Face au COVID-19, Benoot et Schachmann animent le Paris-Nice le plus étrange de l’histoire

Un jour plus tôt qu’initialement prévu, Paris-Nice s’est terminé ce samedi comme la dernière grande course cycliste du calendrier avant un long moment.
Maximilian Schachmann Maillot jaune - 6e étape Paris-Nice 2020 - ASO Fabien Boukla
Le champion d’Allemagne Maximilian Schachmann (Bora-Hansgrohe) lors de sa victoire sur Paris-NIce 2020 – Crédit : ASO/Fabien Boukla

Un jour plus tôt qu’initialement prévu, Paris-Nice s’est terminé ce samedi comme la dernière grande course cycliste du calendrier avant un long moment. Face à la pandémie de coronavirus (COVID-19), malgré le retrait de nombreuses équipes, malgré les doutes autour de l’organisation, malgré les décisions de coureurs de quitter l’épreuve avant son terme, la Course au Soleil a au moins duré une semaine, le temps pour Max Schachmann (Bora-Hansgrohe) de réussir l’exploit de conserver le maillot jaune de bout en bout, jusqu’au sommet de La Colmiane.

Le peloton le reconnaît lui-même : l’ambiance est très particulière sur ce Paris-Nice. D’abord car la pandémie de COVID-19 qui contraint de nombreux pays au confinement généralisé a mené en début d’épreuve à la décision de sept équipes (Team INEOS, Mitchelton-Scott, Team Jumbo-Visma, UAE Team Emirates, CCC Pro Team, Movistar Team et Astana). Deux autres (Bahrain-McLaren et Israel Start-up Nation) ont suivi cette voie en cours d’épreuve, tout comme certains coureurs, qui ont déclaré forfait individuellement, comme le champion du monde Mads Pedersen (Trek-Segafredo). Ensuite car le public est bien moins présent qu’à l’accoutumée en raison des décisions du gouvernement français de limiter les rassemblements de plus de 1000 personnes (en début de semaine) puis de plus de 100 personnes (en fin de semaine). Des mesures qui ont contraint l’organisation d’interdire l’accès au public sur les sites de départ et d’arrivée, de demander aux journalistes de mener des interviews à au moins un mètre de distance des coureurs, d’interdire le public sur la montée de La Colmiane, juge de paix de cette Course au soleil. Le cyclisme, l’un des seuls sports ouverts, se doit de se renfermer sur lui-même, au grand dam des fans de la Petite reine, mais aussi des coureurs, qui n’ont plus forcément le cœur à rouler.

Car au-delà de Paris-Nice, personne ne sait de quoi la saison sera faite. Toutes les courses cyclistes européennes du mois de mars sont annulées suite aux décisions des gouvernements d’interdire toutes les compétitions sportives sur leur territoire. Et bon nombre de courses majeures ont déjà confirmé leur report (voire leur annulation à moyen terme) : le Tour des Flandres, le Tour d’Italie… Cela signifie que jusqu’à mai, l’incertitude risque bien d’être dans la tête de l’ensemble du peloton. Impossible d’enchaîner les courses, les stages en groupe semblent également compromis, il restera donc aux coureurs l’entraînement individuel, chacun chez soi. Sans savoir quand programmer son pic de forme, sans connaître la suite du calendrier, sans être certain de pouvoir encore disputer une compétition cette année, tant la pandémie de COVID-19 prend tout le monde de court.

Découvrez les annulations et reports de courses sur notre page spéciale calendrier.

Schachmann, héros des bordures

Malgré tous ces doutes, les rescapés de Paris-Nice ont offert un spectacle de grande qualité sur cette dernière course du mois de mars. Dès la première étape, dans les bordures qui ont bousculé le peloton autour de Plaisir, les conditions climatiques ont permis une course offensive et de grande qualité, d’abord menée par Tiesj Benoot (Sunweb) et Julian Alaphilippe (Deceuninck-Quick Step), et poursuivie par ces deux hommes accompagnés de Dylan Teuns (Bahrain-McLaren) et Max Schachmann (Bora-Hansgrohe). Ce dernier, champion d’Allemagne, a ainsi obtenu le maillot jaune en plus de sa victoire inaugurale, confirmant qu’il allait se poser comme favori pour ce Paris-Nice. Et il l’a encore montré le lendemain, avec une deuxième étape de nouveau marquée par les bordures, avant de conforter sa place de leader sur la 4e étape, un contre-la-montre vallonné de 15 kilomètres autour de Saint-Amand-Montrond, rendu plus fade en l’absence de public pour saluer l’enfant du pays, Julian Alaphilippe.

Benoot complète le succès collectif de Sunweb

Et alors que personne ne parvenait à surprendre Schachmann sur les étapes de plaine et de moyenne montagne en ce début de semaine, l’équipe Sunweb réalisait un coup de génie sur la 6e étape vers Apt, dans les collines du Luberon. Une attaque de Nikias Arndt à près de 50 kilomètres du but, un contre du deuxième du général Søren Kragh Andersen dix kilomètres plus loin et la côte de Caseneuve, à 20 kilomètres de l’arrivée, Tiesj Benoot, troisième élément de la Sunweb, sortait en force et profitait du boulot d’Andersen avant de filer en solitaire vers une victoire prestigieuse. La troisième de sa carrière, seulement, mais qui a un goût particulier, surtout en cette saison bousculée. “Je suis ravi avec cette victoire, comme si j’avais gagné une classique”, explique celui qui devait participer à Tirreno-Adriatico (annulé) et qui se préparait au mieux pour les classiques flandriennes. Le passe-partout de 26 ans se rapprochait même au classement général, à moins de 40 secondes de Schachmann, annonçant un combat des plus intéressants vers La Colmiane, dernière ascension de ce Paris-Nice, suite à la décision de l’organisation d’annuler la huitième et dernière étape du dimanche.

Un duel final… de 1500 mètres

En cette ultime journée de compétition, tous les regards étaient donc braqués sur les purs grimpeurs (restants) de ce peloton réduit à moins de 90 unités au départ. La montée de près de 16 kilomètres de La Colmiane, bien connue des coureurs vivant près des Alpes Maritimes, devait en effet décider du maillot jaune, et mettre en difficulté un Schachmann connu comme un grimpeur correct, sans toutefois être capable d’enchaîner les pourcentages. Et pourtant, personne ne s’opposait vraiment au champion d’Allemagne dans cette ultime ascension de Paris-Nice. Alors que Thomas De Gendt (Lotto-Soudal) animait cette montée par une offensive en solitaire dont il a le secret, la seule véritable offensive des favoris émanait du Colombien Nairo Quintana (Arkéa-Samsic), à quatre kilomètres de l’arrivée. Ce dernier se permettait même de déposer De Gendt pour aller remporter un nouveau succès de prestige au sommet d’un col français après ses succès sur le Mont Ventoux, lors du Tour de La Provence, et sur le col d’Éze, lors du Tour des Alpes Maritimes et du Var, en février dernier.

Derrière, Schachmann réagissait à toutes les (timides) accélérations de ses adversaires, à savoir Sergio Higuita (EF Education First), Thibaut Pinot (Groupama-FDJ) et Vincenzo Nibali (Trek-Segafredo). Avant l’attaque plus sèche de Tiesj Benoot (Sunweb), qui faisait douter son rival allemand durant les 1500 derniers mètres. Cela ne suffisait toutefois pas : Max Schachmann est le dixième vainqueur de Paris-Nice à conserver le maillot jaune de leader de bout en bout, le premier depuis son compatriote Jörg Jaksche, en 2004. “C’était très, très dur aujourd’hui, je pense que vous avez vu à quel point mes équipiers ont fait le travail”, confiait Schachmann à l’arrivée. “Je dois être honnête : durant les trois derniers kilomètres, j’étais vraiment dans un monde de souffrance. J’avais vraiment mal aux cuisses. C’est évidemment le plus grand succès de ma carrière jusqu’à présent. J’ai toujours rêvé d’être un leader sur une course par étapes. Cela m’arrive désormais : merci à toute l’équipe”.

“Donner du plaisir aux gens”

Et voilà comment la saison cycliste 2020 s’interrompt : sur une victoire brillante en solitaire de Nairo Quintana, et un succès probant au classement général de Max Schachmann, un champion d’Allemagne tout d’or vêtu. “Je voulais donner du plaisir à mes équipiers, au staff d’Arkéa-Samsic mais aussi aux gens qui nous regardent. J’espère qu’on trouvera vite une solution à tous les problèmes actuels”, lançait Quintana après l’arrivée, conscient d’avoir été le dernier vainqueur d’une épreuve d’envergure avant un bon moment. Désormais, les coureurs vont donc rentrer chez eux, poursuivre l’entraînement sur leurs routes, et espérer que la pandémie de COVID-19 puisse enfin arrêter sa progression pour que la vie sportive reprenne. Car au-delà du divertissement procuré par ces compétitions cyclistes, c’est toute une économie qui se retrouve désormais en pause. Il ne reste donc plus qu’à croiser les doigts. Et prendre son mal en patience.

Photo : ASO/Fabien Boukla

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