Milan-Sanremo : Nibali maître du vent, les Belges soufflés

Vincenzo Nibali (Bahrain-Merida) a imposé sa puissance dans les derniers hectomètres des coteaux de Sanremo pour remporter la Classicissima de quelques mètres sur le peloton.

Après plus de sept heures de selle dont la majeure partie passée sous une pluie froide et face à un vent annihilant toute tentative d’offensive, un seul coureur a finalement émergé pour déposer les sprinters et les surprendre à leur propre jeu, d’une attaque vive dans le Poggio. Vincenzo Nibali (Bahrain-Merida) a imposé sa puissance dans les derniers hectomètres des coteaux de Sanremo pour remporter la Classicissima de quelques mètres sur le peloton. Dans les rues, les vivats sont aussi imposants que la force de caractère du Sicilien. Derrière, les favoris belges font grise mine.

Au départ de cette 109e édition de Milan-Sanremo, les coureurs l’annonçaient d’emblée devant le Castello Sforzesco noyé par les averses : « Cela va être très long aujourd’hui ». Les grimaces étaient aussi visibles que les imperméables en ce matin de mars. Les giboulées étaient clairement de la partie, au grand dam de coureurs peu amènes à poursuivre sept heures jusqu’à Sanremo. « Le vent s’annonce fort, et de face, ça va être compliqué », lançait même Marcel Kittel (Katusha-Alpecin) avant de s’élancer pour 291 kilomètres. Et ce sont finalement bien ces conditions météorologiques détestables qui ont dessiné la course. Du moins durant les 284 premiers kilomètres. Une échappée de neuf coureurs, près de huit minutes d’avance au mieux, des équipes Sky, Bora-Hansgrohe et Quick Step qui temporisent, le retour avant la Cipressa, et puis… Quasiment plus rien. Le vent de face annoncé éliminait en effet toute chance pour les puncheurs de se détacher. Les formations de sprinters menaient bon train et imposaient un groupe compact, même dans la Cipressa. Tout allait donc se jouer dans le Poggio di Sanremo.

Gilbert : “Après la chute de Cavendish, c’était fini…”

Malheureusement, ce final était bousculé par la vilaine chute de Mark Cavendish (Dimension Data), mis K.-O. par un plot routier non-indiqué. Le Britannique, qui osait s’inscrire à Milan-Sanremo malgré une côte cassée dix jours plus tôt, devait rendre les armes dans la douleur alors qu’une demi-douzaine de coureurs se retrouvait emporté dans l’embardée. Et d’autres étaient retenus, évitant les vélos qui volaient dans l’emballement général. Le champion de Belgique Oliver Naesen (Ag2r-La Mondiale) et ses compatriotes Jasper De Buyst et Jens Keukeleire (Lotto-Soudal) étaient ainsi éliminés de la course à la victoire.

Tout comme Philippe Gilbert (Quick Step), l’homme en bleu qui zigzaguait entre les coureurs blessés pour tenter de reprendre la queue du groupe filant à plus de 55 km/h vers le Poggio. Mais il était trop tard : le Remoucastrien avait perdu de trop précieux mètres. La quête d’un premier succès sur la Via Roma s’éloignait à moins de dix kilomètres du but : « J’étais un peu trop derrière, mais je me disais qu’avec le vent de face, ce n’était pas trop mal non plus, et que j’allais remonter à l’avant au dernier moment. Et puis, il y a eu cette chute avec Cavendish… Enfin, je pense l’avoir reconnu en tout cas. Ça a été fini, du coup… » Une course frustrante donc, pour le Remoucastrien, qui n’a jamais pu se réchauffer, dit-il, en raison d’une météo très changeante et de ce vent très compliqué à gérer : « Il y avait énormément de coureurs devant, cela frottait beaucoup car tout le monde voulait placer son leader devant. C’était un peu chaotique comme approche du Poggio. […] Cela roulait très vite et il n’y avait pas vraiment de possibilité d’attaque. Elia (Viviani) nous avait donné un signal qu’il se sentait bien et qu’on pouvait tenter de mener la descente. Mais bon… Quoiqu’il arrive, à la fin, j’étais loin. Mais quand t’es avec, tu ne sais jamais »

Greg Van Avermaet (BMC) non plus n’a pas pu se montrer, non pas à cause d’une chute, mais plutôt à cause des conditions qui ont mené cette édition. « Il faisait vraiment froid et on n’a pas arrêté d’être entre la pluie, le vent… J’ai eu beaucoup de mal à me réchauffer. Jempy (Drucker) a tenté sa chance dans le Poggio mais c’était compliqué de sortir vu comment le peloton roulait », insistait-il à l’arrivée, emmitouflé dans une veste dès son passage sur la ligne d’arrivée, alors que son équipier et compatriote Jürgen Roelandts (BMC) arborait un sourire timide après sa cinquième place.

Une attaque et puis s’en va

Pendant que les Belges avouaient leur frustration, un Italien criait sa joie en fendant la foule : Vincenzo Nibali (Bahrain-Merida) était lui parvenu à surprendre tout le peloton en attaquant en force à sept kilomètres de l’arrivée, pour un solo haletant. D’abord avec dix secondes d’avance au sommet du Poggio, le grimpeur sicilien n’en comptait plus que sept à la fin de la descente. Malgré la poursuite de Matteo Trentin (Mitchelton-Scott), rapidement rappelé à l’ordre par les quelques sprinters encore présents dans le peloton, Nibali usait de toute sa hargne pour pousser les pédales et parvenir sur la Via Roma avec un léger avantage. Suffisant pour tenir tête à ce grand groupe, et faire taire les prédictions d’un sprint massif. Comme Filippo Pozzato douze ans plus tôt, dernier vainqueur italien de la Classicissima qui s’était imposé de la même manière, le Requin de Messine a permis au public de Sanremo d’entonner « Fratelli d’Italia » avec entrain.

Fin descendeur, c’est surtout en puncheur que Nibali s’est imposé. Mais aussi en coureur audacieux, qui n’a pas attendu comme Peter Sagan (Bora-Hansgrohe) ou les autres favoris derrière. « Normalement, nous roulions pour Sonny Colbrelli, et essayer de suivre les autres favoris en cas d’attaque. Puis j’ai vu l’ouverture avec Neilands, Sonny était derrière donc j’y suis allé. J’ai entendu que j’avais 15-20 secondes dans l’oreillette donc j’ai foncé », confie Nibali. « Je n’ai jamais arrêté d’y croire, sans me retourner. Sur cette course, il faut aller plein gaz et ne pas commencer à douter. J’ai regardé le grand écran, j’ai vu mon avance… C’était magique. C’est incroyable de gagner une telle classique ». À 33 ans, Vincenzo Nibali peut en tout cas se targuer d’avoir l’un des plus beaux palmarès du peloton, encore plus étoffé par ce succès sur la Classicissima après ses deux Tours de Lombardie, son Tour de France, ses deux Tours d’Italie et son Tour d’Espagne… « C’est le coureur le plus complet de notre génération voire même des trente dernières années », conclut Philippe Gilbert.

Résultats de la 109e édition de Milan-Sanremo (Milan > Sanremo, 291 km) :

1. Vincenzo Nibali (Ita, Bahrain-Merida) en 7h18’43“
2. Caleb Ewan (Aus, Mitchelton-Scott)
3. Arnaud Démare (Fra, Groupama-FDJ)

4. Alexander Kristoff (Nor, UAE Team Emirates)
5. Jürgen Roelandts (BEL, BMC Racing Team)
6. Peter Sagan (Svq, Bora-Hansgrohe)
7. Michael Matthews (Aus, Team Sunweb)
8. Magnus Cort Nielsen (Dan, Astana Pro Team)
9. Sonny Colbrelli (Ita, Bahrain-Merida)
10. Jasper Stuyven (BEL, Trek-Segafredo)

> Cliquez ici pour découvrir les résultats complets.

À Sanremo, Gregory Ienco – Photo : RCS Sport/La Presse

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