Les courses cyclistes virtuelles s’enchaînent : et si elles passaient l’hiver ?

Plusieurs organisations ont profité du confinement pour mettre en place des compétitions virtuelles. À tel point que leur avenir pourrait s’écrire à la prochaine intersaison.
Zwift Tour for All - Image 2020
Zwift Tour for All – Image 2020

Face au confinement suite à la crise du Covid-19, de nombreux cyclistes ont dû passer à l’entraînement sur les rouleaux, en intérieur. Heureusement, de nombreuses applications permettent quelque peu de s’évader sur des routes virtuelles, comme Zwift ou Bkool. Certaines organisations, et plus particulièrement RCS Sport, en charge du Tour d’Italie, ont profité de cette interdiction de quitter le domicile pour réaliser des compétitions sur ces routes. À tel point que leur avenir pourrait s’écrire à la prochaine intersaison.

Le 5 avril dernier, la compétition virtuelle prenait une nouvelle dimension avec la diffusion en télévision du premier Tour des Flandres virtuel. Organisé par Flanders Classics, la société belge en charge des principales classiques flamandes du calendrier, l’événement avait permis de dévoiler au grand public les capacités du programme Bkool, qui permet aux cyclistes d’intérieur de s’essayer à la compétition par Internet, grâce aux données transmises par un “trainer” intelligent, cet outil permettant d’installer un vélo sur un plateau arrière connecté en Bluetooth à l’ordinateur, la tablette ou le smartphone. Greg Van Avermaet (CCC), Oliver Naesen (Ag2r-La Mondiale) ou encore Tim Wellens (Lotto-Soudal) pouvaient ainsi se disputer la victoire depuis chez eux, sur les 35 derniers kilomètres du Ronde, dont le profil était retranscrit par le logiciel. Van Avermaet s’est imposé en solitaire au terme d’une course tout de même regardée par plus de 613 000 personnes en Flandre (56% de parts de marché). Et même si le succès télévisuel est réel, la course souffrait de quelques problèmes de jeunesse : la difficulté de suivre avec attention la course de chacun, la réalisation qui laisse parfois à désirer, les incrustations peu claires à l’écran, etc. Mais l’exercice avait le mérite d’exister.

Depuis lors, de nombreuses équipes, comme Alpecin-Fenix ou Jumbo-Visma, se sont essayés à cet exercice de la compétition virtuelle, alors que d’autres formations, comme Groupama-FDJ ou B&B Hôtels-Vital Concept, préfèrent proposer des balades avec des professionnels. Et les organisateurs de courses ont pris exemple sur Flanders Classics et tenté la mise en place d’une course sur rouleaux via ordinateur. Les organisateurs du Tour de Suisse ont proposé cinq étapes virtuelles sur les routes helvètes, la Digital 5 race series, via le programme Rouvy. Des étapes de 26 à 50 kilomètres, entre plaine et montagne, avec des coureurs différents chaque jour. Cette épreuve a notamment permis à certaines stars de faire leurs débuts sur une telle compétition, comme Vincenzo Nibali (Trek-Segafredo), Julian Alaphilippe (Deceuninck-Quick Step) ou Romain Bardet (Ag2r-La Mondiale). Et le tout était également retransmis en télévision, sur la RTS, la télévision publique suisse, et sur Eleven Sports en Belgique. Mais là encore, la qualité du programme proposé était aléatoire, entre des images filmées, qui montraient des routes non-fermées à la circulation, et une réalisation souvent à la peine pour suivre qui était ou non en tête de la course.

Zwift, principal logiciel de course cycliste virtuelle, a réussi un autre pari en proposant une première course virtuelle… sur des routes totalement virtuelles. En collaboration avec Eurosport, le groupe a mis en place le “Tour for All”, une course de cinq étapes organisée tant pour les messieurs que pour les dames (enfin, elles avaient le droit à une course pour elles). L’épreuve proposait ainsi un parcours totalement inédit, sur les routes mises en boîte par les équipes de développement de Zwift, entre l’île de Watopia et les tracés mondiaux de Richmond ou Innsbruck. Et surtout, la réalisation était bien différente de ce qui avait été organisé jusqu’ici : les coureurs et coureuses étaient plus clairement identifiés, les écarts bien mis en avant, et les données paraissaient moins brouillonnes. Certes, certaines arrivées ont été moins bien couvertes par les caméras virtuelles, laissant parfois le téléspectateur dans l’expectative, mais dans l’ensemble, ce “Tour for All” offrait un spectacle bien plus vivant et compréhensible que les courses jusqu’ici diffusées en télévision. Et sur le plan sportif, bon nombre de coureurs ont confirmé le caractère particulièrement difficile de ces épreuves virtuelles. Thomas De Gendt (Lotto-Soudal) s’est ainsi fendu d’un tweet qui résume son état d’esprit : “Il est plus facile de lâcher des coureurs de classe mondiale sur une étape du Tour de France que gagner une course sur Zwift. Tout est dit”.

Une société organisatrice reste toutefois bien en tête des innovations proposées ces dernières semaines. RCS Sport, organisateur des principales courses italiennes du calendrier, a ainsi mis en place un Giro virtuel de sept étapes, sur trois semaines de course. Les professionnels, tant les hommes que les dames, se disputaient d’abord la victoire sur des courses de 15 à 32 kilomètres (les derniers kilomètres des principales étapes du prochain Tour d’Italie 2020) avant que les amateurs puissent profiter du parcours proposé sur Bkool, durant les jours suivants. Ce Tour d’Italie n’était toutefois pas diffusé en télévision et les directs sur Internet n’étaient finalement que des shows proposant avant tout de voir les coureurs en plein effort, sans autre indication ou avatar virtuel à l’écran. Le tout entrecoupé d’interviews des favori(te)s et autres anciens coureurs, en italien et en anglais principalement. L’idée était avant tout de permettre aux amateurs de la Petite reine de profiter de ces terrains italiens depuis chez eux, plus que suivre une course par étapes qui n’avait finalement que peu d’intérêt, si ce n’est pour les sponsors des équipes concernées. C’est d’ailleurs d’ailleurs Astana qui a trouvé la victoire chez les hommes et Trek-Segafredo chez les dames.

Trois jours plus tard, RCS Sport arrivait avec un nouveau concept, bien plus intéressant : le Challenge of Stars, une compétition en deux journées disputée en ce week-end des 23 et 24 mai. L’idée était ainsi de proposer des duels entre les sprinters d’un côté, et les grimpeurs de l’autre. Quatre duels au premier tour, avant les demi-finales puis une finale désignant un vainqueur sur un parcours très court. Pour les sprinters, le tracé proposé sur Bkool était ainsi un petit faux-plat montant de 1200 mètres, idéal pour faire parler sa puissance. C’est le champion des Pays-Bas Fabio Jakobsen (Deceuninck-Quick Step) qui a triomphé sur ce format de coupe, devant Filippo Ganna (INEOS), après seulement sept courses enchaînées à vive allure. En moins d’une demi-heure, la compétition était déjà terminée et c’était finalement le format idéal pour profiter de cette petite compétition.

Le lendemain, les grimpeurs seront aux prises sur le même principe, sur un parcours de 2,9 km à 8,7% de moyenne. Vincenzo Nibali (Trek-Segafredo) et Chris Froome (INEOS) seront ainsi les grandes stars de cette édition pour grimpeurs, qui est diffusée en télévision, notamment sur la VRT en Belgique.

Au vu des différentes expériences proposées ces dernières semaines, les formules proposées par RCS Sport avec son Challenge of Stars et Zwift avec son Tour for All semblent clairement les plus propices à reprendre le flambeau des courses virtuelles à l’avenir. Car ces compétitions, hors confinement, pourraient clairement faire leur retour en télévision ou du moins sur Internet durant les périodes creuses de la saison, principalement durant l’hiver. Il n’est pas inimaginable de voir des sponsors pousser les stars de la discipline sur ce type de compétition, tant que cela reste dans un format court et compréhensible, comme cela fut le cas sur les deux courses citées ci-dessus. Car il est difficile d’imaginer des téléspectateurs/trices rester devant leur télévision durant plus d’une heure devant des décors virtuels et un peloton sans autre personnalité qu’un maillot d’équipe. Sur des formats courts, cela peut par contre attirer des fans devant leur écran. Nul doute que RCS Sport, Zwift, ou d’autres organisateurs y réfléchissent déjà pour l’hiver 2020-2021. En attendant, d’autres initiatives voient encore le jour. Aux États-Unis, le Tour de Gila propose une version virtuelle pour les dames et pour les hommes, alors que d’autres épreuves s’annoncent également sur Zwift d’ici l’été.

Photo : Zwift/Tour for All

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