Vincent Oger, un Hutois parmi les cyclo-crossmen : “C’est vraiment de la débrouille”

Sur la dernière ligne de départ du cyclo-cross de Diegem, un Hutois de 25 ans est arrivé dans la cour des grands : Vincent Oger enchaîne les cyclo-cross professionnels en Belgique après avoir grappillé ses premiers points UCI… en Roumanie.
Vincent Oger - Cyclo-cross Diegem 2019 - Grégory Ienco

Sur la dernière ligne de départ du cyclo-cross de Diegem, un Hutois de 25 ans est arrivé dans la cour des grands : depuis plusieurs semaines, Vincent Oger enchaîne les cyclo-cross professionnels en Belgique après avoir grappillé ses premiers points UCI… en Roumanie. Une aventure qui permet au cycliste amateur de l’Entente Cycliste de Wallonie de poursuivre sa passion et de côtoyer le gratin des labourés malgré les difficultés d’être un cyclo-crossman dans le sud du pays.

Chez les professionnels, on peut aujourd’hui compter les cyclo-crossmen wallons sur les doigts d’une main : Loïc Hennaux (23 ans) a ouvert la voie ces dernières années avec le soutien de Colnago alors que Vincent Oger (25 ans) le rejoint sur de prestigieuses épreuves depuis deux saisons. Et la relève chez les jeunes s’annonce avec notamment le champion de Wallonie Néo Lamot (16 ans), qui réalise de beaux résultats en France et en Flandre chez les cadets, ou encore Antoine Jamin (15 ans), qui s’est notamment classé 3e du Koppenbergcross chez les débutants. Pourtant, il est encore difficile pour ces coureurs de développer leur passion dans une région où le cyclo-cross reste marginal. Il faut s’exporter, tomber sur des équipes conciliantes et conserver une bonne dose de motivation dans un monde très compétitif. Malgré tout, Vincent Oger conserve cette envie de vivre son rêve : depuis quatre saisons, le Hutois enchaîne les courses dans les labourés pour vivre cette ambiance si particulière, et participer à quelques cyclo-cross parmi les professionnels.

Comment arrive-t-on à rêver du cyclo-cross quand on vit dans une région où le vélo est plutôt synonyme de route et de côtes ? “Durant une saison chez les débutants ou chez les juniors, j’ai été blessé durant trois à quatre mois. Je n’ai pu reprendre la compétition que fin septembre, début octobre, du coup j’avais une sensation de trop peu. Je m’étais justement acheté un vélo de cyclo-cross d’occasion, et j’ai donc commencé à participer à des cyclo-cross en province de Liège”, nous confie Vincent Oger à moins de deux heures du départ du cyclo-cross de Diegem, accoudé à son Audi qui lui sert de transport, de rangement et de station d’entraînement. “J’ai finalement plus pris goût à cela qu’aux courses sur route. L’année suivante, j’ai décidé d’acheter un deuxième vélo de cyclo-cross, et huit ans après, je me retrouve avec les pros”.

“Pas d’endroit adapté pour s’entraîner”

Pourtant, les débuts ne furent pas simples, surtout dans une région qui ne développe pas les structures pour une telle discipline. “Cela a été compliqué au début de trouver des endroits adaptés pour s’entraîner. Parce que les bois en Wallonie offrent des tracés plus cassants, avec beaucoup de racines”, confirme le Hutois, qui a donc décidé d’aller dans le nord du pays. “Quand on va s’entraîner en Campine, c’est quand même mieux, les parcours sont mieux adaptés. Et puis, quasiment toutes les grandes compétitions sont en Flandre : quand on est jeune, on doit compter sur ses parents pour leur demander de faire des kilomètres et des kilomètres et nous amener sur ces courses chaque week-end”. Mais ce n’est pas tout : il existe également peu de spécialistes du cyclo-cross en Wallonie. “Il faut  trouver des gens qui s’y connaissent : on a parfois des mauvais conseils dans les magasins de vélos. On leur demande des boyaux spécifiques mais ils veulent absolument nous vendre du “tubeless”. Mais ce n’est pas adapté ! C’est vraiment de la débrouille.”

Vincent Oger est finalement tombé sur une équipe qui pouvait lui permettre de vivre de sa passion hivernale. “Je suis tombé dans un club où le président est aussi fan de cyclo-cross. L’Entente Cycliste de Wallonie a déjà un calendrier pas mal développé dans le nord de la France notamment, et ils ont adapté également un calendrier pour moi. J’ai eu finalement la chance de tomber sur un des seuls présidents de club en Wallonie vraiment fan de cyclo-cross. Cela me permet de réaliser une saison quasiment complète de cyclo-cross sans trop rouler sur route en été et sans devoir me justifier de ne pas participer pleinement à la saison sur route.” Car le coureur de 25 ans reste un amateur avec un métier sur le côté : “L’été, je me limite à cinq à dix courses sur route. Cela dépend du feeling et du temps libre. C’est quand même un investissement : je travaille à temps plein en dehors du vélo, et j’ai une copine donc je ne peux pas partir tout l’hiver et en plus rouler tous les week-ends du reste de l’année sur la route. Et des saisons de cinq mois, c’est déjà pas mal pour moi. Car le reste du temps, je dois encore m’entraîner avant ou après le boulot, durant les week-ends. Et même après un cyclo-cross, c’est de l’organisation : il faut nettoyer le matériel, le remettre à neuf…”

Invité en Roumanie

Mais être dans un club ne suffit pas pour participer à certains cyclo-cross. Pour participer aux meilleures épreuves de la saison, il faut obtenir une invitation de la part des organisations, alors que la concurrence est rude. Ou il faut obtenir des points UCI sur des cyclo-cross du calendrier international. Vincent Oger a donc pris sa voiture et son vélo et s’est lancé à l’assaut des courses étrangères, d’abord dans les pays frontaliers à la Belgique. “Il y a trois ou quatre ans, je me suis rendu compte que les cyclo-cross de type B (NDLR : pour amateurs et élites sans contrat), ce sont toujours les mêmes tous les week-ends. On voyait tout le temps les mêmes gens et on avait donc envie d’aller voir ailleurs. Je suis allé voir dans les régions frontalières vu que Huy n’est pas très loin des Ardennes françaises, du Luxembourg, de l’Allemagne…” Grâce à ces résultats obtenus à l’étranger, le Hutois a été contacté par l’organisateur du November Cross, en Roumanie. “Il a quasiment tout arrangé sur place pour moi : j’avais juste à payer le billet d’avion et prendre un vélo et l’organisation gérait mes déplacements en Roumanie, le logement et me prêtait même un deuxième vélo pour la course”, raconte-t-il. “En fait, cela leur fait plaisir d’avoir des coureurs belges ou du moins étrangers sur leur course car pour conserver un statut de course UCI, ils doivent avoir un quota de coureurs étrangers. Et grâce à cela, j’ai pu obtenir une 7e place et 6 points UCI”.

Grâce à ces points, valables pour une année complète, Vincent Oger est qualifié automatiquement pour tous les cyclo-cross du calendrier UCI s’il le souhaite. Le coureur wallon en profite donc pour réaliser un programme de rêve : il a notamment participé au Superprestige à Zonhoven, au Hotondcross de Renaix, au Druivencross d’Overijse, à l’Azencross de Loenhout avant de prendre part au Superprestige de Diegem ce dimanche soir. Même s’il sait que jouer un bon résultat s’annonce compliqué. “Même si j’ai eu ces premiers points, je ne peux pas parler d’objectif de résultat quand je participe à ces cyclo-cross en Flandre vu les mecs qui sont devant moi. Je veux surtout me donner à fond, prendre du plaisir et ne pas finir dernier. Ce sont des courses auxquelles j’avais participé chez les jeunes, notamment le cyclo-cross de Loenhout chez les espoirs. Ce parcours, je le connaissais pour l’avoir couru à 11h00 du matin, quand le parcours était encore correct. Mais la course des pros, à 15h00, c’était autre chose : il y avait de la boue, des ornières qui se creusent au fil de la journée… Cela ne se voit pas à la télévision mais c’était très piégeux. Bref, c’est tout un apprentissage de rouler chez les pros. Il y a aussi un stress énorme : on sait que si on fait la moindre faute, on se retrouve aussi dans le bêtisier en fin de course. C’est quelque chose de nouveau à appréhender.”

“J’ai encore cinq à six étages à franchir”

Jusqu’en novembre 2020, Vincent Oger peut donc profiter de ces points pour prendre du plaisir : “Je ferai encore les courses en Belgique de début de saison, en septembre et octobre 2020, puis je ferai un bilan sur cette année, et voir si cela vaut la peine de réaliser tous ces efforts et de glaner encore d’autres points. Je ne sais pas si je pourrai encore en gagner l’année prochaine, si je pourrai retourner en Roumanie, si la course existera encore. Là, je profite de ma situation”. Mais avant cela, il espère obtenir un résultat encourageant sur le championnat de Belgique, organisé le 12 janvier prochain à Anvers. Le Hutois sera parmi les élites sans contrat mais ne sait pas encore à quelle concurrence s’attendre. “Certains coureurs pros perdent leur contrat au 1er janvier et passeront donc parmi les élites sans contrat. Du coup, la liste des partants peut être bien différente. Selon ceux qui seront présents dans cette catégorie, je pourrai éventuellement jouer un Top 20. Je sens en tout cas que j’ai pas mal progressé par rapport aux autres années. Mais même si j’ai gagné un étage par rapport à l’an dernier, il me reste encore cinq à six étages à franchir.”

Vincent Oger se félicite en tout cas de l’engouement pour le cyclo-cross qui semble enfin prendre en Wallonie. Si les épreuves sont encore marginales, le récent challenge Henri Bensberg en province de Liège a attiré plus de 1700 participants cet hiver, depuis les plus jeunes jusqu’aux vétérans. “Un challenge s’est aussi créé dans le Namurois. Mais le nerf de la guerre, ce sont toujours les frais d’inscription, les assurances pour les coureurs afin de devenir une course officielle…”, confie le cyclo-crossman. “Mais je pense qu’en Wallonie, on se compare trop souvent à la Flandre. On se dit peut-être trop que ça ne sert à rien d’organiser une course alors que cela se fait déjà bien en Flandre. Pourtant, même dans les régions frontalières, comme en Allemagne, au Luxembourg ou en France, ils arrivent à organiser des courses correctes. Je ne vois donc pas pourquoi on ne pourrait pas le faire en Wallonie : on est une terre de vélo.” Une terre sur laquelle Vincent Oger compte encore enchaîner les courses hivernales, tant que sa passion restera intacte. Même si cela suppose encore de nombreux kilomètres avec le vélo dans le coffre et une bonne dose de motivation dans la tête.

Dimanche, à Diegem, Vincent Oger n’a pas terminé dernier et a eu droit à quelques secondes en télévision. Malheureusement, la caméra se braquait alors sur Mathieu Van der Poel qui venait d’attaquer et de prendre un tour au jeune Hutois, finalement 70e sur 76 coureurs classés. Mais il reprendra déjà du service lundi à Bredene pour un cross où il retrouvera encore un certain Van der Poel.

Grégory Ienco, à Diegem

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