Non, Chris Froome n’a pas encore gagné le Tour de France

Nous sommes actuellement en train de vivre l’un des Tours de France les plus intenses de ces dix dernières années. Si le maillot jaune est toujours sur les épaules de Chris Froome (Sky) au soir de la deuxième journée de repos, les écarts derrière le favori britannique sont infimes et confirment que la concurrence sera rude jusqu’aux Champs-Élysées.
Nous sommes actuellement en train de vivre l’un des Tours de France les plus intenses de ces dix dernières années. Si le maillot jaune est toujours sur les épaules de Chris Froome (Sky) au soir de la deuxième journée de repos, après un interim de deux jours de Fabio Arù (Astana), les écarts derrière le favori britannique sont infimes et confirment que la concurrence sera rude jusqu’aux Champs-Élysées. Au grand bonheur des spectateurs, qui attendaient enfin une certaine adversité face au triple vainqueur du Tour. Pourtant, les adversaires de Froome ont manqué bon nombre d’occasions de faire la différence.

Chris Froome n’est pas aussi fort qu’avant

Au terme du prologue pluvieux à Düsseldorf, bon nombre d’observateurs du Tour de France avaient signalé la performance de Chris Froome comme un symbole de son retour aux affaires, trois semaines après un Critérium du Dauphiné en dents de scie. Il fallait toutefois patienter et analyser une course de plus 15 kilomètres et avec quelques pentes, avant de juger du niveau du triple vainqueur du Tour de France. Sur la Planche des Belles Filles, le grimpeur de la Sky a assuré le service minimum, et dans le Jura, il a profité de la clémence d’un peloton à cheval sur les règles non-écrites du peloton pour assurer son Tour en jaune. Dans les Pyrénées, par contre, Froome n’a jamais semblé à son meilleur niveau. Dans le mur de Peyragudes, menant au sommet de l’altiport de la station pyrénéenne, le Britannique a grimacé et perdu plus de 20 secondes sur ses rivaux, dont Fabio Arù (Astana), qui récupérait le jaune sur cette fringale surprenante.

Son attaque du lendemain vers Foix n’a pas forcément caché des inquiétudes quant à ses offensives qui faisaient mouche ces dernières années. Reprenant le maillot jaune sur une erreur de placement de son rival sarde à Rodez, Froome montrait tout de même les signes d’une meilleure condition sur le col de Peyra Taillade. Tout ça à cause d’une crevaison. “Je savais que ça pouvait signifier la fin de mon combat pour le maillot jaune”, a-t-il confirmé aux journalistes en conférence de presse, ce lundi. Victime d’une crevaison au pied du dernier col du jour, le Britannique a profité du travail de ses équipiers, dont Mikel Landa, pour revenir sur le groupe des favoris mené dès le pied par six coureurs d’Ag2r-La Mondiale, autour de Romain Bardet. Le coup était fameux, mais Froome a grimpé le col près d’une minute plus vite que ses adversaires. Comme à la vieille époque.

“J’ai vraiment eu de la chance de passer outre, hier. Je me disais que si je ne passais pas le sommet avec les autres favoris, je ne serais pas forcément encore en jaune aujourd’hui”, lance le Britannique. “Je me sens de mieux en mieux au fur et à mesure que la course se poursuit. Même l’étape d’hier (vers Le Puy-en-Velay), je me sentais plutôt bien, et heureusement, c’est un signe que j’ai le bon timing et que je suis arrivé très frais dans ce Tour. J’espère que durant cette troisième semaine, je serai à mon meilleur niveau”. C’est en effet durant cette troisième semaine, avec deux étapes alpestres parmi les plus dures du Tour, et un long contre-la-montre vallonné dans les rues de Marseille, que le général se jouera.

Froome apparaît certes moins fort que ces dernières années, mais il a une équipe à son service, malgré les envies de Mikel Landa, qui a dû se rétracter dans le Massif Central, pour épauler son leader. C’est son avantage, et il apparaît indispensable dans un Tour de France qui se joue sur le moindre problème mécanique et le moindre coup de fringale. “Quand on s’est lancé sur ce Tour, je savais que ce serait le plus grand défi de ma carrière et la bataille la plus difficile que j’aurais à mener sur un Tour de France. C’est ce que j’attendais, et pour l’instant, je suis juste content que je suis du bon côté au niveau des écarts”, conclut le leader de la Sky, qui a au moins cet avantage de mener la danse avant cette troisième semaine décisive.

Il manque des équipiers à Arù

Clairement, depuis que le peloton a découvert la montagne sur ce Tour de France, Fabio Arù (Astana) s’est révélé comme l’un des meilleurs grimpeurs de la troupe. Ses dernières expériences sur le Tour de France n’avaient pourtant pas été concluantes. La concentration sur cette Grande Boucle, loin de toute envie de doubler avec le Giro et la Vuelta, et ses dernières victoires ces mêmes Giro et Vuelta ont enfin donné confiance au champion d’Italie, qui ose, qui attaque, qui surprend. Et cela fonctionne ! Son offensive sur la Planche des Belles Filles et à Peyragudes ont eu raison du maillot jaune de Froome.

Puis, il y a eu cette incroyable erreur à Rodez. Sur une étape pour puncheurs qui ne devait représenter aucun danger pour sa première place au classement général, le grimpeur sarde a tout simplement perdu pied. Coincé à l’arrière du peloton durant les quinze derniers kilomètres, tirant la langue derrière les équipes décidées à jouer la victoire sur la grimpée finale, Arù a bêtement laissé son maillot jaune à Froome. “Une erreur de placement”, avoue l’Italien. “Un problème d’équipe”, réplique certains supporters, estimant qu’Astana n’a pu protéger son leader comme elle le devait. La formation a certes perdu les deux meilleures lieutenants d’Arù, en la personne de Jakob Fuglsang et Dario Cataldo, elle n’avait toutefois aucune excuse pour une étape faite pour les rouleurs et puncheurs, ce dont l’équipe kazakhe dispose avec Michael Valgren et Andriy Grivko par exemple.

Arù a donc été piégé, et n’a depuis plus fait le moindre remous. Les occasions étaient certes rares, le champion d’Italie devra surtout surprendre dans les Alpes, avant tout en montée. “Ce sera une semaine difficile, je pense qu’il y aura beaucoup d’attaques et de spectacle“, annonce le leader d’Astana. Tout ce que le public attend.

Bardet a de l’ambition et doit l’affirmer

“Il s’agit de mon meilleur Tour de France jusqu’ici donc tout est possible”, annonce le grimpeur français d’Ag2r-La Mondiale. En pleine maturité, Romain Bardet semble en bonne voie pour réaliser un nouveau podium sur le Tour de France, voire même mieux. Son succès à Peyragudes a confirmé ses nouvelles capacités en altitude. Capable de suivre Froome et les rivaux du maillot jaune sur les pentes françaises, bénéficiant de la deuxième équipe la mieux taillée pour la montagne sur cette édition de la Grande Boucle, Bardet doit toutefois encore plus agir avec ambition et aller au bout des choses. Souvent, le Français a semblé se brider, ne pas aller au bout de ses idées.

Ses offensives en descente n’ont jamais créé le moindre écart à l’arrivée et en montée, Bardet n’a finalement tenté de sortir des roues qu’à trois reprises. Et seule l’attaque/sprint de Peyragudes a vraiment fait la différence jusqu’à présent. Dans les Alpes, l’espoir de l’Hexagone est donc attendu pour faire encore exploser le peloton des favoris avec ses équipiers, et pas seulement dans les grimpées de l’est. “Avec le temps, il a appris à maîtriser ses émotions et son énergie”, prévient le manager d’Ag2r-La Mondiale Vincent Lavenu. Reste désormais à lâcher cette énergie pour conquérir le maillot jaune et non conforter une place sur le podium.

Uran, l’inconnue de la troisième semaine

Deux fois deuxième du Giro alors qu’il était tout proche du maillot rose, Rigoberto Uran (Cannondale-Drapac) semble une nouvelle fois à quelques encablures de la tunique jaune de leader. Cette année serait-elle la bonne pour le Colombien ? Décidé à ne pas suivre la roue des meilleurs, le grimpeur sud-américain n’hésite pas à se lancer dans des offensives audacieuses. Avec l’Irlandais Dan Martin (Quick Step), Uran est le coureur capable de jouer la carte tactique dans les Alpes, pendant que ses rivaux se regardent à l’arrière.

Et il ne faut pas oublier les qualités de rouleur du Colombien, ancien champion national du contre-la-montre. Et face à Froome, Uran peut clairement essayer de tenir les meilleurs temps, notamment avec la montée de Notre-Dame-de-la-Garde. Uran a cette fois la confiance de sa victoire d’étape à Chambéry et une position dans le Top 10 qu’il a toujours tenu depuis près de deux semaines. Il est désormais temps de jouer de cette audace.

Et si Martin surprenait encore ?

Toujours dans les bons coups lors des premières étapes de montagne, l’Irlandais Dan Martin (Quick Step) semble cette année capable d’enfin briller au-delà de la deuxième semaine de course. Dans la condition de sa vie, malgré une formation qui ne dispose pas forcément des meilleurs grimpeurs, l’ancien vainqueur de Liège-Bastogne-Liège est celui qui a réalisé la meilleure course durant la deuxième semaine de ce Tour de France. Finalement, la seule minute que Martin a perdu est dû à la chute de Richie Porte (BMC), dans ses roues, dans la descente du Mont du Chat. L’Irlandais a enfin toutes les cartes en main pour accrocher le podium, voire même la victoire finale s’il poursuit sa course offensive.

Grégory Ienco – Photos : A.S.O./Tour de France/Alex Broadway et Thomas Maheux

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