folle d’Alex Aranburu pour aller conquérir son premier succès sur le circuit WorldTour. Sur la 4e étape, le vainqueur sortant du Tour du Pays Basque Ion Izagirre réalisait un sprint au millimètre pour grossir son palmarès, après avoir initié l’offensive gagnante menant au maillot jaune de Brandon McNulty. Et sur cette dernière étape, les hommes en bleu ciel ont provoqué la cassure permettant à Primoz Roglic d’enquiller le maillot jaune. Certes, Izagirre n’a pu accompagner les meilleurs, mais cette attitude offensive a au moins permis deux succès d’étape de prestige.

Alors que l’équipe Deceuninck-Quick Step a brillé sur la 5e étape grâce au rouleur tchèque Josef Cerny et au puncheur danois Mikkel Honoré, qui ont réussi un doublé inédit sur ces routes basques. Par contre, la formation INEOS Grenadiers d’Adam Yates n’a pu compter que sur son leader britannique, moins fringuant sur ces routes raides qu’en Catalogne, et sur l’esprit offensif de Richard Carapaz. De même, la Bora-Hansgrohe a fait figure d’épouvantail en début de semaine, avant de connaître une fin de course désastreuse, entre l’abandon de Wilco Kelderman et les absences de Maximilian Schachmann, tout de même vainqueur de Paris-Nice, et Emanuel Buchmann sur la dernière étape.

Vansevenant fait sensation

Les coureurs belges n’ont pas trouvé la victoire sur ce terrain des plus vallonnés. Certains d’entre eux ont toutefois confirmé leur potentiel. Quinten Hermans (Intermarché-Wanty-Gobert) faisait ses premiers tours de roue sur route au Pays Basque et y a montré son esprit offensif, avec une 9e place à Hondarribia et une 6e place au classement de la montagne final. Ilan Van Wilder (Team DSM) a longtemps joué les premiers rôles en montagne, enchaînant quatre Top 20 sur les premières étapes du Tour du Pays Basque. Avant de connaître une journée sans lors de cette sixième et dernière étape vers Arrate. À 20 ans, le jeune coureur brabançon continue d’apprendre.

À peine âgé de 21 ans, Mauri Vansevenant (Deceuninck-Quick Step) a pour sa part crevé l’écran. Le coureur ostendais a confirmé sa grande forme du moment (victoire sur le GP de Larciano en mars), en s’offrant une neuvième place sur la seule arrivée au sommet de la semaine, à Laudio, puis une dixième place sur l’ultime étape vers Arrate, non sans avoir longtemps tenu la roue du groupe Pogacar durant un long moment. Vansevenant termine onzième du classement général pour sa première course par étapes du WorldTour, face à un peloton international costaud. Puncheur-grimpeur, le coureur belge risque bien de faire encore parler son explosivité et son endurance sur les prochaines classiques ardennaises.

Résultats de la 1re étape (Bilbao > Bilbao, 13.89 km – CLM individuel) :

  1. Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma) en 17:17
  2. Brandon McNulty (USA, UAE Team Emirates) à 0:02
  3. Jonas Vingegaard (Dan, Team Jumbo-Visma) à 0:18
  4. Tobias Foss (Nor, Team Jumbo-Visma) à 0:24
  5. Tadej Pogacar (Slo, UAE Team Emirates) à 0:28
  6. Adam Yates (G-B, INEOS Grenadiers)
  7. Patrick Bevin (Nzl, Israel Start-up Nation)
  8. Ide Schelling (P-B, Bora-Hansgrohe) à 0:29
  9. Alex Aranburu (Esp, Astana-Premier Tech) à 0:30
  10. Maximilian Schachmann (All, Bora-Hansgrohe) à 0:31

Résultats de la 2e étape (Zalla > Sestao, 154.8 km) :

  1. Alex Aranburu (Esp, Astana-Premier Tech) en 3h45:32
  2. Omar Fraile (Esp, Astana-Premier Tech) à 0:15
  3. Tadej Pogacar (Slo, UAE Team Emirates)
  4. David Gaudu (Fra, Groupama-FDJ)
  5. Michael Woods (Can, Israel Start-up Nation)
  6. Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma)
  7. Maximilian Schachmann (All, Bora-Hansgrohe)
  8. Mikel Landa (Esp, Bahrain Victorious)
  9. Sergio Higuita (Col, EF Education-Nippo)
  10. Alejandro Valverde (Esp, Movistar Team)

Résultats de la 3e étape (Amurrio > Ermualde, 167.7 km) :

  1. Tadej Pogacar (Slo, UAE Team Emirates) en 4h04:50
  2. Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma)
  3. Alejandro Valverde (Esp, Movistar Team) à 0:05
  4. Adam Yates (G-B, INEOS Grenadiers)
  5. Mikel Landa (Esp, Bahrain Victorious)
  6. David Gaudu (Fra, Groupama-FDJ) à 0:08
  7. James Knox (G-B, Deceuninck-Quick Step) à 0:16
  8. Jonas Vingegaard (Dan, Team Jumbo-Visma)
  9. Mauri Vansevenant (Bel, Deceuninck-Quick Step)
  10. Brandon McNulty (USA, UAE Team Emirates) à 0:18

Résultats de la 4e étape (Vitoria-Gasteiz > Hondarribia, 189.2 km) :

  1. Ion Izagirre (Esp, Astana-Premier Tech) en 4h17:07
  2. Pello Bilbao (Esp, Bahrain Victorious)
  3. Brandon McNulty (USA, UAE Team Emirates)
  4. Jonas Vingegaard (Dan, Team Jumbo-Visma)
  5. Emanuel Buchmann (All, Bora-Hansgrohe)
  6. Esteban Chaves (Col, Team BikeExchange) à 0:02
  7. Patrick Bevin (Nzl, Israel Start-up Nation) à 0:49
  8. James Knox (G-B, Deceuninck-Quick Step)
  9. Quinten Hermans (Bel, Intermarché-Wanty-Gobert Matériaux)
  10. Alejandro Valverde (Esp, Movistar Team)

Résultats de la 5e étape (Hondarribia > Ondarroa, 160.2 km) :

  1. Mikkel Honoré (Dan, Deceuninck-Quick Step) en 3h39:54
  2. Josef Cerny (Tch, Deceuninck-Quick Step)
  3. Julien Bernard (Fra, Trek-Segafredo) à 0:17
  4. Daryl Impey (Afs, Israel Start-up Nation) à 0:28
  5. Simon Clarke (Aus, Team Qhubeka ASSOS)
  6. Stefano Oldani (Ita, Lotto-Soudal)
  7. Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma)
  8. Julien Simon (Fra, Total Direct Énergie)
  9. Magnus Cort Nielsen (Dan, EF Education-Nippo)
  10. Tadej Pogacar (Slo, UAE Team Emirates)

Résultats de la 6e étape (Ondarroa > Arrate, 111.9 km) :

  1. David Gaudu (Fra, Groupama-FDJ) en 3h05:42
  2. Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma)
  3. Alejandro Valverde (Esp, Movistar Team) à 0:35
  4. Adam Yates (G-B, INEOS Grenadiers)
  5. Tadej Pogacar (Slo, UAE Team Emirates)
  6. Jonas Vingegaard (Dan, Team Jumbo-Visma)
  7. Pello Bilbao (Esp, Bahrain Victorious) à 1:03
  8. Esteban Chaves (Col, Team BikeExchange) à 1:05
  9. Mikel Landa (Esp, Bahrain Victorious)
  10. Mauri Vansevenant (Bel, Deceuninck-Quick Step) à 1:55

Classement général final de la 60e éditiond du Tour du Pays Basque :

  1. Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma) en 19h11:36
  2. Jonas Vingegaard (Dan, Team Jumbo-Visma) à 0:52
  3. Tadej Pogacar (Slo, UAE Team Emirates) à 1:07
  4. Adam Yates (G-B, INEOS Grenadiers) à 1:26
  5. David Gaudu (Fra, Groupama-FDJ) à 1:27
  6. Pello Bilbao (Esp, Bahrain Victorious) à 1:28
  7. Alejandro Valverde (Esp, Movistar Team) à 1:33
  8. Mikel Landa (Esp, Bahrain Victorious) à 2:17
  9. Esteban Chaves (Col, Team BikeExchange) à 2:38
  10. Ion Izagirre (Esp, Astana-Premier Tech) à 2:59

Cliquez ici pour découvrir les résultats complets du Tour du Pays Basque

Photo : capture Eurosport

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